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Pas de démocratie pour les Parisiens ? PLM : le système électoral vicié
©Zakaria ABDELKAFI / AFP

Elections municipales

A quelques jours du second tour des élections municipales, les propositions de la maire de Paris, Anne Hidalgo, semblent de plus en plus déconnectées des souhaits réels des Parisiens. Comment le système électoral pourrait garantir plus de cohérence entre le vote des citoyens et les lieux où s'exerce concrètement le pouvoir ?

Bruno Jeanbart

Bruno Jeanbart

Bruno Jeanbart est le Directeur Général adjoint de l'institut de sondage Opinionway. Il est l'auteur de "La Présidence anormale – Aux racines de l’élection d’Emmanuel Macron", mars 2018, éditions Cent Mille Milliards / Descartes & Cie.

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Atlantico.fr : Alors que le second tour des élections municipales approche à grands pas, les propositions portées par la maire PS sortante Anne Hidalgo semblent de plus en plus déconnectées des souhaits réels des parisiens. Le type particulier de scrutin électoral parisien en est-il la cause ? A-t-il encore un sens aujourd'hui ?

Bruno Jeanbart : Il est incontestable que la loi PLM qui régit le mode de scrutin parisien, lyonnais et marseillais, pour ces municipales, semble de plus en plus anachronique. Il est difficile de comprendre les raisons qui justifient que les maires de ces trois villes ne soient pas élus au suffrage universel direct comme ils le sont dans les autres villes de France. Cela apparaît d’autant plus décalé que ce mode de scrutin, qui dans un système bipartisan aboutissait toujours à une majorité pour l’un des camps, ne garantit plus de le faire aujourd’hui avec l’émergence de forces nouvelles comme le Rassemblement National ou La République en Marche. Il y a ainsi une réelle probabilité que dimanche, aucun des blocs n’obtienne de majorité absolu au Conseil de Marseille, ce qui ferait d’un troisième tour le réel scrutin d’élection du Maire. Le caractère désuet de ce système transparait d’ailleurs dans la campagne parisienne, où toutes les formations en course prônent l’augmentation des pouvoirs du Maire d’arrondissement, qui sont aujourd’hui très limités, preuve qu’il existe une contradiction entre le poids des arrondissements dans le mode d’organisation de l’élection et leur rôle dans la gouvernance de la ville.

Comment expliquer la déconnexion flagrante entre les décisions prises par la Mairie de Paris et sa banlieue proche ?

Les enjeux dans un monde « métropolisé » d’une ville comme Paris dépassent bien évidement la seule ville centre et nécessiteraient d’être pensés à l’échelle de la métropole. La question du périphérique et de son avenir en sont une bonne illustration. Aujourd’hui, cet axe de circulation est principalement emprunté par des non parisiens. Si son futur est décidé par la future Maire de Paris, elle risque de le faire dans l’intérêt de son corps électoral plus que de l’ensemble des populations concernées. De manière plus générale, le sentiment de décalage entre les décisions de la ville et des communes limitrophes est d’autant plus important qu’il est probablement renforcé par un souci électoraliste qui vise à flatter le Parisien en lui rappelant qu’il n’est pas un habitant de l’agglomération comme les autres mais qu’il constitue une « espèce à part ». Ne sous-estimons pas l’efficacité électorale qu’il peut y avoir à flatter l’égo du Parisien vis-à-vis du « banlieusard », encore plus dans une ville où réussir à rester à l’intérieur de ses murs est chaque année de plus en plus compliqué pour beaucoup de ses habitants, avec l’augmentation du prix du logement notamment.

Pouvons-nous imaginer un système électoral réellement démocratique à même de garantir la cohérence entre le vote des Parisiens et les lieux où s'exerce concrètement le pouvoir ? Quels sont les risques à prévoir si nous n'y parvenons pas ? 

Là encore, comment ne pas percevoir le paradoxe grandissant de notre système d’organisation territorial, qui transfère de plus en plus de pouvoirs au niveau des structures intercommunales tout en maintenant comme espace du choix électoral la commune. Ce problème ne se pose pas qu’à Paris, mais il est évident que la logique aujourd’hui serait bien plus de voter au niveau intercommunal que municipal pour remettre en phase le lieu de décision politique et celui du vote. Dans le cas spécifique de Paris, il est on l’a vu renforcé par me mode de scrutin par arrondissement mais il se pose dans les mêmes termes. On parle beaucoup du Grand Paris depuis maintenant une quinzaine d’années mais son émergence réelle me semble impossible tant que l’on continuera de voter au niveau de chaque commune. En effet, pour les électeurs, le Grand Paris, cela n’existe pas. Si de plus en plus de décisions lui sont transférées, le risque est réel qu’un jour ces mêmes électeurs se rendent comptent qu’on leur demande leur avis à un niveau qui n’est plus décisionnaire et que cela renforce la fracture démocratique. Cette problématique est plus criante dans l’agglomération parisienne qu’ailleurs, où s’entremêlent communes, départements et la région comme instance politique, rendant encore plus compliquée l’émergence du Grand Paris et l’efficacité de son action, puisqu’il faut concilier des majorités d’orientation politiques différentes.

L’expérience menée à Lyon, avec la réforme Collomb et la création d’un scrutin pour l’élection d’un Président de la Métropole est une des voies possibles pour résoudre cette difficulté démocratique, d’autant que dans le même temps le département et la Métropole ont été séparées institutionnellement pour éviter le mal français de l’accumulation des strates politiques. Il est toutefois dommage que pour ce scrutin, ce soit le modèle de la loi PLM qui ait été retenu, avec un vote non pas direct mais par l’intermédiaire de circonscriptions.

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