Partout dans le monde, les filles sont meilleures à l’école que les garçons : avec 1 million d’élèves étudiés dans 30 pays on en comprend enfin les mécanismes<!-- --> | Atlantico.fr
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Les filles obtiennent de meilleurs résultats que les garçons dans toutes les matières scolaires.
Les filles obtiennent de meilleurs résultats que les garçons dans toutes les matières scolaires.
©Reuters

Réalité implacable

Ce résultat s'est imposé aux chercheurs de l'université du Nouveau-Brunswick qui ont compilé 369 études sur le sujet.

Gérald Boutin

Gérald Boutin

Gérald Boutin est professeur au Département d'éducation et formation spécialisées à l'Université du Québec à Montréal (UQAM).

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Une méta-étude réalisée par l'université du Nouveau-Brunswisk analyse les données et résultats de 369 études sur les notes réalisées sur un million de garcons et filles de 30 pays différents. Elle permet de mieux comprendre pourquoi les filles réussissent mieux que les garçons à l'école. Critères importants de réussite : maîtrise de soi, auto-discipline, concentration et persévérance. Pourquoi les filles développent-elles davantage ces qualités que les garçons ? Principalement en raison de la façon dont elles sont élèvées.

Atlantico : La tendance est quasi universelle dans tous les pays où l'accès à l'éducation est égalitaire pour les deux sexes : les filles obtiennent de meilleurs résultats que les garçons. Comme les manières d'enseigner diffèrent parfois fortement, cette réussite est-elle due à un aspect cognitif propre aux jeunes filles ? Qu'ont-elles physiquement ou mentalement "de plus" que les garçons ?

Gérald Boutin : Il est difficile d’attribuer aux filles un style cognitif tout à fait différent de celui des garçons. Le débat reste ouvert… Autrement dit, les styles cognitifs ne sauraient expliquer à eux seuls les écarts constatés entre les résultats scolaires des garçons et des filles. De nombreux autres facteurs sont à prendre en compte : le développement psycho-social, les stéréotypes et les contextes sociaux. Certaines statistiques révèlent, par exemple, que les garçons lisent moins que les filles et accordent moins de temps aux tâches intellectuelles. Sans ouvrir le débat entre l’inné et l’acquis, il faut bien reconnaître que de nombreux facteurs sont à prendre en considération.


Certains sont à prendre en considération  quand il s’agit de traiter du retard, de l’échec scolaire ou du "décrochage" :
-    Les  garçons éprouvent plus de difficultés en lecture et en écriture ;
-    Ils démontrent une attitude plus stéréotypée envers l’école (La lecture, c’est une affaire de fille, etc.) ;
-    Leur origine sociale joue aussi un grand rôle : l’écart enter garçons et filles est beaucoup plus grand dans les milieux dits défavorisés.
De tout cela ressort la nécessité de tenter d’agir le plus efficacement possible envers les garçons, tout en évitant de sur- dramatiser. On observe, par exemple, qu’ils réussissent mieux que les filles en mathématiques d’après les rapports de l’OCDE. En termes clairs, l’aphorisme bien connu  "Il convient d’adapter l’école à l’élève et non pas de se contenter d’adapter celui-ci à l’école."

Malgré les différences de système selon les pays, y a-t-il quand même un point commun dans la manière d'enseigner qui favorise les filles ?

Concernant la manière d’enseigner, certains chercheurs font remarquer que l’école n’offre pas assez de diversité. Les méthodes traditionnelles, pour une bonne part, répondraient davantage aux attentes et besoins des filles. Se pose aussi la question des thèmes abordés dans les programmes d’études. Au Québec, on compte beaucoup sur l’école "orientante" qui présente aux élèves du secondaire divers types de carrières auxquelles ils peuvent aspirer. Ce qui donne un sens concret à leur scolarisation.

Les garçons sont plus présents dans les filières courtes techniques à forte employabilité, du moins en France. Cela contribue-t-il à détourner certains garçons des hautes études ? Les filles n'ont-elles pas finalement comme seule voie vers la réussite que des études universitaires poussées ?

Ce phénomène est assez répandu en Amérique également notamment dans les milieux dit défavorisés. Les familles en difficulté financière ne peuvent pas se permettre de payer des études très poussées à leurs fils. Les filles sont également assez nombreuses à se rabattre sur des filières plus courtes. Reste que dans l’ensemble, elles sont de plus en plus nombreuses à fréquenter l’université.

Comment l'école peut-elle s'adapter à cette situation pour rétablir une certaine égalité ? Un enseignement différencié selon le genre est-il envisageable ?

De plus en plus, les enseignants sont conviés à adapter leur enseignement aux caractéristiques de leurs élèves. Il existe des projets de recherche qui expérimentent une approche plus adaptée, croit-on, aux attentes des garçons. Apprentissage de la lecture et de l’écriture (qui sont les matières les plus faibles chez les garçons d’après les statistiques disponibles) réalisée dans le contexte d’activités ludiques, soutenues par des technologies de pointe. À cela s’ajoute un travail avec les familles (lecture par les parents, etc.) Reste qu’il demeure illusoire, contrairement à ce qui est parfois soutenu, d’envisager un enseignement différencié selon le genre. Pour l’heure les résultats de recherche concernant l’éducation non mixte sont loin de faire l’unanimité. Il faut chercher d’autres solutions…

La mixité dans les écoles n'est-elle finalement pas un leurre ? Si les filles et les garçons sont si différents, ont-ils vraiment intérêt – sur un strict plan pédagogique – à étudier ensemble ?

La mixité à l’école est bien là pour rester!  La différence entre garçons et filles face à l’école n’est pas à ce point marquée qu’il faille les scolariser, comme cela se faisait autrefois, dans des lieux différents et selon des modalités tout à fait particulières. Plusieurs recherches se poursuivent pour tenter d’y voir plus clair. Elles portent notamment sur : (a) les effets des modes différenciés de socialisation en fonction de leur sexe dans le but de traquer les stéréotypes qui nuiraient à une attitude positive des garçons envers l’école ; (b) l’impact du genre du personnel enseignant sur la réussite scolaire des garçons et des filles ; (c) les effets de diverses formules(regroupements des garçons pour des activités scolaires ou parascolaires) sur leur motivation envers l’école. S’ajoutent à cela des recherches comparatives plus pointues entre les styles cognitifs des garçons et des filles. On analyse aussi de la même façon, la façon dont les garçons et les filles abordent les tâches scolaires qui leur sont confiées. Les classes non mixtes ne sauraient représenter une solution aux difficultés scolaires des garçons et à leur décrochage. Elles pourraient même contribuer à l’augmentation des stéréotypes chez les garçons. C’est du moins ce que rapporte le célèbre magazine Science après avoir recenser les résultats de nombreuses recherches sur le sujet.
Pour conclure, il existe encore beaucoup de mythes autour de cette question. À trop vouloir généraliser, on finit par perdre de vue l’individu !

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