Parrainages de Marine Le Pen : changer la loi 70 jours avant la présidentielle ne serait pas très démocratique<!-- --> | Atlantico.fr
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Marine Le Pen en meeting. Elle assure qu'elle risque de ne pas avoir les 500 parrainages nécessaires pour se présenter à la présidentielle.
Marine Le Pen en meeting. Elle assure qu'elle risque de ne pas avoir les 500 parrainages nécessaires pour se présenter à la présidentielle.
©Reuters

Impasse démocratique

François Bayrou a proposé ce lundi une concertation entre partis pour permettre à Marine Le Pen de récolter les parrainages qui pourraient lui faire défaut. Si la candidate du FN salue le "comportement républicain" et "démocrate" du leader du MoDem, elle a poliment refusé l'offre.

Dominique Gély

Dominique Gély

Diplômé en droit public et en administration locale, Dominique Gély est Directeur Général Adjoint des Services d’une Ville de 35 000 habitants.

Il est l’auteur d’un ouvrage paru aux Editions L’Harmattan sur « Le parrainage des élus pour l’élection présidentielle ».

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Atlantico : François Bayrou a proposé ce lundi que les partis se rassemblent pour tenter de trouver une solution au problème des parrainages du Front national. D'un point de vue démocratique, comment régler cette question ? Faut-il changer la loi ?

Dominique Gély : On ne peut pas décemment changer la règle du jeu à moins de 70 jours du premier tour de l’élection présidentielle. Il convient d’appliquer la loi du 6 novembre 1962 dans l’intégralité de ses dispositions en vigueur. Il faut rappeler que ce texte a déjà été modifié quinze fois. Les derniers apports sont d’avril et de juillet 2011. Faire évoluer la loi neuf mois avant les échéances présidentielles était donc possible. Or, à ce moment-là, ni le gouvernement (avec un projet de loi), ni les groupes parlementaires (avec une proposition de loi), ni les deux concomitamment (par un cavalier législatif) ne se sont réellement intéressés à la question.

Aujourd’hui, seul le Conseil Constitutionnel peut éventuellement faire bouger le cadre. Le 2 février dernier, le Conseil d’Etat a fait droit aux motifs évoqués par Madame Le Pen. Les magistrats ont, en effet, considéré que, depuis 1976, des changements ont affecté la vie politique et l’organisation institutionnelle française. Dès lors, le Conseil Constitutionnel pouvait examiner la conformité à la Constitution du dernier alinéa du paragraphe I de l’article 3 de la loi de 1962 modifié.

De plus, le Conseil d’Etat a pris acte que la modification opérée en 2008 de la Constitution est un moyen présentant le caractère d’une question nouvelle qui justifie une Question Prioritaire de Constitutionnalité (QPC). En effet, la loi constitutionnelle du 23 juillet 2008 a complété l’article 4 de la Constitution (« La loi garantit les expressions pluralistes des opinions et la participation équitable des partis et groupements politiques à la vie démocratique de la Nation »). A l’origine, l’exécutif voulait voir inscrire dans la Constitution des droits particuliers aux partis et groupements politiques qui n’ont pas déclaré soutenir le Gouvernement. Le travail parlementaire a fait évoluer la volonté initiale de l’exécutif, dans la prise en compte de la transparence financière de la vie politique. En bout de course, la formulation finale est très générale. Le Conseil Constitutionnel devra donc apprécier si la publicité des parrainages est un obstacle à l’expression de la pluralité des opinions et à leur participation équitable dans le cadre du futur scrutin présidentiel.

Le Conseil Constitutionnel a précisé qu’il statuerait sur cette QPC avant le 22 février 2012. A cette date, débutera la période de collecte des présentations pour l’élection présidentielle des 22 avril et 6 mai prochain. L’audience publique est fixée au 16 février 2012.

Est-ce alors aux autres partis d'aider le FN ?

Je reprendrais l’image de marchandages d’arrière-boutique pour répartir des signatures. Cela ne serait pas respectueux de la transparence vis-à-vis des citoyens dans une démocratie et un Etat de droit.

De plus, aujourd’hui, il ne s’agit que de promesses de signatures. Les formulaires officiels ne sont pas encore partis des Préfectures vers les élus. Ils auront jusqu’au 16 mars pour se décider, et tenir compte du débat actuel.

Votre question me permet de faire aussi le constat suivant : on a l’impression qu’il y a une forme de conception hiérarchique du suffrage universel, faisant penser que les élections nationales sont d’une essence hautement supérieure aux scrutins locaux. Dans le système des parrainages, les élus locaux, majoritaires dans le quota des présentateurs, sont considérés comme des supplétifs pour l’élection majeure d’un Etat centralisé.

Il faut avoir en tête que si les 47 400 élus parrains potentiels accordaient leur signature, on pourrait arriver à 80 candidats au premier tour. Il faut aussi se rappeler que sur les 36 682 communes, 19 428 comptent entre 50 et 500 habitants et seulement 930 ont plus de 10 000 habitants. Dès lors, il parait difficile de ne pas être dans la liste des candidats au premier tour, et qui plus est l’être sans l’aide affichée de partis politiques concurrents dans l’arène électorale. Ou alors il faut que les candidats se posent la question de leur positionnement et de leur représentativité. Il faut être, comme l’écrit un constitutionnaliste fameux, plus « présidentiable » que « présentable ».

Ce n'est pas la première fois que le Front national exprime ce type de difficultés. Comment expliquez-vous cette situation récurrente ?

Jamais aucun parti majeur n’a été absent de l’élection présidentielle depuis 1965, ni même depuis 1981 (avec la première application de la réforme de 1976 sur les 500 signatures émanant d’au moins 30 départements, sans que plus de 50 parrainages proviennent d’un même département). Si le parti d’extrême droite était absent en 1981, c’est qu’il n’avait pas l’audience qui a été la sienne à partir du milieu des années 80.

Il faut savoir que Monsieur Le Pen avait fait un recours devant le Conseil Constitutionnel pour contester le chiffre de 500 signatures exigées. Le Conseil considéra, fort justement que « la liste des candidats à l'élection du Président de la République … ne peut comprendre que les personnes ayant fait l'objet d'une présentation par au moins 500 citoyens … ; qu'à l'expiration du délai fixé pour les présentations, le Conseil Constitutionnel n'avait reçu que 320 présentations concernant M. Le Pen ; que celui-ci n'a, dès lors, pas été inscrit sur la liste des candidats à l'élection présidentielle … publiée au Journal officiel le 10 avril 1981 ». 

Propos recueillis par Jean-Benoît Raynaud

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