Paquet climat-énergie : quand Bruxelles cède à la tentation de la toute puissance<!-- --> | Atlantico.fr
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La crise énergétique perturbe la politique européenne.
La crise énergétique perturbe la politique européenne.
©JEAN-CHRISTOPHE VERHAEGEN / AFP

Crise énergétique

Le paquet énergie-climat 2020 consiste en un ensemble de directives et décisions fixant des objectifs précis à l’horizon 2020.

André Pellen

André Pellen

André Pellen est Ingénieur d’exploitation du parc électronucléaire d’EDF en retraite, André Pellen est président du Collectif pour le contrôle des risques radioactifs (CCRR) et membre de Science-Technologies-Actions (STA), groupe d'action pour la promotion des sciences et des technologies.

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Quand il est question du contenu d’un paquet « climat-énergie » quasi sanctuarisé, rien ni aucune circonstance ne semblent capables de retenir les bras omniscients de Bruxelles. En témoignent la récente confirmation de son cadre et le renforcement de ses objectifs initiaux par nos institutions, de même que les résolutions en découlant dans la directive « énergie » datant du mois dernier .

Les objectifs de ce paquet demeurent bien la réduction de 20 % des émissions de Gaz à Effet de Serre (GES) de l’Union européenne par rapport à 1990, la réduction de 20 % de la consommation énergétique européenne par rapport à l’augmentation tendancielle et l’atteinte de 20 % pour la part des énergies renouvelables dans la consommation d’énergie totale ; le cadre stratégique fixé en 2015 par la Commission censé permettre de les atteindre est toujours :

- sécurité d’approvisionnement énergétique, solidarité et confiance ;
- pleine intégration du marché européen de l’énergie ;
- efficacité énergétique comme moyen de modérer la demande ;
- décarbonation de l’économie ;
- recherche, innovation et compétitivité.

Mais l’arrière-pensée énergétique transpirant de ce paquet semble avoir singulièrement pris du corps dans ladite directive : porter la part des énergies renouvelables à 45%, d’ici à 2030, l’objectif d’économie d’énergie dans la consommation finale à 40% et à 42,5% dans la consommation d’énergie primaire… le but excipé étant le renforcement de la sécurité énergétique ; Cf le paquet RepowerEU.

C’est donc le moment ou jamais de ré examiner attentivement l’analyse du rapport d’Accenture et Barclays Bank sur les besoins de financement de ce paquet, faite début 2011 par Jean-Michel Belouve de l’Institut Hayek; des besoins demandant la pérennisation des aides publiques à octroyer aux industries "décarbonnées" évaluées à 2 900 milliards d'Euros entre 2011 et 2020, soit plus de 2,5% du PIB annuel de l'Union. Nombre de compatriotes éprouvent sans doute des difficultés à concevoir ce que représente un millier de milliards d’euros, ou un trillion : trois trillions sont tout bonnement 115% du PIB de la France !

Parmi les principaux chiffres de l’étude rapportée, on note le poids considérable de l’éolien et du photovoltaïque dans un développement des renouvelables nécessitant 600 milliards d’euros de capital et 2300 milliards d’euros de coût d’exploitation ; l’énergie nucléaire ayant été soigneusement écartée du panel des technologies "décarbonnées"

Le rapport estimait que, sur la période 2011-2020, la réduction de 2,2 milliards de tonnes d’émissions de carbone coûterait 261 milliards d’euros en technologies d’économies d’énergie. Si tant est qu’énergies éolienne et photovoltaïque fussent de celles-là, elles absorberaient 66% des besoins du capital de développement, soit 400 milliards des 600 milliards annoncés. En ce qui concerne les capitaux d’exploitation, les grandes installations solaires demanderaient 280 milliards, les fermes éoliennes 184 milliards, le photovoltaïque décentralisé des habitations 154 milliards. Le recours aux énergies éoliennes et photovoltaïques exigerait des modifications des réseaux de distribution d’électricité évalués à 352 milliards

Éolien et photovoltaïque demanderaient donc un financement total de 1370 milliards d’euros correspondant à l’investissement nécessaire pour construire 230 centrales nucléaires de 2 gigawatts

Par ailleurs, le rapport insistait à plusieurs reprises sur un soutien des gouvernements et des collectivités publiques jugé indispensable, notamment après que le Chairman de Barclays, Marcus Agius, se fut dit échaudé par la réduction de 20% des subventions espagnoles à l’énergie solaire et la fixation d’un quota annuel, en 2008, après le constat d’une croissance trop rapide des investissements : « Il y a des limites à ce que la banques peuvent faire si elles sont seules. L’incertitude des cadres politiques et les risques de la technologie accroissent la difficulté à investir dans la technologie à faible intensité carbone. Nous avons besoin de bases politiques durables pour aider à déverrouiller le flux nécessaire de capitaux »  

Bref, on aura compris que le commanditaire Barclays Bank de l’étude analysée par Jean-Michel Belouve cherchait à générer des besoins de financement colossaux et à presser les gouvernements de faire supporter les pertes financières aux contribuables et/ou aux consommateurs d’énergie, de façon pérenne. Rappelons que, très investi dans la « prévention » du risque climatique, ce groupe bancaire fait partie des 180 grands groupes financiers composant une UNEPFI associant étroitement le monde de la finance à l’ONU, dans le cadre de la mobilisation climatique.

L’échéance 2020 mise dans ce rapport est donc suffisamment dépassée pour qu’il soit aujourd’hui d’un intérêt supérieur d’évaluer le montant de l’acompte ainsi versé par l’UE en paiement d’un naufrage énergétique dont on ne sait pas où il va entraîner l’économie et la paix sociale d’un des pays les plus nucléarisés du monde. Il est du même intérêt supérieur de connaître le prix ainsi payé de la tonne CO2 « économisée ».

C’est donc sur nos zélateurs du sacerdoce climato énergétique prétendument omniscients qu’il faut faire peser l’obligation de révéler ce montant et surtout de le justifier. Puissants influenceurs avant l’heure, en dehors de personnels politiques depuis longtemps godillots de Bruxelles et des Grünen, ils sont tous peu ou prou économistes ; ainsi, l’intarissable prêtre chercheur au CNRS, Gaël Giraud, qui cherchait encore le graal de la prospérité économique verte en décembre 2014, ou feu Jean-Paul Fitoussi qui, en mars 2020, ne craignait pas de comparer le paquet « climat-énergie » à la CECA.

Mais le cas de l’incontournable Patrick Artus mérite une attention toute particulière. En décembre dernier, le polytechnicien financier ne jurait encore que par le recours à une taxe CO2 massive et par le salut énergétique attendu du couplage d’un renouvelable conquérant avec l’hydrogène cet inconnu. Le 8 décembre 2020, il n’avait déjà pas hésité à déclarer ceci – minute 24 à minute 36 – sur un plateau de BFM : pour permettre à l’UE d’atteindre – 55 % de carbone, à l’horizon 2050, le seul moyen est d’instituer une taxe à 100 euros la tonne de CO2 et d’engager nos pays à tout miser sur le développement de l’industrie éolienne européenne, la technologie de production électrique qui aura écrasé la quasi-totalité des autres moyens de productions, lorsque, vers le milieu du siècle la transition sera partout achevée ! Et de prophétiser que, à ce moment-là, le KWh coûtera trois fois ce qu’il coûte aujourd’hui, que le profit tiré par l’UE de l’industrie éolienne rendra riches ceux qui y travaillent… et pauvres tous les autres !   

Enfin, pour couronner le tout, ne manquez pour rien au monde l’assez surréaliste dialogue d’il y a deux ans entre notre Nobel Jean Tirole et le paraît-il patron d’EDF, Jean-Bernard Lévy, tous deux prenant soin de ne pas prononcer le mot nucléaire et d’entonner comme il se doit l’ode à la taxe CO2.

De tout temps, la marche socioéconomique de la civilisation a progressé dans les sillages plus ou moins convergents de prospections intellectuelles s’employant à définir ce que cette dernière peut ou ne peut pas être physiquement. Qu’on le veuille ou non, c’est des communautés de chercheurs, de techniciens en sciences dites dures ou exactes et de leurs déclinaisons technologiques et industrielles qu’émerge le seul parlement habilité à édicter les lois matériellement souveraines sur toute loi temporelle ou spirituelle. On voit aujourd’hui combien un réel implacable se charge de sanctionner toute atteinte à l’intangibilité de ces lois. Aussi, dans la mesure où, en pratique, ce parlement informel a toujours le dernier mot, son avis devrait-il être systématiquement requis pour procéder à la réalisation concrète de toute projet humain ; car ce qui est invraisemblable ou irrationnel physiquement l’est généralement économiquement et philosophiquement.

Hélas, dans la vaste société économique des hommes, se trouvent aujourd’hui des communautés plus ou moins liées à des dogmes, à des idéologies, à des intérêts partisans ou aux cercles de pouvoir pour s’affranchir avec arrogance d’une telle éthique civilisationnelle. Sans surprise, on relève dans ces groupes un fort contingent de politiciens et d’économistes. Le clientélisme aidant, non seulement on ne s’y contente pas d’une pratique professionnelle bornée par ses seules compétences, mais il n’est pas rare que, grisé par un solide statut mainstream, on aille jusqu’à s’y auto décerner un brevet d’omniscience.

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