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La consécration de la Françafrique ?
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Investiture d'Alassane Ouattara

Un président français participant à la cérémonie d'investiture d'un chef d'Etat africain, une première dans l'histoire. Ce 21 mai, Nicolas Sarkozy est présent à la célébration de la prise de pouvoir officielle d'Alassane Ouattara en Côte d'Ivoire.

Cyril Musila

Cyril Musila

Cyril Musila est  chercheur associé au programme Afrique subsaharienne de l'Institut français des relations internationales (IFRI).

Docteur en Sciences Sociales de l’Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales. Il enseigne également à l'Université catholique. 

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Atlantico : la présence de Nicolas Sarkozy à l’investiture d’Alassane Ouattara, est-ce une première pour un président français ?

Effectivement, il me semble que c’est la première fois. Je crois qu’il n’y a pas de président français qui ait assisté à l’intronisation d’un chef d’Etat africain. L’attitude de Sarkozy s’explique. Il était l’un des défenseurs de Ouattara. C’est en quelque sorte la reconnaissance de la consécration de la personne qu’il a soutenue, portée et carrément installée au pouvoir en bombardant le palais présidentiel d’Abidjan et pour avoir sorti Gbagbo et installé Ouattara. Il y a une sorte de logique. Il va jusqu’au bout de celle-ci. En même temps, cela peut être perçu par beaucoup ou en tout cas par les Africains comme un retour de la Françafrique sous un autre habit, avec un nouveau style et un nouveau modèle, mais sous couvert d’un dynamisme dont on ne comprend pas bien le sens. Mais surtout un président qui risque d’être reconnaissant vis-à-vis de ses supporters, de ses mentors, c’est la principale crainte des Ivoiriens. Que cela veut-il dire d’avoir été porté au pouvoir comme ça ? Que va-t-il donner en contrepartie de tous ses appuis ? Car cela n’est pas gratuit. C’est la grande question. C’est ce que l’on va observer. Alassane Ouattara va porter cela comme une sorte de manteau, tout le temps qu’il sera au pouvoir.

La venue de Sarkozy est en quelque sorte un aveu sur le rôle que la France a joué dans la prise de pouvoir de Ouattara ?

Bien sûr, c’est très clair. C’est un aveu et la continuation de la logique. C’est quelque part aussi, l’intention peut-être qu’il y ait une nouvelle lignée de chefs d’Etats plus attachés au sarkozysme, c’est d’ailleurs peut-être le premier, ou de mettre en place une autre forme de réseaux avec des chefs d’Etats typiquement issus de la patte sarkozyste.

La France a de nombreux intérêts en Côte d’Ivoire, comme ceux de Bolloré dans le port d’Abidjan…

Entre autres oui. Mais il y a aussi des secteurs miniers et un secteur pétrolier qui est très disputé, où il y a sans doute des positionnements qui pourraient être intéressants à observer. Il est clair que les intérêts les plus clairs et les plus visibles sont ceux de Vincent Bolloré au niveau du port ou du cacao, quand on connait un peu les relations plus ou moins personnelles et amicales entre le président français et Bolloré. On peut en conclure que cette visite est quelque part le rappel ou la consécration de ces enjeux économiques et que l’implication personnelle de Sarkozy dans le conflit ivoirien jusqu’à bombarder le palais présidentiel est analysée d’un point de vue africain comme ça, comme la consécration de cette politique.

Qui est Alassane Ouattara ?

Cyril Musila : il est surtout connu comme un ancien fonctionnaire du FMI. C’est un grand collaborateur de cette institution, il a d’ailleurs été reconnu en Afrique pour ça. On estime même qu’il a une part de responsabilité dans la crise socio-économique en Afrique, car il a été l’artisan du plan de relance structurel. En effet en 1983, il est directeur Afrique du FMI. Le plan consistait à libéraliser les économies africaines. Le plan a porté ses fruits mais a surtout laissé beaucoup de gens sur le carreau. Il s’est traduit par la privatisation et la dévaluation du Franc CFA. On est d’ailleurs encore en train de solder les effets de la crise. De nombreuses personnes se sont retrouvées à la rue. Beaucoup de fonctionnaires ont été licenciés sans indemnité et le chômage est monté en flèche. Ces éléments expliquent les conflits autour des mécontentements socio-économiques, en partie liés à la crise et au plan de relance structurel. Alassane Ouattara est donc connu sur le continent africain avec ce passif. On lui reproche d’avoir mis les économies africaines à mal.

A l’issue de sa mission au FMI, il a été appelé par Félix Houphouët-Boigny pour accompagner la sortie de crise ivoirienne. Il a pris goût à la politique en prenant en charge la direction du Rassemblement des républicains de Côte d'Ivoire (RDR). C’est à partir de ce moment-là que les Ivoiriens l’ont vraiment connu en tant qu’homme politique et non plus en tant que haut fonctionnaire, technicien et technocrate. C’est une période de multipartisme et de bouillonnement, avec un des leaders de l’opposition, qui est son prédécesseur et son ancien adversaire, l’ex-président Laurent Gbagbo. Ils se sont connus dans ce contexte-là.

Le concept « d’ivoirité » qui avait écarté Alassane Ouattara de la candidature à la présidentielle dans les années 90 et 2000, existe-t-il encore ?

S’il faut expliquer et analyser la guerre ou le diffèrent électoral qui a explosé en guerre quasi institutionnalisée, il a pour base l’ivoirité. Même si le mot n’est plus exploité et débattu comme dans les années 90 ou au début des années 2000, il est sous-jacent à la crise ivoirienne. C’est un des problèmes, un des concepts, qui continue, auquel le gouvernement de Ouattara doit répondre. L’idée de créer une Côte d’Ivoire unie, avec ce problème d’étrangers, de non-étrangers, d’autochtones et de non-autochtones, qui se cache derrière ce terme et qu’on n’entend plus mais qui est visible et qui s’exprime différemment, par exemple sur le champ politique. C’est ce qui a alimenté le conflit sans le dire, mais qui était derrière le conflit. Il est là, sous-jacent, il n’a pas disparu.

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