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Nouvelles régions : où sont passées les économies ?
©PHILIPPE HUGUEN / AFP

Réforme

Anthony Escurat analyse les conséquences de la réforme territoriale.

Anthony Escurat

Anthony Escurat

Anthony Escurat est directeur des études de Nouveau Cap (think tank du MEDEF). Il est l'auteur de « Fiscalité locale des entreprises : un échec français » pour Nouveau Cap (mars 2019, 156 pages) et de « Le lobbying : outil démocratique » pour la Fondation pour l’innovation politique (février 2016, 48 pages).

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Plus grandes, donc plus fortes. Moins nombreuses, donc moins coûteuses. Telle était la double ambition de la réforme territoriale qui – sous le précédent quinquennat – a redessiné nos régions et renforcé au passage leurs compétences. Trois ans plus tard, la Cour des comptes livre une critique assassine de cette réforme clef de la présidence Hollande qui n’a permis en réalité ni de rationaliser les dépenses publiques locales ni de clarifier l’architecture administrative territoriale.

Au 1er janvier 2016, la France est en effet passée de 22 à 12  régions métropolitaines. Ayant fait couler beaucoup d’encre, ce redécoupage réalisé à la hussarde – dont la carte originelle était issue du gouvernement d’Edgar Faure sous la IVème République – n’apparaissait sur le papier pas forcément saugrenu ni dénué de bonnes intentions ; à savoir réduire notre épais mille-feuille territorial et agrandir nos régions afin que celles-ci soient plus homogènes et compétitives par rapport à leurs consœurs européennes, tout en réalisant des « gains d’efficience » pour reprendre la novlangue du gouvernement.

Dans la pratique, force est de constater aujourd’hui que les économies d’échelle ne sont pas au rendez-vous, bien au contraire ! Alors que le secrétaire d’État de l’époque chargé de la réforme territoriale tablait sans étude d’impact préalable sur des gains à moyen terme compris entre 12 et 25 milliards d’euros, les magistrats de la rue Cambon peinent aujourd’hui à trouver la moindre économie et, à l’inverse, pointent du doigt les surcoûts importants générés par ces regroupements. Au premier rang figure l’alignement des régimes indemnitaires réalisé par les exécutifs régionaux sur le régime le plus favorable – voire au-delà ! – représentant ce faisant environ 50 millions d’euros supplémentaires de dépenses annuelles.

Autre point noir : l’augmentation des indemnités des élus, en hausse de 8% en moyenne entre 2015 et 2018 sur l’ensemble des régions fusionnées. Une progression, certes plus contenue (+4,2%), également relevée pour les membres des conseils économiques, sociaux et environnementaux régionaux, clones territoriaux du CESE, et ce pour un impact total et pérenne de 5,1 millions d’euros par an. Rappelons au passage qu’alors que le projet de loi initial prévoyait de plafonner le nombre d’élus régionaux à 150 par collectivité (soit une diminution de 15%tandis que le nombre de conseils régionaux était divisé par deux), celui-ci est finalement resté inchangé sur la pression des députés de la majorité de l’époque.

Enfin, alors que la loi NOTRe ambitionnait en 2015 de rompre avec l’opacité en clarifiant une fois pour toute les compétences des collectivités locales, le flou demeure aujourd’hui éblouissant. Proclamées grandes gagnantes du redéploiement des compétences, les régions apparaissent pourtant, en soulevant le tapis du maquis territorial, dans une situation inconfortable et inachevée ; aux prises avec des métropoles renforcées et des départements que le gouvernement n’a pas eu le courage de supprimer et – comble de l’ironie – a même autorisé, fin 2015, à continuer à intervenir sur le champ économique alors que le Parlement les en avait privés quelques mois plus tôt…

Ainsi, certes plus grandes et munies de missions accrues, la loi n’a en revanche doté nos nouvelles régions d’aucun levier fiscal supplémentaire susceptible d’asseoir définitivement leur autonomie budgétaire et donc politique, à l’exception d’un zeste additionnel de CVAE prélevé aux départements. Or, une fois agrégés, les budgets annuels de l’ensemble des conseils régionaux tricolores (31,4 milliards d’euros en 2017) pèsent à peine plus lourd que celui de la seule communauté flamande (28,4 milliards d’euros) et sont deux fois inférieurs au budget du Länder de Rhénanie-du-Nord-Westphalie (61,4 milliards). Au niveau macroéconomique, alors que le budget des régions françaises représente 1% du PIB, il se hisse à 13% en Allemagne. Autrement dit, nos géants régionaux sont en réalité des nains financiers en comparaison aux Länder pourvus de moyens budgétaires bien supérieurs. Prisonnier du fétichisme du « big is beautiful », l’exécutif avait manifestement oublié que la puissance économique d’une collectivité repose non pas sur sa seule superficie mais aussi sur l’étendue de ses compétences et des moyens dont elle dispose pour les exercer. 

Par effet pendulaire, alors que la loi NOTRe en a fait les pivots du développement économique territorial, les conseils régionaux ne perçoivent que 13% du produit total de la fiscalité locale supportée par les entreprises (soit 9,5 milliards d’euros), contre 33% pour les départements et 54% pour le bloc communal. En d’autres termes, parce que les transferts de compétences n’ont pas été accompagnés d’une refonte de la structure et du poids de la fiscalité locale, enfin mise en cohérence avec les missions des collectivités, le poids budgétaire et les marges de manœuvre fiscales des régions n’ont que très peu évolué.

En somme, pour faire de nos nouveaux conseils régionaux de véritables locomotives territoriales, il eût fallu renforcer leurs compétences tout en délestant drastiquement celles des services déconcentrés de l’État sources de doublons, accroître fortement leurs capacités financières (en leur transférant par exemple davantage de CVAE ainsi qu’une fraction d’impôt national récompensant les collectivités à la gestion vertueuse) et redessiner leur périmètre géographique dans la dentelle – plutôt qu’au coup de rabot – en supprimant au passage les conseils départementaux, sauvés in extremis en 2015.Une réforme susceptible de réduire enfin la dépense publique mais qui ne verra certainement pas le jour avant l’élection présidentielle de 2022…

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