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Nouveau crédit d’impôt compétitivité : de l’art de créer une niche qui représente près de la moitié du rendement d’un impôt
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On en pense quoi alors ?

Le crédit d'impôt pour la compétitivité sur les sociétés de 20 milliards d'euros annoncé mardi divise puisqu'il présente à la fois tous les avantages et les inconvénients d’un compromis.

Michel Taly

Michel Taly

Michel Taly est avocat fiscaliste au sein du Cabinet Arsene Taxand. Il est spécialiste de la politique fiscale à l’Institut de l’entreprise. Il a supervisé la réalisation du rapport de l'Institut de l'entreprise Mettre la fiscalité au service de la croissance.

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Que penser du nouveau crédit d’impôt annoncé mardi dernier ?

La première chose à dire est que c’est forcément une bonne nouvelle pour les entreprises, car ce sont 20 milliards d’euros de ressources supplémentaires que les entreprises pourront, selon leur situation, utiliser pour investir, se désendetter, baisser leurs prix, embaucher ou mieux rémunérer leurs salariés ou même, ce n’est pas un gros mot pour moi, augmenter leur dividende (il y a des entreprises qui ont fortement diminué, voire supprimé leur dividende pour passer la crise et des PME où le dirigeant ne s’est presque rien distribué pour passer le cap). En outre, comme les 20 milliards sont donnés après impôt sur les sociétés, cela correspond à presque 30 milliards de marge supplémentaire. Certes, cette marge virtuelle n’apparaîtra pas comme telle en comptabilité, mais, si le montant du crédit résulte d’une formule simple du type x % des salaires, il sera possible d’en tenir compte dans les calculs de rentabilité de nouveaux investissement, ce qui n’est pas le cas d’un allègement "classique" de l’impôt sur les sociétés.

Reste la technique retenue, qui ne suscite guère l’enthousiasme : on comprend bien les contraintes politiques qui ont conduit à choisir ces modalités complexes ; mais cette habileté présente aussi son revers :

  • On choisit un remède symptomatique, qui fait baisser la fièvre sans soigner la maladie : en sanctuarisant les cotisations sociales, on reste dans le déni, car c’est bien le niveau de notre protection sociale et pas seulement son financement qui pose problème. La méthode fait penser à la taxe professionnelle : pendant vingt ans, on a différé la réforme par des allègements à la charge de l’Etat ; ces cautères sur une jambe de bois ont coûté très cher, et il a bien fallu se résoudre à réformer la taxe elle-même.
  • Optiquement, les charges sociales n’ont pas baissé, ce qui reste un frein à l’embauche : ce n’est pas la même chose d’avoir une baisse des charges sur la feuille de paie ou une subvention (sous forme de crédit d’impôt) en pourcentage des salaires, versée avec un décalage (et éventuellement la perspective de problèmes avec l’administration fiscale s’il faut solliciter un remboursement en cas d’impôt insuffisant pour imputer le crédit en totalité).
  • Optiquement encore, la baisse du rendement de l’impôt sur les sociétés sera spectaculaire (de l’ordre de 40 % du montant net de l’impôt). Or, ce serait une erreur de l’analyser comme un allègement de la taxation des bénéfices des sociétés. Il y a baisse de l’imposition du bénéfice lorsque l’on réduit l’assiette (en modifiant la définition des bénéfices imposables) ou le taux. Là, on se contente d’imputer sur l’impôt dû une subvention dont le montant est totalement indépendant du bénéfice réalisé par l’entreprise, puisqu’elle est calculée en fonction de la masse salariale. On aurait aussi bien pu verser cette subvention en prévoyant une imputation sur la TVA due par l’entreprise. Or l’imputation sur l’impôt sur les sociétés n’est pas sans danger : le risque est grand que cela relance la polémique sur le fait que le taux réel d’impôt payé par les entreprises est très inférieur au taux légal. De façon générale, la question se posera de savoir quel chiffre utiliser pour les comparaisons internationales et les statistiques : le produit de l’impôt sur les sociétés avant ou après ce crédit d’impôt ? Pour les autres "niches", on ne se pose pas la question, mais c’est la première fois, à ma connaissance, qu’on crée une "niche" qui, à elle seule, représente près de la moitié du rendement d’un impôt !

Au total, la décision du gouvernement présente tous les avantages et les inconvénients d’un compromis : on ne peut que s’en réjouir, car on sent bien que, sans cela, on n’aurait rien eu du tout, et la mesure est incontestablement positive ; mais elle implique une perte de lisibilité qui peut enlever de l’efficacité à la mesure et engendrer des contresens, lourds de menaces pour les entreprises, sur le niveau réel de la taxation de leurs profits.

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