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Non, le plan Juncker n’est pas un jouet pour député européen désœuvré
©Reuters

L'Édito de Jean-Marc Sylvestre

Les europhobes sont incorrigibles. Rien de ce que fait Bruxelles n’a grâce à leurs yeux. Le plan Junker de lancer 300 milliards d’investissement ne fera pas de miracles certes, mais il ne coûtera rien aux contribuables. Le problème, c’est qu’il demande simplement un peu de courage aux gouvernants.

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

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C’est sans doute la première fois depuis dix ans que la Commission sort une réforme un peu intelligente. Cela ne fera pas de miracles, mais qui peut amorcer en Europe un processus de sortie de crise ? A condition, évidemment, que les gouvernements le veuillent et que les opinions publiques ne la rejettent pas avant même d’avoir compris ce que l’on va essayer de faire. Les mauvaises nouvelles se vendant mieux que les bonnes, ça va être difficile.

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La réaction de rejet ou de désabusement est hélas banale. Il faut dire que la précédente Commission a été d’une telle indigence. Il faut dire aussi que l’ex-président José-Manuel Barroso a été tellement absent et complaisant, à un moment où les européens avaient un besoin de cohérence et de fermeté, que l’Europe a signé pendant dix ans son brevet de bouc-émissaire. Les risques de voir les initiatives européennes rangées au rayon des accessoires pour députés européens désœuvrés est encore aujourd’hui très grand.

Depuis quelques mois, quelques progrès ont été faits. Quand la BCE prend en main la tutelle des banques, lance des stress tests ou baisse les taux d’interventions à des niveaux près de zéro, elle fait le job. La meilleure preuve, c’est que l’euro a baissé de 25%. Autant de mouvements qui étaient réclamés par tout le monde mais qui ne semblent pas émouvoir beaucoup d’économistes.

Les entreprises elles, ont gagné en compétitivité externe, beaucoup plus que via le CICE. Quand la Commission met en place le Fonds d’Intervention Stratégique, elle ne fait rien d’autre que d’activer un système de mutualisation des risques. C’est à croire que ceux qui réclamaient des eurobonds n’ont rien compris à ce qui pouvait se passer.

Maintenant, Jean-Claude Juncker, le nouveau président, s’est fixé comme objectif de mandat de restaurer la croissance. Rappelons, une fois encore, que son prédécesseur avait pour objectif de ne rien faire.

Évidemment, les exégètes s’en donnent à cœur joie. Ils font leur calcul et s’aperçoivent que les montants par pays et par an sont dérisoires. Sans doute, mais l’époque n’est plus au plan Marshall. On se trompe de guerre. Il ne s’agit pas de jouer au Père Noël et de distribuer de l’argent à ceux qui seront les plus séduisants, les plus politiques.

Si les opinions publiques pensent que le plan Juncker va se résumer à une distribution de fonds comme on le faisait autrefois pour les fonds structurels, c’est que l’on n’a rien compris au film et que chacun prend ses rêves pour des réalités. On n’est pas dans une maison de retraite à la veille de Noël. L’explication est très simple.

Tout d’abord, Junker ne se trompe pas de diagnostic. Il s’agit bien de relancer la machine par l’investissement, donc par l’offre, l’innovation et la compétitivité.

Ensuite, le besoin ne passe pas par une distribution d’argent ou de crédits publics. Il n’y a pas d’argent public à distribuer. Les budgets sont exsangues. Le besoin passe par la définition de projets précis qui nécessitent une coopération européenne, et qui seront structurants, donc créateurs de richesse.

Enfin, les européens ont l’occasion de définir le contenu de leur croissance future. Quels secteurs ? Quelles activités ? Quelles infrastructures ? Cela passe par les voies de communication, par les approvisionnements en énergie etc. On n’attend pas seulement des chiffres mais on attend la description des projets. C’est autrement plus compliqué que de blablater sur des additions d’euros que personne n’est capable d’apporter. Les fonds structurels, la belle époque, n’ont pas été inutiles mais comme c’était de l’argent public européen, ce fut de belles collections de  gaspillages.

Le Financement justement ? Et bien le financement sera privé, c’est le point fort du projet Juncker. Il n’y aura pas d’argent public. Partant du principe que, si les projets sont intéressants et sérieux, économiquement viables et utiles, créateurs de valeur, il n’y aura aucune raison pour que le financement privé ne vienne pas. Si on a besoin de financement public pour boucler une opération, c’est que l’opération n’est pas bonne. Le marché est bien plus capable d’arbitrer une allocation d’investissement que quelques fonctionnaires ou quelques politiques dont les intérêts sont ailleurs.

Sous cet angle, le plan Juncker n’est pas nul. Le problème est qu’il faut que les politiques jouent le jeu. Qu’ils acceptent de définir et de sponsoriser des projets dont l’utilité n’est pas seulement, à court terme, politique. Les 300 milliards ne sont que des garanties. Des cautions. Si les politiques inspirent confiance le multiplicateur est énorme.

Si ça ne marche pas et que ça tombe aux oubliettes, il ne faudra s’en prendre ni à la Commission, ni à la Banque Centrale. Il ne faudra s’en prendre qu’à nous-mêmes, c’est à dire aux gouvernances nationales.  

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