Nombre d’emplois record dans l’UE : la bonne nouvelle qui cachait une décennie perdue pour les Européens<!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
Economie
Nombre d’emplois record dans l’UE : la bonne nouvelle qui cachait une décennie perdue pour les Européens
©Reuters

Attention mirage

En ce début d'année 2017, l'Union européenne est enfin en capacité d'afficher un nombre d'emplois supérieur à celui constaté lors de l'année 2008. Un bilan que ne partage pas encore la zone euro, qui peine encore à dépasser son précédent record de 2008.

Nicolas Goetzmann

Nicolas Goetzmann

 

Nicolas Goetzmann est journaliste économique senior chez Atlantico.

Il est l'auteur chez Atlantico Editions de l'ouvrage :

 

Voir la bio »

Atlantico : "Plus haut niveau d'emploi jamais atteint dans l'Union européenne", selon Eurostat, 232.9 millions de personnes ont un emploi au sein de l'Union, tandis que 153.9 millions ont un emploi dans la zone euro. Peut-on en conclure que l'Union et la zone euro sont en voie d'en finir avec la crise qui frappe le continent depuis 10 ans ?

Nicolas Goetzmann : Les statistiques européennes permettent en effet de mettre en avant que l'Union européenne est finalement parvenue, après 10 ans, à un nombre d'emplois équivalent (légèrement supérieur) à celui de l'année 2008, qui est la date du dernier record. 

Source Eurostat

On pourrait conclure positivement sur cette situation, mais cela aboutirait à considérer comme "normal" que la deuxième zone économique mondiale n'ait pas été capable de créer des emplois pendant toute une décennie. D'autant plus que la zone euro affiche pour sa part une destruction nette d'emplois pendant toute cette période, ce qui indique que ce sont les pays européens hors zone euro qui ont été les plus dynamiques en création d'emplois lors de ces dernières années. Le Royaume Uni en tête, qui en a créé 2 millions lors de ces 5 dernières années. Et si l'on veut comparer avec les États Unis, qui eux aussi ont subi la crise, on constate que le niveau d'emploi actuel est de 5% supérieur à son plus haut de 2008. À l'échelle de la zone euro, cela représente un différentiel de près de 8 millions d'emplois, et environ 1.5 millions d'emplois à l'échelle de la France. Il ne s'agit pas là du chiffre de ce qu'aurait pu faire la France si la crise n'avait pas eu lieu, mais du chiffre qui correspond à ce qu'aurait pu faire la France (et la zone euro) si elle avait simplement fait ce que les États Unis ont fait, au moment où ils l'ont fait. C’est-à-dire une grande relance monétaire dès la fin novembre 2008, et amplifiée deux fois par la suite, alors que les européens ont attendu janvier 2015 pour s'y mettre. Au final, la zone euro affiche un taux de chômage de 9.6% contre 4.7% aux États Unis. Et les pays européens hors zone euro ont plutôt eu tendance, comme le Royaume Uni, à suivre le chemin des États Unis, que celui de la zone euro. Ce qui semble à postériori être un choix raisonnable. Et pourtant, la situation américaine est très loin d'être parfaite, ce qui met encore un peu plus en évidence l'aspect grotesque du cas de la zone euro.

Combien de temps faudra-t-il pour que les stigmates de cette crise se résorbent totalement ? À quelles conditions ?

Nicolas Goetzmann : Pour faire une comparaison, entre 2008 et 2016, la zone euro a donc détruit environ un demi-million d'emplois, alors qu'elle en avait créée 15 millions sur la période comprise entre 1999 et 2008, c’est-à-dire sur un laps de temps équivalent. On peut donc dire que le manque à gagner correspond à 15 millions d'emplois, ce qui est correspond d'ailleurs au nombre de chômeurs de la zone euro, soit 15.6 millions au mois de janvier 2017. Mais évidemment, puisque la population active européenne a également progressé, cela ne veut pas dire pour autant que le chômage serait à 0, mais au moins que la zone euro serait actuellement en situation de plein emploi. On Peut cependant constater que les États Unis sont parvenus à créer 15 millions d'emplois entre 2010 et 2016, ce qui est une indication de la période nécessaire pour atteindre le plein emploi en Europe, mais à une condition, c’est-à-dire en suivant une politique monétaire dont l'objectif est justement d'atteindre le plein emploi. Ce qui n'est pas le cas de la zone euro, mais ce qui pourrait être fait si les dirigeants européens se mettaient d'accord sur ce point, ce qui devrait pourtant tomber sous le sens.

N'est-il pas simplement hasardeux de croire que, dans une période qualifiée de "stagnation séculaire", l'Europe sera capable d'atteindre à nouveau le plein emploi ?

Nicolas Goetzmann : La théorie de la stagnation séculaire est en reflux pour cause de non-conformité à la réalité. Si la "croyance" dans le fait que les économies occidentales seraient condamnées à la stagnation tenait la route, il y aurait quelques difficultés à expliquer les performances américaines ou britanniques de ces dernières années. 15 millions d'emplois aux États unis, 2 millions au Royaume Uni (avec un record historique de taux d'emploi en prime) ne semblent pas plaider dans le sens d'un nouveau paradigme qui viendrait consacrer la fin de la croissance. Cette théorie pouvait encore avoir un peu de sens dans le creux de la crise, mais lorsque les politiques monétaires expansionnistes ont vu le jour, et que les résultats sont arrivés, la "stagnation séculaire" a commencé à battre de l'aile. On peut tout au plus considérer que les taux de croissance seront contraints par la faible croissance de la population occidentale, et une productivité en berne en raison d'une décennie perdue en termes d'investissements, mais cela ne veut pas dire que nos économies sont incapables de donner un emploi convenable à chacun. Le plein emploi européen est à portée de main, ce n'est qu'un choix politique. Mais ce n'est pas le choix de l'Europe d'aujourd'hui, pas encore.

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !