Neutralité carbone : des objectifs à la fois excessivement coûteux et difficilement réalisables<!-- --> | Atlantico.fr
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François Gervais publie « Impasses climatiques : Les contradictions du discours alarmiste sur le climat » aux éditions de L’Artilleur.
François Gervais publie « Impasses climatiques : Les contradictions du discours alarmiste sur le climat » aux éditions de L’Artilleur.
©FRED SCHEIBER / AFP

Bonnes feuilles

François Gervais publie « Impasses climatiques : Les contradictions du discours alarmiste sur le climat » aux éditions de L’Artilleur. Sous l’impulsion du GIEC, les responsables politiques ont décidé que les pays développés devaient renoncer aux énergies fossiles (pétrole, gaz et charbon) d’ici 2050. Pour éviter le retour à la précarité énergétique et la hausse dramatique de la pauvreté, il est temps pour l’Occident de reprendre ses esprits, ceux de l’analyse factuelle et scientifique. Extrait 1/2.

François Gervais

François Gervais

François Gervais est physicien, spécialiste de thermodynamique et professeur émérite à l'Université François-Rablais de Tours. Il est l'auteur de L'innocence du carbone aux éditions Albin Michel (2013).

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Atteindre la neutralité carbone en cessant les émissions signifierait réduire drastiquement toute liberté dans toutes les sphères d’activité, manger, se déplacer, travailler, voyager, transporter. Elle impacterait l’économie, l’industrie, le bâtiment, le chauffage des bâtiments publics ou des logements particuliers. Il n’y aurait plus de voitures, de transports routiers, de tracteurs ou d’engins de chantier fonctionnant au diesel ou à l’essence. La neutralité carbone interdirait, du moins compliquerait la plupart des fabrications d’acier et d’autres métaux. Pour éviter les coupures de courant, l’électricité serait rationnée. Le chauffage des logements serait réglementé à la baisse, posant en particulier problème pour les personnes les plus âgées et les enfants en bas âge. Les cimenteries n’auraient d’autre choix que de fermer. Les navires seraient à propulsion nucléaire ou reviendraient à la voile comme les galions, les goélettes ou les clippers des temps anciens. Un monde zéro carbone proscrirait bus diesel ou hybrides, avions de ligne et hélicoptères de sauvetage. L’agriculture, l’exploitation forestière, la pêche et le tourisme seraient fortement impactés. Dans les régions qui subissent les rigueurs de l’hiver, des millions de maisons deviendraient invendables sauf à dépenser une fortune en pompes à chaleur et en isolation, si tant est que cette dernière soit faite correctement, ce qui techniquement n’a rien d’évident. Fonder une famille ou prodiguer des soins médicaux aux personnes âgées deviendrait beaucoup plus compliqué. La précarité énergétique se réduirait à la pauvreté pure et simple.

Bien que l’objectif de neutralité carbone nous soit répété sur tous les tons, il n’y a en fait aucun plan digne de ce nom pour l’atteindre. Les conclusions de l’analyse de Willis Eschenbach rejoignent celles du professeur Roger Pielke Jr, ou celles de Brouwer et Bergkamp (2021). Si la neutralité carbone devait être atteinte à marche forcée d’ici 2050 tout en évitant précarité énergétique, coupures d’électricité, confinements généralisés, arrêt d’activités économiques essentielles, il faudrait remplacer 193 10 wattheures d’énergie chaque année par une énergie non produite par des combustibles fossiles qui assurent aujourd’hui plus de 80% de l’énergie utilisée. Indépendamment du coût qui serait phénoménal, estimé entre 275000 et 433 000 milliards de dollars pour les seuls États-Unis, soit 20 fois le PIB de ce pays, la question de la faisabilité technologique est posée.

Il est tout d’abord important de souligner que les confinements et la chute d’activité économique mondiale liés à la pandémie en 2020-2021 n’ont même pas induit une signature visible dans l’augmentation du CO2 dans l’atmosphère mesurée par la NOAA à l’observatoire du Mauna Loa (Fig. 3.1). Cette augmentation ininterrompue donne une idée tangible du formidable défi à relever pour tenter de la freiner, d’autant qu’elle continue à être bénéfique à la végétation en général et aux plantes nutritives en particulier, contribuant ainsi à lutter contre la faim dans le monde. Le Quéré et al (2021) n’ont pourtant pas d’états d’âme à prôner des confinements en cascade façon COVID-19 pendant au moins une décennie. Et pourquoi? Pour que la France ne risque pas d’être accusée d’avoir réchauffé la planète d’un millième de degré d’ici 2050 ?

Pour ne pas en arriver à des mesures totalitaires drastiques et néanmoins réduire les consommations de combustibles fossiles de 193 1015 wattheures par an, il faudrait construire et installer 22 térawatts de nouvelle capacité de production d’énergie chaque année. C’est de l’ordre de 100 fois plus que ce qui a été installé ces deux dernières années, ce qui donne une idée de l’invraisemblable chantier de pillage des ressources minérales qui se dessinerait. D’ici 2050, cela supposerait de construire, installer, tester et mettre en service environ deux gigawatts supplémentaires chaque jour. Dans le cadre des connaissances technologiques actuelles, les deux gigawatts supplémentaires devraient être essentiellement électriques, à savoir produits par

• de nouvelles centrales nucléaires,

• de nouveaux barrages hydroélectriques si tant est qu’il existe encore suffisamment de sites favorables à leur installation,

• des panneaux solaires

• de nouvelles éoliennes compte-tenu toutefois que les meilleurs emplacements pour les installer sont déjà utilisés. 

Les réacteurs nucléaires existants produisent environ un gigawatt. Les éoliennes produisent environ 2 mégawatts. L’énergie intermittente des éoliennes doit être mixée à de l’énergie contrôlable comme les centrales nucléaires pour produire de l’énergie en l’absence de vent ou s’il n’y en a pas suffisamment, comme observé environ 2/3 du temps dans les meilleurs endroits ou même 3/4 ou 4/5 du temps dans les endroits moins favorables. Cela obligerait à tripler, quadrupler ou quintupler le nombre de leurs implantations. Les panneaux solaires ne produisent pas la nuit. Ils ne produiront de l’énergie au-delà de celle qu’il a fallu dépenser pour les fabriquer que seulement plusieurs années après leur mise en service et seulement s’ils n’ont pas subi une panne irrémédiable dans la période initiale de fonctionnement, par exemple par suite de leur exposition aux intempéries. Pour produire 2 gigawatts électriques supplémentaires par jour en s’inscrivant dans la croisade visant la neutralité carbone d’ici 2050, il faudrait par exemple construire soit 3000 éoliennes de 2 mégawatts, soit 250 kilomètres carrés de panneaux solaires, s’ajoutant à un réacteur nucléaire de 1 gigawatt, et tout cela tous les jours d’ici 2050! La demande de minéraux rares nécessaires à leur construction (Chapitre 6) deviendrait critique. Atteindre la neutralité carbone d’ici 2050 a été estimé pour l’Australie, pays de seulement 25 millions d’habitants1. Elle impliquerait par exemple:

• Supprimer les centrales qui fonctionnent aux combustibles fossiles, les véhicules à moteur thermique et les équipements qui collectivement consomment chaque année 1 085 TWh et les remplacer par des équipements zéro-émission.

• Installer 119000 éoliennes sur une surface de 60000 kilomètres carrés. Leur construction et leur installation nécessitera 36 millions de tonnes d’acier et 145 millions de tonnes de béton.

• Installer 6 millions de panneaux solaires sur les toits.

• Construire 22 000 fermes solaires.

• Pour les 516 térawattheures d’équipements trop difficilement remplaçables, planter 17 milliards d’arbres chaque année pour un coût de 238 milliards de dollars sur une superficie de 201 millions d’hectares, l’équivalent de 50% des surfaces agricoles australiennes.

• Construire 6 centrales nucléaires pour un coût de 92 milliards

• Emette 670 millions de tonnes de CO2 pour la fabrication et la construction des infrastructures nouvelles.

• Dépenser au total 1 130 milliards de dollars.

Pour résumer l’exercice, il s’agirait d’un vaste chamboulement industriel et économique. Il faudrait dépenser énormément pour au final disposer d’une énergie moins fiable qu’auparavant sans la garantie de pouvoir le faire dans les délais impartis et surtout, selon le prétexte invoqué, sans changer quoi que ce soit de significatif à la température de la Terre. Les émissions australiennes sont inférieures à celles de l’Allemagne par exemple. Comment faut-il désigner un tel type de projet en langage courant: formidable escroquerie ou suicide collectif? Le coût pour atteindre la neutralité carbone au Royaume-Uni a été estimé à 3000 milliards de livres, soit 3 600 milliards d’euros. Ce coût rapporté à un foyer de quatre personnes serait de 215000 euros. Les Britanniques seront à coup sûr ravis de dépenser une telle somme pour éviter que leur pays ne réchauffe la Terre d’un millième de degré d’ici 2050. Le devis et l’impact serait similaire pour la France.

Gwythian Prins est professeur émérite à la London School of Economics. Il écrit : «Toutes les transitions précédentes ont été d’une moindre qualité vers une meilleure qualité, de haute vers faible entropie, de sources d’énergie désordonnées vers ordonnées. La neutralité carbone est un «bien de Veblen» consommé à des fins de consommation ostentatoire, nuisant à la compétitivité internationale du monde libre, car l’énergie n’est pas une variable facultative mais une partie intégrante de la santé de toute économie». Le professeur Prins explique: «Au cours des deux dernières décennies, l’Occident s’est engagé à fond dans deux projets surprenants. Le premier est de «mieux reconstruire» et – qualificatif crucial – «plus vert». Le second est d’atteindre la neutralité carbone via une transition énergétique. Ces deux projets doivent être mis en œuvre via des objectifs et des calendriers dictés du sommet vers la base, et auront des implications dans tous les coins et recoins de l’économie: rien ne sera laissé intact. Pourtant, ils relèvent davantage de l’utopie que de l’expérience, car ni l’un ni l’autre ne seront couronnés de succès. Et leur échec aura de graves conséquences, à commencer par l’érosion de la confiance dans le gouvernement, à un moment où elle est déjà très entamée. Ils ne fonctionneront pas parce que les investissements dits « verts» ne peuvent se traduire par une croissance spontanée dans un marché libre, car ils ne fournissent pas les biens ou les services dont les gens ont réellement besoin. Cela se ferait donc à coups de subventions, toutes financées sans le consentement des contribuables ou des consommateurs […] Il est maintenant bien établi que tenter cette transition aura pour effet de transformer un réseau électrique stable et pilotable en un réseau instable, le rendant fragile. Cela rend l’électricité moins abondante et progressivement beaucoup plus chère pour les consommateurs, exactement au moment où on leur dit d’électrifier leurs maisons et leurs véhicules. Ces deux ambitions politiques se trouvent donc en contradiction flagrante.»

Défendre l’indéfendable ne relève pas de la meilleure stratégie. La feuille de route prévoyant l’élimination du carbone fossile d’ici 2050 ignore les réalités physiques et technologiques. En tant qu’idée politique vertueuse, il faut reconnaître que la perspective de neutralité carbone a pu bénéficier d’un soutien initial de l’opinion publique. Mais à mesure que les coûts et les réalités technologiques apparaitront plus précis, on peut s’attendre à un basculement. La montée en flèche des coûts astronomiques de la neutralité carbone touchera plus durement les plus démunis. On en a déjà eu un avant-goût en France avec les motivations du mouvement initial des «gilets jaunes». L’énormité des exigences des politiques et de la finance climatique dépassera un seuil de souffrance économiquement et socialement supportable. Les objectifs sont irréalisables, les chiffres invraisemblables et ce n’est qu’une question de temps pour que l’opinion publique bascule dans la prise de conscience d’une telle évidence.

Les projets d’extension du marché européen du carbone aux transports et aux bâtiments seraient politiquement suicidaires et risqueraient de déclencher un embrasement similaire au mouvement des gilets jaunes de 2018 en France, a mis en garde le député français qui, au Parlement européen, préside la commission de l’environnement. «La Commission semble faire le choix de taxer les ménages les plus pauvres», a déclaré le secrétaire d’Etat polonais au climat et à l’environnement. De nombreux gouvernements craignent désormais la colère de leurs citoyens face aux objectifs, prétendument climatiques, en tous cas ambitieux de l’Union Européenne. Ils ne veulent pas d’un fardeau financier supplémentaire pour les automobilistes, les propriétaires de maisons individuelles et les entreprises.

Lord Nigel Lawson a été Chancelier de l’échiquier, l’équivalent britannique de notre ministre des Finances. Il écrivait dans The Spectator avec pour titre Net zero is a disastrous solution to a nonexistent problem (La neutralité carbone est une solution désastreuse à un problème inexistant): « La folie humaine n’est que trop commune. Mais dans une longue vie, je n’ai jamais rien rencontré d’aussi inquiétant que la peur climatique actuelle. Les objectifs de la COP26 sont ambitieux et onéreux. Une question importante semble éludée dans le débat. Sommes-nous vraiment confrontés à une menace existentielle? Ou bien la « crise» du changement climatique pourrait-elle en fait être une hystérie quasi-religieuse, basée sur l’ignorance? Il est vrai que depuis la révolution industrielle, lorsque nous avons commencé à utiliser les combustibles fossiles, d’abord le charbon, puis le pétrole et le gaz comme sources d’énergie, cela a conduit à une augmentation constante, bien que progressive, de la quantité de dioxyde de carbone dans l’atmosphère. Les ignorants (pas seulement la BBC) appellent cela la pollution. En réalité, c’est tout le contraire: loin d’être une pollution, le dioxyde de carbone est la matière première de la vie. C’est la nourriture des plantes, et sans les plantes il y aurait peu de vie animale et pas de vie humaine. Le principal effet de l’augmentation du dioxyde de carbone dans l’atmosphère est de stimuler la croissance des plantes, de les fertiliser. Des études approfondies ont montré que la planète devient effectivement plus verte grâce à l’augmentation du CO2. Et pourtant, on nous dit qu’il faut empêcher toute nouvelle augmentation de CO2 pour devenir « vert». Un effet secondaire de l’augmentation du CO2 dans l’atmosphère terrestre est de réchauffer légèrement la planète. Ce n’est pas une mauvaise chose: beaucoup plus de personnes meurent chaque année de maladies liées au froid que de maladies liées à la chaleur. Et le réchauffement est vraiment très ténu. […] L’hystérie climatique n’est en aucun cas une folie anodine. La raison pour laquelle le monde utilise des combustibles fossiles est qu’ils sont de loin la source d’énergie fiable à grande échelle la moins chère. […] Le coût économique de l’abandon des combustibles fossiles, atteindre la neutralité carbone, est énorme: même le Trésor admet que cela coûtera au Royaume-Uni des dizaines de milliards de livres par an. C’est pourquoi la Chine, qui est de loin le plus grand émetteur de CO2 au monde, tout en se déclarant favorable à l’objectif de neutralité carbone, continue de construire de nouvelles centrales électriques au charbon à la pelle (et pas seulement en Chine: elle en construit aussi dans une grande partie des pays en développement). La décarbonation, en somme, serait une calamité économique sans précédent […] J’ai suggéré dès le début que la peur climatique actuelle est une hystérie quasi religieuse. L’humanité semble avoir un besoin psychologique d’un système de croyance. Traditionnellement en Occident, cela a été le christianisme; mais avec la place décroissante du christianisme dans le monde moderne, le catastrophisme climatique a émergé pour prendre sa place. Et il va sans dire que c’est particulièrement commode pour nos dirigeants politiques, qui seront partis avant que l’ampleur des dégâts économiques causés par les mesures qu’ils prônent ne devienne apparente. En attendant, quelles que soient les erreurs qu’ils commettent, ils peuvent se faire passer pour les sauveurs de la planète. Mais quelle que soit la cause de la folie du changement climatique, l’effet est clair. Alors que le réchauffement climatique n’est pas un problème, les politiques destinées à le prévenir relèvent du désastre».

Extrait du livre de François Gervais, « Impasses climatiques : Les contradictions du discours alarmiste sur le climat », publié aux éditions de L’Artilleur

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