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Nette accélération de la croissance française : l'hirondelle économique traversera-t-elle le printemps présidentiel ?
©Pixabay / RaphaelaFotografie

Made in France

Selon les dernières tendances, la croissance économique devrait être plus robuste qu'attendue au sein de la zone Euro, et donc aussi en France. Une embellie qui, sous certaines conditions, pourrait bien se poursuivre pour quelques mois.

Philippe Waechter

Philippe Waechter

Philippe Waechter est directeur des études économiques chez Natixis Asset Management.

Ses thèmes de prédilection sont l'analyse du cycle économique, le comportement des banques centrales, l'emploi, et le marché des changes et des flux internationaux de capitaux.

Il est l'auteur de "Subprime, la faillite mondiale ? Cette crise financière qui va changer votre vie(Editions Alphée, 2008).

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Atlantico : Selon Chris Williamson de Markit, l'économie française devrait croître de 0,6-0,7% au premier trimestre après 69 semaines de suite de hausse et dépasserait l'Allemagne pour la première fois depuis août. Qu'est-ce qui explique cette reprise ?

Philippe Waechter : On observe effectivement en février une accélération brutale à la hausse des indicateurs d'activité dans l'enquête Markit. C'est vrai pour la France mais cela l'est aussi en Allemagne et pour l'ensemble de la zone Euro. C'est ce dernier phénomène qui est intéressant. Les pays de la zone Euro progressent tous de façon cohérente à l'exception de la Grèce.

Au regard des corrélations qui existent entre ces indicateurs et l'évolution trimestrielle du PIB il est probable que la croissance va être plus robuste qu'attendue au sein de la zone Euro et donc aussi en France. Le chiffre peut, s'il se maintient, être de l'ordre de 0.5 à 0.7% ce qui est significatif. Cela se traduirait alors probablement par une croissance plus forte que celle attendue jusqu'à présent pour l'année 2017. On pourrait tendre vers 2% en zone Euro et 1.5% en France et même peut être un peu au-delà.

Le point important est cette dynamique globale observée dans tous les pays de la zone. En effet, les pays échangent beaucoup entre eux. Ils échangent principalement des biens manufacturiers or on constate que l'indice manufacturier est à un niveau qui n'a pas été observé depuis avril 2011. L'activité manufacturière bat son plein et les pays de la zone s'échangent ses biens. Cela se traduira par des effets positifs sur l'activité. Un pays ne fabrique pas l'ensemble des biens manufacturiers. Il a donc besoin d'échanger avec l'Allemagne, la France, l'Italie, l'Espagne ou un autre. Ces échanges créent des impulsions qui poussent l'activité à la hausse. On peut ainsi avoir un tourbillon à la hausse.

Les raisons de cette embellie sont à trouver dans la meilleure lisibilité et la plus grande stabilité des politiques économiques depuis 2013/2014. La politique budgétaire qui avait été très contraignante après 2011 est plutôt neutre désormais et n'a pas d'effet restrictif. Elle est même pro-cyclique en Allemagne par exemple. La politique monétaire est accommodante et va le rester encore pour un bon moment. L'absence de chocs négatifs de la politique économique permet aux entreprises et aux ménages de se concentrer sur leur propre activité avec leurs propres contraintes. Ils ne subissent plus les aléas de la politique économique et cela change beaucoup la donne. En outre, les conditions financières sont attractives, le prix du pétrole est stable et pas trop cher et l'on assiste aussi en dehors de l'Europe a une amélioration cyclique.

La France bénéficie de ce cadre alors que les marges des entreprises se sont améliorées et que les ménages retrouvent de l'optimisme. 

Peut-on penser que cette tendance se poursuivra par la suite ?

Toutes choses égales par ailleurs, il est probable que cette amélioration conjoncturelle se poursuivra au cours des prochains mois. Le mécanisme lié à l'intensification des échanges ne va pas être perturbé sans un choc brutal. Par le passé une telle configuration a pu être longue et porteuse d'une croissance forte.

On n'imagine pas non plus les politiques être modifiées en profondeur. La neutralité va bien à la politique budgétaire et Mario Draghi rassure chaque jour sur la volonté de la BCE de favoriser le retour et le maintien d'une croissance élevée.

En outre, les indicateurs de l'enquête Markit sont aussi très positifs sur l'évolution de l'emploi. Cela rajoute au caractère vertueux du cycle. La distribution de revenus supplémentaires par le biais des emplois nouveaux va se traduire par un plus fort soutien de la demande interne ce qui profitera à l'activité. L'effet sera alors positif sur la croissance et la boucle sera bouclée.

Le reste du monde est aussi sur une phase du même type donc il ne devrait pas y avoir de vents contraires trop forts au cours des prochains mois. C'est ce qui me rend plutôt optimiste.

N'y a-t-il pas un risque politique à retrouver une situation économique plus positive à à peine quelques mois de la présidentielle ?

On peut avoir deux lectures lorsque l'on intègre la dynamique politique et que l'on est en France. La première est effectivement que l'élection approchant il puisse y avoir des anticipations dégradées si par exemple le candidat qui devient favori indique vouloir sortir de la zone Euro. Pour la France et les pays de la zone Euro cela serait dramatique. En effet, cela engendrerait de l'incertitude sur le régime monétaire à venir mais aussi sur l'existence même de la zone Euro. Chacun se mettrait à la cap en attendant d'y voir plus clair. La trajectoire plus forte que j'évoquais serait alors à passer en pertes et profits.

Il y a une deuxième attitude qui est d'observer que depuis quelques mois la situation de l'économie française s'améliore franchement. Outre cet indicateur d'enquête on constate que la France a créé plus de 191 000 emplois marchands en 2016 et qu'il y a eu des gains de pouvoir d'achat. La catastrophe souvent annoncée n'a pas eu lieu et la France en suivant un rythme lent retrouve un équilibre plus robuste, Cela peut modifier les choix politiques ce qui aurait pour conséquence de prolonger et d'accentuer l'embellie.

C'est cette dialectique qui sera à l'œuvre au cours des prochains mois. Cela sera d'un grand intérêt. Il y a bien sûr d'autres risques que l'on maitrise moins comme ceux qui pourraient émaner d'un tweet maladroit de la Maison Blanche.

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