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Natalie Portman bouleversante en Jacqueline Kennedy en deuil brûlant dans "Jackie"
©Reuters

THE DAILY BEAST

L’actrice oscarisée livre une performance digne d’un nouveau trophée. Elle incarne la veuve tourmentée de l’ancien président John F. Kennedy dans "Jackie", dont la première a été projetée à la Mostra de Venise.

Marlow Stern

Marlow Stern

Marlow Stern est journaliste au Daily Beast.

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Copyright The Daily Beast - Marlow Stern

"Je me suis habituée au fossé considérable entre ce que les gens croient et ce que je sais être la vérité", lance Jacqueline Kennedy en agitant sa cigarette. Le fait qu’elle partage cela avec un reporter n’est pas rien : ni pour lui, ni pour elle, ni pour nous. Et c’est ce fossé creusé par la fascination qui est analysé dans le film "Jackie" de Pablo Larrain, un puissant drame historique retraçant les batailles de l’ancienne First Lady dans les jours suivant l’assassinat de son mari, un film porté par l’interprétation de Natalie Portman qui incarne une veuve présidentielle douloureusement vulnérable.

Une partition orchestrale de cordes stridentes signale l’ouverture du film, suivie par le visage de Portman en gros plan. Elle est l’incarnation de l’agonie gracieuse. Tout se passe une semaine après l’assassinat à Dallas de son époux, le président John F. Kennedy, et Jackie accuse le coup au Kennedy Compound à Hyannis Port, dans le Massachusetts. Elle a accepté une interview avec Theodore H. White du magazine Life. Il s'agit là d’un des trois dispositifs narratifs employés par le talentueux réalisateur chilien Pablo Larrain, avec les confessions de Jackie à un prêtre (joué par l’excellent John Hurt) et une reconstitution du tournage de sa très médiatisée visite guidée de la Maison-Blanche pour CBS News.

A travers chacune de ces interactions, nous sommes témoins des différentes facettes de Jackie : son personnage public, offrant un sourire irrésistible aux caméras de télévision ; son personnage semi-public, faisant preuve de force, d’un esprit aiguisé, et d’un sens de la stratégie en dépeignant une image de conte de fées pour le magazine Life, lorsqu'elle compare la maison Blanche des Kennedy au royaume épique de Camelot, siège de la légende du roi Arthur ; et enfin son deuil intime face à la perte de son époux, lorsqu'elle confesse au vieux prêtre qu’elle espère souvent le rejoindre dans l’au-delà. Le résultat donne une interprétation finement ciselée, subtile et nuancée de Jacqueline Kennedy – une interprétation qui évoquera surement des comparaisons avec The Queen de Stephen Frears.

Peu d’actrices savent incarner le tourment intérieur aussi bien que Natalie Portman, dont le visage juvénile dégage une terreur enfantine accompagnée de pathos. C’est ce qui avait rendu son rôle de ballerine dans Black Swan si pétrifiant : une petite fille effrayée et désespérée, prise au piège dans un corps de femme, se démenant pour obtenir la reconnaissance. Elle instille des qualités similaires à Jackie Kennedy, qui fait face à des circonstances invivables en arpentant les couloirs de la Maison-Blanche comme Danny Torrance dans Shining, gobant des pilules, et en se défoulant occasionnellement sur son beau-frère Bobby Kennedy (incarné par Peter Sarsgaard), qui semble plus préoccupé par l’héritage de John F. Kennedy que par l’état de la femme et des enfants de son frère décédé.

"Il y avait du sang partout… il a avait tellement de morceaux… J’ai dû maintenir sa tête pour qu’elle ne tombe pas en lambeaux" raconte Jackie à Theodore White – avant de le prévenir qu’il ne pourra publier cela sous aucun prétexte. Le film revient ensuite sous forme de flash-back sur les premières heures qui suivent l’assassinat de John F. Kennedy, alors que la First Lady escorte son mari à l’agonie au Parkland Hospital, avant de rejoindre Lyndon B. Johnson pour sa prestation de serment comme nouveau Président à bord de l’Air Force One, refusant tout du long d’ôter ses vêtements tachés de sang. Dans une scène bouleversante – une de ces séquences taillées pour les Oscars – on peut voir Jackie nettoyer son visage des dernières traces sanglantes de son mari, ses larmes se mêlant au sang.

Afin, semble-t-il, de se préserver et d’éviter de se confronter de plein fouet à son malheur, elle ne se contente pas de dépeindre à Theodore White une image idyllique de la présidence en cité de Camelot. Elle prolonge la légende jusque dans l'organisation des funérailles de son époux, qui oscilleront entre une grande procession comme celle de Lincoln et quelque chose de résolument grandiose. Elle croise le fer avec Jack Valenti (joué par Max Casella), conseiller politique de Johnson, au sujet des risques en matière de sécurité posés par la longue procession au travers des rues de Washington pour les funérailles de son époux, ainsi qu’avec Bobby, qui selon elle ne voit en elle qu’une simple "débutante" à la mode.

Mais ce sont les moments de calme auprès du gentil prêtre incarné par John Hurt qui nous offrent les percées les plus profondes dans l’âme de Jackie. Elle se débat avec sa foi, lançant "Je pense que Dieu est diabolique", et fait ensuite référence au caractère volage de son mari, confessant : "Jack et moi avons rarement passé la nuit ensemble". Elle s’inquiète de l'image que les hommes peuvent avoir d’elle, s’interrogeant : "Quand les hommes me voient, que croyez-vous qu’ils ressentent ?", et regrette plus tard : "A une époque, je les faisais sourire". Portman porte ces scènes avec délicatesse et une dignité tout en retenue qui s’avère hypnotisante. Il y a largement matière à aimer Jackie, depuis la justesse parfaite des reconstitutions historiques jusqu’au script inspiré de Noah Oppenheim, mais c’est l’interprétation du deuil par Natalie Portman qui restera ancrée dans les mémoires longtemps après le générique de fin.

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