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Mondial 1982, la planète football découvre un prodige : Socrates, fumeur, buveur et qui avait "l'air de se foutre de tout"
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Bonnes feuilles

Socrates fut un footballeur hors-pair et un acteur politique de la construction démocratique brésilienne. Ancien milieu de terrain, il fut le meilleur joueur sud-américain du tournant des années 1980. Extrait du livre "Docteur Socrates", d'Andrew Downie chez Solar Editions (1/2).

Andrew Downie

Andrew Downie

Andrew Downie est un journaliste écossais, auteur du livre "Docteur Socrates", chez Solar Editions.

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Les supporters du Corinthians sont, après ceux de Flamengo, les plus nombreux du Brésil, mais leur passion va au-delà des chiffres. Pour eux, les beaux gosses sont suspects et ils préféreront toujours un arrière droit hargneux qui fait une course de 50 mètres pour tacler qu’un ailier élégant qui dribble cinq joueurs… Bien que des stars comme Rivelino, Socrates et Ronaldo y aient vécu des années glorieuses, le club ne reste pas identifié ou associé à une seule grosse individualité qui effacerait toutes les autres, comme Zico à Flamengo, Pelé à Santos ou Garrincha à Botafogo.

Leur conscience d’être différents des autres prit ses racines un jour de 1976 où 60 000 personnes se rendirent au Maracana pour assister à une demi-finale de championnat face à Fluminense. Si le Corinthians n’avait plus gagné de trophée majeur depuis 1954, pour ses supporters, son heure était revenue. Ils avaient fait, en masse, les 430 kilomètres entre Sao Paulo et Rio pour voir leur équipe se qualifier aux tirs au but. Si elle perdit la finale contre l’Internacional une semaine plus tard, cet afflux massif reste gravé, dans l’histoire du Corinthians, comme « l’invasion corinthienne ». Leur patience était inversement proportionnelle à leur passion. Quand leurs joueurs avaient le ballon, les tambours résonnaient dans les tribunes, à un rythme de samba très rapide, comme un appel à accélérer le jeu. Quand ils le perdaient, les tambours ralentissaient et ne jouaient plus les notes qu’une à une, un rythme funèbre qui mettait une pression incroyable à la fois sur les locaux et sur les visiteurs. Et ils semblaient infatigables.

C’est lors du Mondial 1982 que la planète découvrit Socrates. Le Brésil était l’équipe la plus cool du monde et lui le capitaine de l’équipe la plus cool du monde. Ce « Docteur Socrates socialiste » était largement inconnu des téléspectateurs étrangers et n’avait pas encore acquis ce statut de champion des pauvres. Les commentateurs racontaient qu’il était médecin, fumait comme un pompier et buvait de la bière, mais ce qui paraissait le plus « cool » tenait à son attitude. Alors que ses 21 coéquipiers se battaient comme si leur vie en dépendait, lui promenait cette allure détachée et ne se démenait vraiment que quand il y était contraint. En gros, il avait l’air de se foutre de tout…

« Le Docteur » avait une bonne raison d’apparaître ainsi. Pendant toute la première partie de sa carrière, ses huit années à Botafogo et une au Corinthians, il jouait au foot « comme ça »… En 1979, tout à sa lutte contre les exigences du professionnalisme et pas encore très convaincu par sa décision d’avoir abandonné la médecine, il considérait toujours le football comme un jeu. Il savait ses supporters exigeants, mais n’allait pas changer son style du tout au tout, même pour quelques millions de fans. Décider de la façon dont l’équipe devait jouer était une rude bataille. Il se mit alors dans la tête de changer les mentalités, même si celles-ci étaient très ancrées.

Le football brésilien, après les Coupes du monde 1974 et 1978, était dans l’ornière. Des voix s’étaient élevées contre une tendance à un jeu lent, stylé, incarné notamment par Socrates. Rondinelli, le milieu de Flamengo, se prononça en faveur d’un jeu plus musclé et Bufalo Gil, un joueur de Botafogo, s’en prit aux joueurs issus de la classe moyenne, lesquels, selon lui, manquaient de la hargne qui habitait leurs homologues d’origine modeste.

Socrates ne voulait pas avoir à s’excuser de ses origines et faisait remarquer que l’impassibilité de Björn Borg se révélait tout aussi efficace que les simagrées de John McEnroe. Il se comparait au Suédois et arguait que, en contrôlant le ballon au milieu et avec la classe d’Amaral en défense, le Corinthians était parfaitement armé pour jouer un football équilibré, pas seulement fondé sur le « tout ou rien ». Si le football était une musique, le Corinthians jouait du heavy metal et Socrates rêvait d’une mélodie plus douce à l’oreille.

Extrait du livre "Docteur Socrates", d'Andrew Downie chez Solar Editions

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