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Comment Mike Horn est parti à l'assaut de l'Antarctique avec... des cerfs-volants
©MARTIN BUREAU / AFP

Bonnes feuilles

Le 7  février 2017, à 22 h 50, Mike Horn, seul et sans assistance, achève sa traversée de l’Antarctique. 5 100 km en 57 jours dans des conditions extrêmes qui l’ont poussé au bout de sa résistance. Un incroyable combat contre les éléments qui fait de cet aventurier de 51 ans le plus grand explorateur des temps modernes. Extrait de L’Antarctique, le rêve d’une vie de Mike Horn, publié chez Editions XO. (1/2)

Mike Horn

Mike Horn

Né en 1966 en Afrique du Sud, Mike Horn se découvre très jeune une attirance forte pour les aventures de l'extrême. Il s'adonne par la suite à sa passion en réalisant les exploits les plus fous, tels la remontée de l'Amazone à la nage, le tour du monde en suivant la ligne de l'Équateur ou en encore le tour du cercle polaire arctique à pieds. Dans ses livres, il rend compte de ses multiples expéditions, et révèle comment ses expériences hors du commun ont profondément changé sa vision de la vie.

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Les deux premiers jours de mon expédition ressemblent à un film d’action au ralenti, une épreuve de force de tous les instants. Il fait beau, même pas froid puisque je ne suis pas encore trop loin du niveau de la mer – un petit –10 °C, c’est quasiment la canicule dans ces régions-là –, mais moi, je m’en fous de la douceur du temps. Ce que je veux, c’est du vent ! Plein de nuages et la tempête dans la gueule ! Comme ça, je pourrai déplier mes ailes de ski-kite et, en soixante douze heures tout au plus, poser enfin les pieds sur le continent. Ensuite, il sera temps d’attaquer les montagnes qui ceinturent la terre de la Reine-Maud. Tandis que là, je me traîne sur ce maudit ice-shelf tout plat, tout nul, avec sa couche de neige en déliquescence qui adhère sous mes pas comme de la colle extra-forte. Cet après-midi, j’ai même fini par chausser mes crampons d’escalade à la place de mes skis. Pour ce que je glisse…

Où est-ce que je vais comme ça ? Tout droit, plein sud. Pour l’instant. Avec cette procession qui me vaut de parcourir à peine plus d’un kilomètre par heure, j’ai le temps de me poser la question. Soit j’oblique vers l’est pour me rendre au point de départ que j’avais prévu, à savoir les environs de la base de Novolazarevskaya. Ça rallonge, mais là-bas je suis sûr de trouver les conditions les moins pénibles pour rallier le pôle Sud. Les convois de tracteurs et de camions qui font la navette avec la base russe ont damé le terrain. Et les explorateurs qui m’ont précédé ont déjà ouvert les voies dans les montagnes. Soit je ne finasse pas, je baisse la tête et je coupe tout droit. Là, je suis sûr de trouver… bah ! Je n’en sais rien, justement ! J’ignore la force des vents catabatiques qui descendent des glaciers et je me demande si seulement il y a un foutu passage pour accéder à l’autre côté de la montagne. Je n’ai même pas la garantie que cette plate-forme de glace sur laquelle je transpire comme un galérien soit vraiment reliée au continent… En fait, je fais confiance aux manchots.

Au bout de deux jours, j’ai parcouru une quarantaine de kilomètres, à peine plus. En marchant quatorze heures sur vingt-quatre… C’est déjà beaucoup – d’heures, pas de kilomètres ! –, mais je peux faire plus. Pour l’instant, je m’en tiens à la journée classique de Mike Horn explorateur : quatorze heures de boulot, cinq heures de repas et d’activités diverses, cinq heures de sommeil. Plus tard, pour gagner du temps, il faudra que je modifie mon horloge biologique. Mais je n’y suis pas encore. Je ne vais pas rajouter des heures aux heures pour grappiller quelques centaines de mètres supplémentaires. Qu’est-ce que j’ai mis dans ma luge pour qu’elle pèse aussi lourd ? D’accord, il y a la neige-scotch qui ne m’aide pas, mais c’est vrai que je n’avais jamais autant chargé mon traîneau pour une expédition. Encore heureux que j’aie pris le risque de laisser l’équivalent d’un mois de nourriture sur le bateau ! Les quarante litres de fuel, je ne pouvais pas faire moins, c’est avec ça que je vais faire fondre la glace pour boire et préparer mes plats lyophilisés. Mais j’ai aussi pris une paire de skis de rechange et j’ai surtout emporté beaucoup de matériel de ski-kite.

J’ai cinq tailles de cerfs-volants différentes : 4 m², 6 m², 10 m², 12 m² et 18 m². Le principe est le même que pour la navigation à voile : plus le vent est fort, moins la toile est grande. Pour aller débusquer le moindre souffle de brise, j’ai plusieurs jeux de lignes avec une longueur maximale de cent vingt mètres afin de monter le plus haut possible dans le ciel. Chaque cerf-volant arbore une teinte flashy différente. Bleu avec des liserés rouges pour le plus grand, rose et noir pour celui de 6 m2, orange et bleu pour celui de 12 m2, etc. Je me suis dit que çaferait au moins une tache de couleur dans tout ce blanc !

Avec David Getaz, un copain de Château-d’Oex, on a développé une forme de voile un peu révolutionnaire, genre chauve-souris. Une troisième ligne permet de rétracter légèrement la toile quand le vent augmente brutalement. Ça évite de la déchirer et de devoir en changer à chaque fois. On a testé ça au milieu des étables. Ça a beaucoup amusé les vaches. En fait, je suis assez fier de mon équipement de ski-kite. J’aimerais juste qu’il me serve à quelque chose… Pour assurer le coup, j’ai contacté Daniel Moench de Plein Air. Il a eu la gentillesse de me renvoyer des kites de 10 m2 et de 12 m2, les mêmes que j’avais utilisés au pôle Sud en 2008 et qui avaient montré toute leur efficacité. Il m’a également fourni des réserves de lignes de soixante mètres. Des lignes de secours…

Extrait de L’Antarctique, le rêve d’une vie de Mike Horn, publié chez Editions XO

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