Métavers : flop ou technologie d'avenir ? La réponse est entre les mains de l'IA et des microprocesseurs<!-- --> | Atlantico.fr
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Une tablette affichant le logo de la société Meta.
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©Lionel BONAVENTURE / AFP

Innovations de demain

Les métavers sont en gestation technique et intellectuelle depuis des décennies. Que ce soit en marketing, pour produire différemment ou encore pour travailler de manière plus productive, les applications fonctionnelles émergent déjà comme le précisent Emmanuel Moyrand et Sébastien Laye dans leur ouvrage "Métavers: une Vision Pratique" aux éditions Eyrolles.

Sébastien Laye

Sébastien Laye

Sebastien Laye est chef d'entreprise et économiste (Fondation Concorde).

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Emmanuel Moyrand

Emmanuel Moyrand

Emmanuel Moyrand est consultant Métavers. 

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Atlantico : Des romans de science fiction aux ambitions de Facebook Meta,  on a tous une vague idée, souvent très utopiste, du metavers. Comment définissez-vous ce nouvel objet dans votre dernier livre ?

Sébastien Laye et Emmanuel Moyrand : Avec notre ouvrage, nous avons voulu en premier lieu démystifier un terme et des technologies qui apparaissent progressivement dans nos expériences numériques utilisateurs, mais qui sont par trop galvaudés par cinquante ans d'utopies technologistes en la matière. Des réflexions de Bachelard (sur l'hyper réel) aux utopies hollywoodiennes comme Ready Player One, en passant par le roman Snow Crash de Stephenson qui consacra le terme, le Métavers a en réalité un passé assez long en tant que concept. Cependant, malgré certaines premières tentatives comme celle de Second Life, ce n'est que dans les années 2020 que les premières expériences immersives sont apparues, et monteront en puissance au cours de la décennie. On entend par métavers (à utiliser de préférence au pluriel, nous parlons dans notre ouvrage des métavers, et non d'un lieu unique le Métavers, sauf en tant qu'agrégation justement de ces différents métavers via une interopérabilité) des expériences immersives (3D, réalité augmentée, projection par avatar), synchrones (l'univers bouge de la meme manière pour moi que pour les autres participants), persistantes (l'univers continue meme quand je n'y suis pas présent), et présentielles (j'ai le sentiment de faire partie de l'expérience). En termes d'expérience utilisateur, c'est bien la prochaine phase, assez naturelle, d'une partie du numérique, que l'on parle de logiciels ou de l'internet. C'est une évolution naturelle que d'imaginer qu'au moins 20% de nos interactions numériques (pages web, logiciels de conception) migrent vers des expériences plus immersives. 

Aujourd'hui l'IA est sur toute les lèvres, même Meta s'est retourné vers l'IA semblant délaisser (un peu) le métavers. Le métavers peut-il encore revenir en force ? Ou risque-t-il d'être de ces choses qui n'ont pas su prendre leur essor car arrivées trop tôt ? 

La méthodologie Hype Cycle de Gartner a mis en exergue combien toute technologie nouvelle passait par une phase d'engouement, puis de déni, enfin de stabilisation et d'ascension progressive. L'internet, après une fulgurante montée en puissance à la fin des années 1990 puis trois ans de purgatoire, est passé par les memes phases. Le Métavers ne fait pas exception, encore plus parce que pour arriver à la réalisation des visions les plus utopistes du concept, il faudra encore plus de dix ans de progrès en puissance de calcul. Mais les premiers vrais cas d'usage, essentiellement B to B (en ressources humaines, communication, conception industrielle, santé) sont déjà là, et vont justement profiter des avancées de l'IA. Pour atteindre des dimensions massives, les métavers doivent se reposer sur du contenu généré par les utilisateurs. Or aujourd'hui, avec MidJourney ou Leonardo pour les images, Runway pour la vidéo, Skybox Lab pour les environnements 3D, les outils d'IA permettent très rapidement de créer les "briques" du métavers. L'avenir des métavers dépend donc aussi en partie de l'IA, et des microprocesseurs, de leur puissance de calcul. Enfin, meme s'il existe différentes formes de métavers, toutes ne nécessitant pas un équipement physique, on espère l'arrivée d'un terminal populaire (de types headset ou lunettes) pour populariser l'accès et les applications. Apple doit dévoiler en Juin un nouveau produit phare en la matière.

Quel est le vrai poids économique du metavers à l'heure actuelle ?

En associant les marchés hardware (équipements), logiciels et achats dans des métavers, on trouve le chiffre  de 47,4 milliards de dollars en 2022, dont presque la moitié aux États-Unis. Le scénario médian indique un marché à 678 milliards de dollars en 2030 (pour une croissance annuelle moyenne de 39 %des revenus). Si on analyse les revenus par industrie, le secteur média/divertissement arrive en premier (31% du marché) du fait du poids des plateformes hybrides jeux vidéos/ métavers, de la place des musiciens, de la culture dans l'industrie des métavers, souvent couplés aux NFTs. Immédiatement après, et réunissant nombre de cas d'usages explorés dans notre, on trouve le secteur BFIS: banques, finance, immobilier, assurances. Enfin, la mode et le luxe sont aussi des pionniers en la matière. 

Si Meta est particulièrement sur les rangs, quelles sont les ambitions d'Apple, Microsoft et d'autres dans le secteur?

Meta est sorti du bois un peu trop tot par rapport à l'avancée des technologies, il y a déjà presque deux ans, mais le basculement des réseaux sociaux de la 2D plane à une forme d'expérience plus immersive, au moins pour une partie des fonctionnalités, se fera inéluctablement. Mais il revient à Meta de proposer aux utilisateurs des options immersives intéressantes pour leurs pages de réseaux sociaux, au lieu d'espérer les faire basculer vers un nouveau lieu unique. Nvidia est un grand bénéficiaire du développement des métavers, à deux niveaux: ses puces ont rendu possible le développement d'univers de plus en plus réalistes, mais par ailleurs son produit Omniverse domine le secteur des jumeaux industriels, pour la conception de produits et la simulation.  Apple se positionne sur l'aspect hardware/plateforme, qui est justement l'élément clef manquant aux métavers à l'heure actuelle: il faudra juger sur pièces sa première incursion en la matière, espérée en Juin. Enfin, comme pour l'IA, Microsoft a tout les éléments pour une stratégie Métavers grand public: Teams + HoloLens + Mesh + la XBox, une simple unification (en cours) de tous ces services amènera la 3D à de nombreuses catégories de population.

Quels pourraient être à terme les révolutions et bouleversements entraînés par le métavers ?

La première a trait à la conception  et la réalisation des produits, notamment dans la construction, la pharmacie et les flux logistiques et elle est largement en cours. A un horizon de deux ans (et les premiers cas d'usage sont déjà décrits dans le livre), le monde de l'entreprise, notamment les ressources humaines, la communication, les meetings, le recrutement  mais aussi celui de l'éducation, seront fortement impactés; d'ici deux ans, la manière de se rencontrer, de travailler en équipe à distance, ou d'apprendre, va etre modifiée par ses expériences immersives. A plus long terme c'est l'internet et les interfaces numériques utilisateurs qui vont changer: non pas en totalité, mais d"ici dix ans au moins 20% du numérique actuel aura basculé du monde plan à des formes d'immersions hyper réalistes, synchrones et persistantes, puissamment orchestrées par des IA et des blockchains.

Emmanuel Moyrand (consultant Métavers) et Sébastien Laye (entrepreneur et économiste) publient "Métavers: une Vision Pratique" aux éditions Eyrolles, sortie 11 Mai 2023

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