Mesures de soutien aux entreprises : un succès aux effets secondaires futurs mal mesurés <!-- --> | Atlantico.fr
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Bruno Le Maire et le ministre délégué des Petites et Moyennes Entreprises, Alain Griset, assistent à une réunion avec des représentants des détaillants et des commerçants, le 20 novembre 2020.
Bruno Le Maire et le ministre délégué des Petites et Moyennes Entreprises, Alain Griset, assistent à une réunion avec des représentants des détaillants et des commerçants, le 20 novembre 2020.
©ÉRIC PIERMONT / AFP

Quoi qu'il en coûte

Depuis le début de la pandémie, le gouvernement a accompagné les entreprises face à l'impact économique de la crise sanitaire. L'argent est-il vraiment allé aux entreprises qui en avaient le plus besoin ? La crise du Covid-19 et ses conséquences économiques ont entraîné une forte hausse des dépenses publiques. Elles ont représenté 61,8% du PIB en 2020, contre 55,4% en 2019.

Sébastien Laye

Sébastien Laye

Sebastien Laye est chef d'entreprise et économiste (Fondation Concorde).

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Atlantico : Un an et demi après le début de la pandémie, il est l’heure de faire le bilan des mesures prises par le gouvernement pour accompagner les entreprises à surmonter la crise. Les données actuelles permettent-elles de dire si l’argent est-il vraiment allé aux entreprises qui en avaient le plus besoin ? 

Sébastien Laye : Il est encore trop tôt pour tirer un bilan définitif de ces mesures, du fait des variants qui perturbent encore la sortie de crise sanitaire et de l'impact des mesures de contrôle de l'épidémie tel que le passe sanitaire. La réponse a été essentiellement monétaire et secondairement fiscale, avec en termes d'aides aux entreprises, environ 240 milliards dépensés depuis le début de la crise (environ 10% de notre PIB annuel classique): 69 milliards en aides directes (chômage partiel et fonds de solidarité) et 161 milliards en prêts ou avances (PGEs, reports d'URSSAF et charges). En réalité, beaucoup de firmes ayant fait appel aux aides de la seconde catégorie n'ont pas tiré sur ses lignes de crédit, sont déjà en train de les rembourser partiellement ou totalement ou encore s'apprêtent à régler leur dette sociale qui n'était qu'un déferré. Il y a malgré tout des situations de grande difficulté qui vont perdurer durant plusieurs années, au risque d'obérer notre croissance potentielle. L'évaluation des dispositifs d'aides gouvernementales est, à ce stade, modérément positive. 3,5 millions d'entreprises, représentant 16 millions d'employés, ont eu recours à une de ces aides: elles ont permis de compenser 45% de la perte de trésorerie lors de la première vague, et 100% lors de la seconde. Les critiques adressées par nous même dans ces colonnes, il y a un an, ont été prises en compte dans les nouveaux dispositifs mis en place à l'automne 2020. Il est difficile d'identifier les effets d'aubaine, mais un travail récent de la BIS indiquait que le pourcentage (en valeur relative de PIB) de firmes zombies dans notre économie ayant bénéficié de ces dispositifs n'étaient pas plus importants que le pourcentage général de ces entreprises dans notre économie. 

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Les aides publiques ont-elles compensé le choc de la crise ? Cela a-t-il été efficace dans tous les secteurs où y-a-t-il eu des trous dans la raquette ? 

On retrouve logiquement l'hôtellerie et la restauration comme les deux secteurs ayant le plus utilisé les aides, et en rapport à son PIB, la région PACA. Celà se vérifie sur les deux vagues du virus. Les petites entreprises, qui représentent 18% des emplois en France, ont monopolisé 30% des sommes liées au chômage partiel. En termes de secteurs ou de taille d'entreprises, l'argent est donc bien allé là où il fallait: la situation est plus ambiguë si on regarde maintenant la santé financière ante-Covid des entreprises ayant ensuite bénéficié des aides, notamment des PGEs. En fait, de manière logique, les entreprises les plus faibles financièrement ont plus souvent fait appel aux aides que celles dont la situation était juste moyenne voire bonne. Mais en termes de l'intensité de l'aide (montants rapportés aux revenus ou à la profitabilité), ce ne sont pas les plus faibles entreprises qui en ont profité: il semble que ce segment ait un peu abdiqué face à la crise, se contentant de survivre avant une fin prévue d'activité lors des prochains mois ou années. Au contraire, ceux qui avaient une situation financière juste correcte avant le Covid ont profité des aides pour tenter de se relancer peu ou prou à la faveur du Covid. Il va donc y avoir, en sortie définitive de crise, une bifurcation importante parmi les petites sociétés.

Au final, les entreprises ont-elles de meilleurs bilans après avoir reçu une aide publique durant cette période ?

Non, car en face de leurs actifs, de leur trésorerie, il y a désormais de nouvelles dettes: dettes sociales, mais surtout dettes PGEs, qui ne correspondent à aucun actif ou création de valeur. Cette création de valeur artificielle explique l'absence de faillites: la trésorerie d'exploitation d'une entreprise a eu beau chuter avec la faible activité durant le covid, sa trésorerie totale se voit améliorer par des rentrées d'argent conséquentes en provenance de l'Etat. Les bilans sont donc inflatés. Maintenant, en sortie de crise, et sur plusieurs années parfois, il va falloir consacrer une partie des flux de trésorerie aux remboursements. Les aides ont fonctionné comme un achat à crédit de la croissance future, pendant dix huit mois où la situation était compliquée. Le cycle d'activité de ces entreprises a été lissé: non nulle pendant la crise, l'activité de ces entreprises sera forcément ralentie pendant deux ou trois ans afin d'apurer leur bilan.

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