Mélenchon porte plainte pour diffamation : le tribun a-t-il perdu ses crocs ?<!-- --> | Atlantico.fr
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Jadis, les hommes politiques investis des plus hauts mandats s’étaient fait une discipline de ne jamais porter plainte.
Jadis, les hommes politiques investis des plus hauts mandats s’étaient fait une discipline de ne jamais porter plainte.
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Affaire à suivre

Accusé de "complaisance avec l'antisémitisme", Jean-Luc Mélenchon a déposé trois plaintes en diffamation contre Jean-François Copé, Nathalie Kosciusko-Morizet et Alain Juppé. Alors qu'il a toujours eu pour habitude de se défendre de manière virulente sur les plateaux de télévision, comment expliquer ce recours à l'institution judiciaire ?

Pierre-Olivier Sur

Pierre-Olivier Sur

Pierre-Olivier Sur est avocat à la Cour, associé du cabinet Fischer Tandeau de Marsac Sur et Associés.

Son blog : Poscriptum.

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Atlantico : Ce jeudi, Jean-Luc Mélenchon a déposé trois plaintes en diffamation contre Jean-François Copé, Nathalie Kosciusko-Morizet et Alain Juppé. Ces derniers l'avaient accusé de « complaisance avec l’antisémitisme ». Les hommes politiques d’aujourd’hui sont-ils plus enclins que leurs prédécesseurs à saisir la justice dès qu’ils sont personnellement mis en cause ?

Pierre-Olivier Sur : Jadis, les hommes politiques investis des plus hauts mandats s’étaient fait une discipline de ne jamais porter plainte. Il y a eu une « rupture » avec Nicolas Sarkozy. En effet, ce dernier a saisi la justice à de multiples reprises pour protéger son image et sa parole. Cependant, cela ne signifie pas qu’une nouvelle tradition a été instaurée dans le monde politique. Je pense simplement que les temps ont changé, la médiatisation des hommes politiques les expose en permanence. Les propos désobligeants qu’ils pouvaient tenir autrefois n’étaient pas immédiatement diffusés dans tous les médias. Aujourd’hui dès qu’une phrase polémique ou insultante est prononcée nous en avons tous connaissance, de ce fait les hommes politiques saisissent plus souvent les tribunaux. 

Dans son combat politique, Jean-Luc Mélenchon s’autorise une grande liberté de parole. Alors que ses adversaires lui reprochent souvent son agressivité, est-il légitime qu’il décide d’attaquer Nathalie Kosciusko-Morizet, Alain Juppé et Jean-François Copé pour les propos qu’ils ont tenus à son égard ?

En tant qu’avocat, il ne m’appartient pas de juger de la conduite de Jean-Luc Mélenchon.

Je peux simplement observer, qu’en raison de la nature même du combat politique, la loi et la jurisprudence accordent aux représentants du peuple une grande liberté d’expression. Les  parlementaires bénéficient ainsi d’une immunité juridictionnelle pour tous les discours et les écrits produits à l’Assemblée nationale et au Sénat, en application de l’article 41 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse. Nous, avocats, bénéficions d’ailleurs de la même immunité pour les propos et écrits tenus durant un procès. Si cette protection est nécessaire pour mener à bien nos combats, elle peut aussi couvrir les injures les plus abjectes, comme en témoignent des précédents à l’Assemblée.

Toutefois, les hommes politiques deviennent responsables de leurs propos dès qu’ils quittent l’enceinte du Parlement. Dès lors, il appartiendra à la justice de déterminer si Jean-Luc Mélenchon a été victime ou non de diffamation. 

Pourquoi porter plainte devant la justice alors que Jean-Luc Mélenchon aurait pu se défendre dans les médias ?

Jean-Luc Mélenchon n’est ni président de la République, ni député à l'Assemblée nationale, il ne bénéficie d’aucune immunité pour les propos qu’il tient, c’est un citoyen comme les autres. A ce titre, il peut légitimement penser que des propos ont dérapé de façon inadmissible et il est normal qu’il se défende par la voie judiciaire. Sa plainte en diffamation ne choque pas le juriste que je suis, il a le droit défendre son honneur, cela s’appelle l’accès au droit.

Propos recueillis par Alexandre Devecchio

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