Medef : Patrick Martin avait toutes les qualités pour accéder à la présidence. Reste à prouver qu’il a aussi les qualités pour exercer la fonction<!-- --> | Atlantico.fr
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A 63 ans, Patrick Martin a été élu jeudi 6 juillet avec 73,18 % des voix président du Medef.
A 63 ans, Patrick Martin a été élu jeudi 6 juillet avec 73,18 % des voix président du Medef.
©Ludovic MARIN / AFP

Atlantico Business

Le nouveau président du Medef succède à un Geoffroy Roux de Bézieux plutôt cool qui a tout fait pour éviter les affrontements avec les partenaires sociaux et surtout le gouvernement … Sauf que tout a changé ... il va falloir maintenant réveiller le patronat et s’attaquer aux vrais problèmes.

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

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Patrick Martin avait évidemment toutes les qualités pour accéder à la fonction. Les cadres du Medef, qui sont les véritables électeurs, le connaissait bien et l’appréciaient. Toute la question est de savoir s’il aura les qualités pour exercer la fonction. Et ça c’est une autre histoire qui reste à écrire.

Le nouveau président du Medef va devoir réveiller l’institution, améliorer l’image des chefs d’entreprise, retrouver son rôle dans la cogestion du modèle social et engager les entrepreneurs à accélérer la mutation environnementale et pratiquer une mondialisation intelligente c’est-à-dire réservée aux pays Friendly, c’est-à-dire pays amis.

Le bilan de Geoffroy Roux de Bezieux n’est pas mauvais. Il a redonné à « l’entreprise » une image et une place qu’elle avait du mal à conserver. Geoffroy Roux de Bézieux a aidé l’entreprise à entrer dans la modernité et installer une nouvelle génération d’entrepreneurs plus décoincées et plus volontaires.

Mais Geoffroy Roux de Bezieux a eu beaucoup de chance. Les évènements politiques et étranger ont mis l’entreprise à l’abri des responsabilités socio-économiques.

Sur le terrain politique, le président du Medef s’est retrouvé en phase avec un nouveau président de la république très pro-business, très européen et mondialiste. Qui a, dès son arrivée à l’Élysée pris des mesures fiscales et règlementaires pour donner de l’oxygène à des  entreprises encore asphyxiées par les séquelles de la crise financières …

Globalement, il faut reconnaitre que les premières mesures du premier quinquennat ont généré des résultats positifs. L’emploi, l’investissement et la consommation se sont réveillés.

Sur le terrain economique et social, la révolte des Gilets jaunes a mis en jachère le dialogue nécessaire, handicapant surtout le petit commerce. D’ailleurs, le Medef, en tant que représentant des entreprises, est resté prudemment à l’écart d’un mouvement qui ciblait surtout la personne du président. Mais les syndicats de salariés comme le Medef ont été exclus du débat lancé par les Gilets jaunes.

La crise du Covid a mis les entreprises à l’écart du débat. A partir du moment où les entreprises ont été protégées par le « quoi qu’il en coûte » c’est le président de la République qui a tout géré et tout seul. Les patrons n’ont pas bougé une oreille à partir du moment où le gouvernement les assuraient contre tous les risques.  

Mais au tout début du deuxième quinquennat de Emmanuel Macron, on ne peut pas dire que le Medef ait bougé et se soit mêlé de la réforme des retraites. Dans l’entourage de Geoffroy Roux de Bézieux, on expliquera que le président de la République n’a en rien sollicité les chefs d’entreprise. Dans la classe politique, le pouvoir exécutif et législatif ne se priveront d’ailleurs pas de regretter qu’ils n’ont pas été submergés par les propositions alternatives. Ce qui n’est pas faux.

Le nouveau patron des patrons ne va donc pas pouvoir continuer à regarder le spectacle de l’exécutif sans broncher. Il va falloir revenir à  la table des négociations sociales si on veut sauver le régime social français. Il va falloir se retrousser les manches si on ne veut pas se faire imposer des normes nouvelles sur l’environnement par exemple. La tâche du nouveau président du Medef va être compliquée. Patrick Martin a trois chantiers à remettre en route.  

1e chantier, très politique : il va falloir remettre l’entreprise au centre de la gestion paritaire du modèle social français. Le modèle social français est unique au monde. Le système paritaire a pour mission de gérer les systèmes d’assurance qui couvrent les risques maladie, vieillesse et chômage. Théoriquement en dehors de l’État. Cette organisation paritaire est malade. Trop de dépenses sociales et pas assez de recettes. Les risques sont importants et les partenaires ont jeté l’éponge. Impossible de se mettre d’accord sur un équilibre entre les prestations et les indemnités. Entre les primes d’assurance et les versements indemnitaires en cas de risque. Le désaccord a été tel que toutes les centrales syndicales ont appelé l’Etat à la rescousse.  

La question des retraites fera date. Tout le monde a voulu  garder le sacro-saint régime par répartition mais personne n’a accepté les conditions de financement. L’État a donc sauvé le système alors qu il aurait fallu que ce soit le patronat qui essaie de signer un compromis avec des syndicats. Patrick Martin va devoir reprendre la main dans tous les domaines sociaux et notamment le droit et l’organisation du travail.

2e chantier : la mondialisation heureuse est morte, il va falloir que la mondialisation soit intelligente …Il va falloir apprendre aux chefs d’entreprise que la mondialisation les oblige à choisir avec vigilance des partenaires de business. Les pays avec lesquels on va pouvoir faire des affaires seront forcément Friendly, c’est-à-dire des pays qui respectent les accords et les engagements, des pays qui respectent aussi les normes sociales et environnementale. Dans ce domaine comme dans d’autres, on voit poindre trois solutions :

- ou bien c’est l’entreprise qui établit des normes sous la pression de ses clients, actionnaires, ou salariés.

- ou bien c’est la gestion paritaire ( entre les syndicats et les patrons) qui reprend la responsabilité de produire le droit notamment dans l’organisation du travail. Sur la base d’un compromis.

- ou bien, troisième solution, tout le monde laisse jouer les marchés. Et dans ce cas c’est l’État qui doit regler les conflits et tres souvent faire « les fin de mois ».

La meilleurs des solutions relève d’un accord entre les syndicats, les consommateurs, et les actionnaitres au terme duquel les entreprises ne pourront plus faire du business avec n’importe qui et particulièrement les pays no-Friendly, les pays non-amis.  

C’est une décision très politique mais non partisane.

L’histoire nous prouve que les pays qui s’avèrent Friendly sont les pays qui sont organisés politiquement dans une logique démocratique. La démocratie a cette particularité de fonctionner avec des contre-pouvoirs qui imposent des normes sociales et environnementales. Les conditions de la concurrence sont par conséquent loyales. Encore faut-il que les entreprises ne s’y opposent pas. Ça va être compliqué parce que beaucoup d’entreprises n’éprouvent aucune gêne à travailler avec des régimes autoritaires.

C’est très sûrement au Medef de montrer le chemin. On peut imaginer des organisations patronales qui prônent une mondialisation non pas heureuse (ça a été un échec) mais une mondialisation intelligente qui oblige les pays autoritaires à regagner la confiance des régions capitalistes s’ils veulent retrouver un volant d’affaires. Donc introduire un peu de démocratie dans leur gestion politique.

3e chantier : il porte sur la rénovation de l’image des chefs d’entreprise qui reste mauvaise. Les Français aiment leurs entreprises  mais sont beaucoup plus réservés sur les chefs d’entreprise. Ils n’ont majoritairement pas confiance dans les chefs d’entreprise parce que ce sont eux qui fabriquent les règlementations, et qu’ils sont trop souvent obsédés par leur situation financière, même quand elle est bonne. Les Français sont réservés parce que les chefs d’entreprise ne donnent pas assez souvent l’exemple et ne sont pas d’une transparence parfaite, c’est le moins qu’on puisse dire.  

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