Médecins Stop Violences : un collectif de médecins consterné par la position de son ordre professionnel dans la lutte contre les violences aux enfants<!-- --> | Atlantico.fr
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Protéger les médecins qui signalent, c’est mieux protéger les enfants maltraités. L’ODM se doit de faire évoluer ses pratiques afin de contribuer à mieux protéger les enfants.
Protéger les médecins qui signalent, c’est mieux protéger les enfants maltraités. L’ODM se doit de faire évoluer ses pratiques afin de contribuer à mieux protéger les enfants.
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Conséquences majeures sur la santé

160 000 enfants victimes de violences sexuelles chaque année avec des conséquences majeures sur leur santé présente et à venir : le second rapport de la CIIVISE (Commission indépendante sur l’inceste et les violences sexuelles faites aux enfants) sorti le 31 mars dernier est sans appel.

Maurice Berger

Le Docteur Maurice Berger est pédopsychiatre, ancien professeur associé de psychologie de l’enfant Université Lyon 2, responsable du diplôme universitaire « Expertise légale en pédopsychiatrie et psychologie clinique de l’enfant ». Il a publié en 2019 Sur la violence gratuite en France: Adolescents hyper-violents, témoignages et analyse (éditions de l'Artilleur). 

 

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Françoise Fericelli

Le Docteur Françoise Fericelli est pédopsychiatre, ancien praticien hospitalier chef de service, expert judiciaire.

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Eugénie Izard

Le Docteur Eugénie Izard est pédopsychiatre, présidente du REPPEA, réseau de professionnels pour la protection de l’enfance et l’adolescence.

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Yann Mikaeloff

Le Professeur Yann Mikaeloff est pédiatre, Professeur des universités-praticien hospitalier Faculté de médecine Paris -Saclay, expert judiciaire.

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Le rapport de la commission, présidée par le Juge Durand, relève la situation particulière des médecins vis-à-vis des violences sur enfants :

« En l’état du droit, un médecin qui effectue un signalement en faveur d’un enfant victime ou susceptible d’être victime de violences sexuelles peut faire l’objet de poursuites disciplinaires de la part de l’ordre des médecinsLa CIIVISE se montre attentive à la situation de ces praticiens qui ont fait l’objet de ces poursuites, voire de sanctions allant jusqu’à l’interdiction temporaire d’exercer leur profession… »

La CIIVISE recommande donc logiquement la suspension des procédures ordinales contre les médecins dans le cadre des signalements d’enfants en danger ou susceptibles de l’être, rappelant que la protection de l’enfant doit primer. Elle recommande également de clarifier la position du médecin qui signale vis-à-vis de la loi et préconise une obligation de signalement pour les médecins clairement inscrite dans la loi.

Dès les jours suivant la parution du rapport, l’Ordre des Médecins (ODM) lance un communiqué largement repris dans la presse, affichant ouvertement son opposition aux préconisations de la CIIVISE.

Au nom du Collectif de Médecins Stop Violences (constitué en avril 2021 et fort d’une cinquantaine de praticiens de toutes spécialités) nous affichons notre consternation face à la position prise publiquement par l’ODM. Cette position se résume à quatre points qu’il convient d’interroger :

èLes médecins ne devraient-ils signaler des violences sur enfants auprès du procureur de la république que « s’ils sont sûrs de l’existence des maltraitances comme l’affirme l’ODM » ?

Le Collectif souligne que le médecin n’est ni un enquêteur ni un magistrat et qu’il n’est pas de son rôle d’être sûr des faits. Le médecin ne peut que supposer et transmettre à la justice ou aux services sociaux les éléments venus à sa connaissance qui lui font supposer que l’enfant est susceptible d’être en danger. L’enquête et la mise en œuvre éventuelle de la protection relèvent des services sociaux- judiciaires mandatés à cet effet.

Devoir être sûr des faits pour signaler au Procureur reviendrait pour un médecin à ne jamais pouvoir signaler.

èLes médecins ont déjà une « obligation de protection » selon le code de déontologie médicale, il ne serait pas nécessaire pour l’ODM d’avoir une obligation de signalement ?

Nous maintenons qu’un médecin ne peut mettre en œuvre lui-même la protectiond’un enfant soumis à des maltraitances. Il n’en a ni les moyens ni les prérogatives. Le seul moyen dont le médecin dispose pour protéger un enfant en danger est le signalement aux autorités judiciaires ou administratives comme le prévoit la loi 2007- 293 du 5 mars 2007 afin que des mesures de protection effectives puissent être mises en place dans les plus brefs délais. Protéger un enfant pour un médecin, cela ne peut être que signaler.

èL’obligation de signaler pourrait-elle « éloigner les enfants du soin » comme le redoute l’ODM?

Le Collectif de médecins Stop Violences rappelle que les enfants ont un besoin fondamental de sécurité affective et physique au quotidien, qualifié de Méta besoin par la communauté scientifique. Cela signifie que le besoin de sécurité chez l’enfant est la condition première de sa santé physique et psychique.

Par ailleurs, la maltraitance dans l’enfance est le premier facteur de risque de suicide des enfants et adolescents. Cette maltraitance est source pendant l’enfance et plus tard à l’âge adulte de maladies physiques et psychiatriques. Les maltraitances constituent donc un enjeu de santé public majeur qui ne peut être ignoré du médecin.

Enfin, la pratique clinique régulière auprès des enfants maltraités montreque l’accès aux soins pour l’enfant maltraité devient régulier et efficace seulement une fois les mesures de protection mises en œuvre par la justice et les services sociaux. L’obligation faite aux médecins de signaler ne fera pas obstacle à l’accès aux soins des enfants maltraités, bien au contraire.

èPourquoi l’ODM est-il contre l’obligation de signalement pour les médecins alors que les pays qui l’ont mise en œuvre constatent une amélioration de la protection des enfants ?

Cette obligation de signalement pour les médecins existe ailleurs : présente depuis 50 ans aux Etats Unis, elle existe également au Canada et dans de nombreux pays européens. Au Canada, il a été démontré par une large étude qu’une telle obligation induit une meilleure protection des enfants.

En France certains médecins sont déjàsoumis à une telle obligation de signalement : les médecins scolaires ainsi que les médecins de PMI (protection maternelle et infantile); il ne s’agirait donc que d’élargir cette obligation à tous les médecins sans distinction.

L’Association Mondiale de Psychiatrie, le Comité des Ministres du Conseil de l’Europe, le Comité des Droits de l’enfant et deux rapporteurs spéciaux de l’ONU ont également préconisé cette obligation de signalement, estimant qu’elle était garante d’une meilleure détection des enfants maltraités et d’une protection des médecins signalant.

La Haute Autorité de Santé (HAS) dans son rapport de 2011 sur les violences intrafamiliales relève que les médecins «font partie des acteurs de proximité les plus à même de reconnaitre les signes évocateurs d’une maltraitance ». Dans son communiqué de 2014, la HAS déplore que moins de 5% des signalements pour maltraitance sur enfants proviennent des médecins.

Faut-il chercher plus loin les raisons du maintien d’un chiffre extrêmement bas de signalements par les médecins ? Comment est-il possible pour un médecin de suivre les recommandations de la HAS, d’effectuer son devoir humain et éthique de protection des enfants victimes s’il doit redouter dans les suites de son signalement des poursuites et des condamnations ordinales ?

Au nom du collectif de Médecins Stop Violences nous sommes favorables à l’inscription dans la loi de l’obligation de signaler préconisée par la CIIVISE. Les praticiens du collectif, confrontés régulièrement aux problématiques de violence sur enfants, estiment qu’il en va de l’intérêt supérieur de l’enfant et quecet intérêt doit primer sur toute autre considération puisque c’est la santé et parfois la vie d’un enfant qui sont en jeu.

Constatant que les plaintes contre les médecins dans les situations de maltraitances d’enfants proviennent le plus souvent du ou des agresseurs présumés de l’enfant, le collectif se positionne également en faveur de l’irrecevabilité par les Conseils départementaux et les chambres disciplinaires de l’ODM de toute plainte s’inscrivant dans le cadre de la suspicion de maltraitances à enfant.

Protéger les médecins qui signalent, c’est mieux protéger les enfants maltraités. L’ODM se doit de faire évoluer ses pratiques afin de contribuer à mieux protéger les enfants.

Pour retrouver le site du collectif Médecins Stop Violences : cliquez ICI 

Pour le collectif Médecins Stop Violences :

Docteur Maurice BERGER pédopsychiatre, ancien professeur associé de psychologie de l’enfant Université Lyon2, responsable du diplôme universitaire « Expertise légale en pédopsychiatrie et psychologie clinique de l’enfant ».

Docteur Françoise FERICELLI pédopsychiatre, ancien praticien hospitalier chef de service, expert judiciaire.

Docteur Eugénie IZARD pédopsychiatre, présidente du REPPEA, réseau de professionnels pour la protection de l’enfance et l’adolescence.

Professeur Yann MIKAELOFF pédiatre, Professeur des universités-praticien hospitalier Faculté de médecine Paris -Saclay, expert judiciaire.

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