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Mario Draghi, épisode 3 : comment la Banque centrale européenne s’apprête de nouveau à jouer le rôle du pompier face au ralentissement économique mondial
©Reuters

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Le conseil des gouverneurs de la Banque centrale européenne se réunit à Francfort ce jeudi 10 mars et devrait annoncer la mise en place de nouvelles action monétaires dans un contexte de ralentissement économique mondial.

Nicolas Goetzmann

Nicolas Goetzmann

 

Nicolas Goetzmann est journaliste économique senior chez Atlantico.

Il est l'auteur chez Atlantico Editions de l'ouvrage :

 

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Atlantico : Ce jeudi a lieu à Francfort une réunion du conseil des gouverneurs de la BCE. Dans le contexte actuel d'un ralentissement de la croissance mondiale, quelles sont les annonces et décisions qu'on peut attendre concrètement de la part de l'instance dirigeante ? Que peut-on en attendre en termes d'effets ? Dans quels délais ?

Nicolas Goetzmann : Dans le contexte actuel, le Président de la BCE, Mario Draghi, subit une double pression. Une pression de la réalité, qui se traduit par un ralentissement économique mondial, et des données statistiques qui laissent entrevoir un risque de rechute de l’activité en Europe. De plus, l’inflation au niveau de la zone euro reste à un niveau anormalement bas, c’est-à-dire -0.2% en février, alors que le mandat de la BCE suppose un niveau proche, mais inférieur à 2%. La BCE a donc toute latitude pour agir et mener une politique monétaire bien plus expansionniste qu’elle ne l’est à ce jour. En termes de moyens à disposition, la BCE pourrait agir de plusieurs manières. A l’heure actuelle, la BCE procède à une opération d’assouplissement quantitatif qui consiste à racheter des titres pour un montant de 60 milliards d’euros sur un rythme mensuel. Ce chiffre pourrait être bonifié de 20 milliards d’euros. Une autre solution consisterait à pratiquer une politique de taux négatifs. Malheureusement, ces deux solutions ne sont pas à la hauteur des enjeux. Elles ne sont qu’une réponse défensive à une crise en cours de développement, c’est-à-dire que les effets positifs d’une telle politique seront au mieux imperceptibles par la population, car l’objectif est simplement d’éviter une rechute, et non de provoquer une réelle amélioration. La seconde pression est d’ordre politique, parce que de nombreuses voix s’élèvent contre toute action supplémentaire de la BCE.

Doit-on s'attendre à un décalage entre les besoins réels de l'économie européenne et les orientations qui devraient être prises ce jeudi ? Si oui, comment expliquer ce décalage ? Les raisons relèvent-elles plus du domaine économique ou du domaine politique ?

L’économie de la zone euro n’a pas connu de croissance an termes réels depuis 2008. En 8 années, le PIB de la zone euro est resté stable alors que la croissance potentielle du continent est d’environ 2% par, ou 4% en nominal (c’est-à-dire en incluant l’inflation). Il existe donc un « trou » de 20% de croissance pour la zone euro, ce qui vient expliquer l’explosion du niveau du chômage et du niveau de dette du continent. Malgré les apparences actuelles, la BCE est donc largement critiquable pour son manque de réactivité et son immobilisme pendant la crise. Le décalage entre les besoins de la zone euro et l’action de la BCE est principalement d’origine politique. L’Allemagne s’oppose vigoureusement à toute action, notamment sous pression de ses banques qui redoutent une politique d’intérêts négatifs qui auraient des conséquences sur les niveaux de marge. De plus, l’expansionnisme monétaire est vu avec une très grande méfiance outre Rhin. D’un point de vue économique, il n’existe pas réellement de difficultés, Mario Draghi et les gouverneurs de la BCE disposent de la capacité de créer autant de monnaie qu’ils le souhaitent pour parvenir à leur objectif. L’enjeu est politique.

La politique monétaire de la BCE est régulièrement critiquée pour son manque d'efficacité, cela est-il justifié ? Le manque de résultats est-il plus le fruit d'un manque d'efficacité des actions mises en place ou d'une trop grande timidité de la part de la BCE ?

A titre de comparaison, les Etats Unis et le Royaume Uni ont également mis en place des opérations de rachat de titre, et affichent aujourd’hui un taux de chômage de 5%. Tout d’abord, ces opérations ont été menées bien plus tôt qu’en Europe, le décalage est de 5 années. Puis, en termes de volume, les Etats Unis ont consacré, comme le Royaume Uni, une somme équivalente à 20% de leur PIB pour sortir de la crise. Concernant l’Europe, le montant affiché correspond à 15% et seule la moitié, pour le moment, a été mise en place. Si l’Europe a moins de résultats que les autres, ce n’est donc pas une surprise. Car les 5 années perdues supposaient une action plus importante qu’aux Etats Unis, et non une action de moindre ampleur. Il est difficile de se plaindre des résultats de la BCE, au regard de la timidité des opérations mises en place. Prétendre que la BCE est arrivée en fin de course, faute de moyens est donc une hérésie. Le frein n’est que politique, et les arguments développés sur le terrain économique ne sont qu’une couverture. 

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