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Les marchés ont-ils déjà acté la fin de l’euro ?
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Crise

Les taux obligataires allemands à deux ans ont atteint vendredi matin -0,002%. Une situation qui traduit une convergence entre les investisseurs inquiets et les spéculateurs : jamais la Grèce n'a été aussi proche d'une sortie de la zone euro.

Jean-François Robin

Jean-François Robin

Jean-Francois Robin est responsable du département Stratégie chez Natixis au sein de l'équipe de recherche de Patrick Artus.

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Atlantico : Les taux obligataires allemands à 2 ans ont atteint vendredi matin -0,002%. Comment expliquer ce phénomène ?

Jean-François Robin : Ce taux obligataire signifie que les investisseurs sont prêts à perdre de l’argent pour une motivation principale : conserver leur capital à tout prix, sachant qu’ils ont perdu beaucoup d’argent sur le marché des actions ou sur d’autres titres relatifs à des pays en difficultés tels que l’Italie, la Grèce ou encore l’Irlande. L’Allemagne étant le pays attirant la plus forte confiance des investisseurs, ces derniers s’orientent vers les bonds allemands afin de préserver leur argent, quitte à devoir payer pour cela.

Il existe cependant un second facteur d’une tout autre nature : une anticipation de certains acteurs quant à un éclatement de la zone euro. En effet, si tel est le cas, les obligations allemandes seraient alors libellées en deutsche mark, une monnaie qui serait fortement réévaluée par rapports aux autres devises européennes, une appréciation probablement à deux chiffres. Ainsi, les pertes réalisées sur le taux négatif de -0,002% seraient alors largement compensées par un effet sur le taux de change. Il s’agit donc d’un comportement spéculatif qui mise sur l’éclatement de la zone euro et dont l’explication réside dans le fait que seule l’Allemagne présente une dette notée triple A qui soit véritablement liquide.

Ce taux obligataire négatif manifeste un regain d’inquiétude quant à la possibilité d’un éclatement de la zone euro. Quelle est la probabilité de ce scénario ?

Nous sommes incontestablement au moment le plus critique depuis le début de cette crise puisque jamais un membre de la zone euro n’a été aussi proche de la sortie. La probabilité de voir la Grèce sortir de l'union monétaire n’a jamais été aussi forte.

Le scénario d’éclatement de la zone euro, qui pouvait être perçu comme de la science fiction il y a encore trois ans, est aujourd’hui réel avec une probabilité loin d’être nulle. Pis, si la Grèce sort, les inquiétudes se porteront alors sur l’Espagne ou le Portugal quant à une issue similaire. Il n’est donc plus exclu que la Grèce quitte la zone euro faute de financement à l’issue des élections qui se tiendront, qu’elle le souhaite ou non.

En effet, si le Fond monétaire international et l’Union européenne décident de couper les financements suite aux résultats des élections, la péninsule hellénique n’aura pas les moyens de payer les salaires des fonctionnaires, les pensions... Pour ce faire, elle sera donc contrainte d’imprimer de la monnaie, ce qui requiert de sortir de l’union monétaire. Donc même si la Troîka - FMI, UE et BCE - décide d’arrêter son soutien, la Grèce n’aura pas d’autres choix que de quitter l’euro, même si elle ne le souhaite pas puisque, sans aides, le pays ne parvient pas à se financer. L’avenir de la Grèce au sein de la zone euro ne dépend donc pas uniquement du choix des Grecs.

Certaines banques comme la Deutsche Bank ou Citigroup ont proposé un système, peu probable, de double devise afin de conserver leurs titres grecs en devise européenne en cas d’éclatement du système monétaire européen. Qui seront les plus exposés en cas de sortie de la Grèce ?

L’exposition des banques envers la Grèce est considérablement plus faible qu’il y a quelques mois puisqu’elles ont accepté de perdre la moitié de la valeur des dettes grecques qu’elles détenaient (dans le cadre de l’accord sur la restructuration de la dette grecque négocié en février, ndlr). Le risque porte donc essentiellement sur les institutions publiques telles que la BCE ou encore le FESF (le Fond européen de stabilité financière) qui ont beaucoup prêté aux pays et qu’il faudrait alors recapitaliser. 70% des pertes seraient alors pour le secteur public. A titre d’exemple, cela pourrait coûter à la France 90 milliards d’euros.

Cependant, si une sortie de la Grèce coûterait chère, la maintenir le serait aussi. Aucune des deux solutions n’étant « bonne » en soi, le choix sera donc politique. Economiquement, l’arbitrage est le suivant : préfère t-on accepter une perte aujourd’hui ou la diffuser dans le temps en continuant de prêter au Grecs ? L’élection en Grèce tranchera sur cette question.

Propos recueillis par Olivier Harmant

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