Jean-Pierre Obin : « Mais qui écoute les professeurs sur ce que l’islamisme leur fait vivre à l’école ? »<!-- --> | Atlantico.fr
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L'attaque au couteau dans le lycée d'Arras (Pas-de-Calais), où Dominique Bernard, professeur de lettres, a été tué vendredi 13 octobre 2023, a ravivé le traumatisme de l'assassinat de Samuel Paty.
L'attaque au couteau dans le lycée d'Arras (Pas-de-Calais), où Dominique Bernard, professeur de lettres, a été tué vendredi 13 octobre 2023, a ravivé le traumatisme de l'assassinat de Samuel Paty.
©Denis Charlet / AFP

Lâcheté

L'attaque au couteau dans le lycée d'Arras (Pas-de-Calais), où Dominique Bernard, professeur de lettres, a été tué vendredi 13 octobre 2023, a ravivé le traumatisme de l'assassinat de Samuel Paty.

Jean-Pierre Obin

Jean-Pierre Obin

Jean-Pierre Obin est ancien inspecteur général de l'Éducation nationale. Il a publié Comment on a laissé l’islamisme pénétrer l’école (Hermann, 2020) et Les profs ont peur (Éditions de l’Observatoire, 2023).

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Atlantico : 3 ans après l’assassinat de Samuel Paty, vous publiez une enquête intitulée Les profs ont peur aux éditions de l'observatoire. De quoi ont peur nos enseignants ? 

Jean-Pierre Obin : 80% des profs disent avoir peur de certaines situations avec leurs élèves en classe autour de revendications religieuses. Ils ont peur de certains de leurs élèves et des réactions de ceux qui sont influencés par l’idéologie islamisme. Les enquêtes de l’IFOP questionnent régulièrement les jeunes pour leur demander s’ils sont d’accord avec certains actes. Les résultats varient en fonction de la religion de l’élève. Les enquêtes montrent que les élèves musulmans sont majoritairement d’accord avec les auteurs des incidents. 

La première cause de la peur des profs, ce sont les incidents qui se multiplient et qui s’accélèrent : contestations de cours, contestations de règles de la vie scolaire, tenues vestimentaires… Deuxièmement, cette peur réactualise un acte de terreur : l’assassinat de Samuel Paty. Ces incidents ont pour effet de réactiver une peur beaucoup plus profonde, terrorisante. Troisièmement, les enseignants ne se sentent absolument pas soutenus. Ils se sentent en insécurité professionnelle car ils pensent que l’institution ne les soutient pas. Pire, selon eux, l’Education Nationale est dans une forme de déni par rapport aux difficultés qu’ils éprouvent. Ce qui les renvoie à leur propre solitude, à leur isolement. Samuel Paty on n’en parle jamais, on y pense tout le temps. Ce qui s’est passé à Arras va démultiplier ce mécanisme.

Est-ce que l’école est gangrenée par l’islamisme ? 

Sur le plan idéologique oui, pas djihadiste. L’école est la cible des islamistes. Avec les appels du Hamas, l’école devient un terrain extrêmement sensible.  L’éducation, c’est la cible principale des islamistes. Ils reprochent aux pays Occidentaux de mettre les élèves musulmans sur les mêmes bancs que les non musulmans et de leur imposer les mêmes programmes. Les frères musulmans, par exemple, revendiquent une éducation séparée pour les élèves musulmans. Pour eux, l’école de la République, c’est l’école de la mécréance. 

La France est une cible privilégiée parce qu’elle défend la déclaration des droits de l’homme, l’universalisme… Ils détestent ça ! Pour les islamistes, les musulmans et les non musulmans n’ont pas les mêmes droits et ne devraient pas avoir les mêmes droits. Ils veulent des droits particuliers. C’est en cela d’ailleurs qu’ils trouvent un terrain d’entente avec le wokisme qui cultive d’autres formes de différentialisme. L’islamisme est une idéologie politique qui utilise la religion pour parvenir à ses fins. Son objectif, c’est de parvenir au pouvoir dans les pays musulmans. Séparer les communautés et les faire s’affronter dans les pays occidentaux. Tout cela est très documenté.  

Quelles sont les matières que les enseignants trouvent les plus difficiles à enseigner ?  

La peur principale des enseignants, c’est d’enseigner la liberté d’expression, puis la laïcité et ensuite l’égalité hommes-femmes. Ce sont des sujets qui touchent les valeurs et pas les sujets de connaissances ou les enseignants sont mieux armés.

En Histoire, c’est la guerre d’Algérie qui pose le plus de problèmes aux enseignants. Un certain nombre de témoignages disent que c’est un sujet vraiment délicat. Une autre enseignante que j’ai questionnée fait remonter les causes de cette peur aux attentats du 11 septembre. Quand on a fait une minute de silence, il y a des parents qui sont venus la voir pour lui demander pourquoi on n’a jamais fait une minute de silence pour les morts de la guerre en Algérie. On était en 2001.

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