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Mais au fait, la légalisation de la PMA est-elle vraiment une promesse de campagne d'Emmanuel Macron ?
©LIONEL BONAVENTURE / AFP

Bonnes feuilles

La PMA pour les femmes célibataires et les couples de femmes est l'une des mesures phare de la révision de la loi de bioéthique de 2011, et l'attente du public en la matière est forte. Mais, au moment d'envisager cette PMA non thérapeutique, la société doit choisir : jusqu'où voulons-nous aller avec ces techniques de procréation artificielle ? Extrait du livre "La PMA, un enjeu de société" d'Aude Mirkovic (2/2).

Aude Mirkovic

Aude Mirkovic

Aude Mirkovic est maître de conférences en droit privé, porte-parole de l'association Juristes pour l'enfance et auteur de PMA, GPA, quel respect pour les droits de l’enfant ?, ed. Téqui, 2016. Son dernier livre "En rouge et noir" est paru aux éditions Scholæ en 2017.

"En rouge et noir" de Aude Mirkovic

 
 
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Respecter les droits de l’enfant exige en effet de renoncer aux procédés procréatifs qui les méconnaissent. Il ne suffit pas de constater les dégâts pour l’enfant d’une PMA qui le prive délibérément de père, pour s’en désoler sans plus tout en s’y résignant. N’est-ce pas pourtant ce que fait le Comité d’éthique dans son avis de juin 2017 ? Il constate au terme d’une étude tres riche, et souvent citée dans cet ouvrage en raison de sa pertinence et de sa qualité,  des « points de butée [qui] concernent, avant tout, le rôle comme la définition du pere, la différence de situation entre les couples de femmes et les femmes seules, la question de la rareté des ressources biologiques et des risques de marchandisation que celle-ci entraîne, la limite entre le pathologique et le sociétal1 ». Il admet qu’une possibilité devant la persistance de ces difficultés non résolues serait de « ne pas s’engager dans un processus qui organiserait l’absence de pere2 », mais n’en donne pas moins un avis favorable, même si réservé, au processus en question.

Comment le Comité d’éthique peut-il a fois affirmer qu’il n’y a pas de « droit à l’enfant » et que les « droits de l’enfant » doivent etre « une préoccupation éthique majeure3 », et donner son aval a « un processus qui organiserait l’absence de pere », selon ses propres termes ? Comment prétendre sans incohérence que les droits de l’enfant sont une préoccupation éthique majeure tout en acceptant d’institutionnaliser leur méconnaissance ?

Cela est d’autant plus vrai que les droits de l’enfant ne relevent pas seulement d’une préoccupation éthique, fut-elle majeure, mais d’une obligation juridique : ces droits sont garantis par la Convention internationale des droits de l’enfant, texte supérieur a la loi française et que cette derniere doit respecter.

Les enfants demanderont des comptes

Les droits de l’enfant ne relevent pas du folklore ni de la décoration juridique mais du droit international, supérieur au droit français : une légalisation de la PMA sans père engagera la responsabilité de l’État français envers les enfants lorsque ces derniers demanderont des comptes de leur filiation paternelle effacée par la loi.

La méconnaissance des droits d’autrui peut en effet s’exercer un certain temps dans l’indifférence générale et meme l’impunité juridique, mais cela n’a qu’un temps. Un jour ou l’autre, la justice reprend ses droits, et les enfants privés de pere par la loi ne manqueront pas le moment venu de faire valoir les leurs.

Le vingtième siecle a eu besoin des horreurs des guerres pour admettre qu’il existe des droits humains, droits que la législation en place ne dispense pas de respecter : la caution de la loi en vigueur ne sert pas à grand-chose après-coup aux personnes accusées d’avoir piétiné les droits d’autrui.

Les leçons du passé ne servent-elles donc a rien ? Allonsnous attendre un Nuremberg de la filiation pour commencer a prendre au sérieux les droits de l’enfant ? Beaucoup de dégâts et de souffrances peuvent encore etre évités si, des aujourd’hui, le législateur tient bon pour faire respecter les droits de l’enfant y compris lorsque ces droits se permettent de contrarier les désirs des adultes.

Une promesse de campagne d’Emmanuel Macron ?

Certains voient dans la PMA pour les femmes la réalisation d’une promesse de campagne devant laquelle on ne pourrait que s’incliner puisque le président Macron, finalement, aurait été élu pour cela.

Précisons tout d’abord que la PMA ne figure nulle part dans le programme pour l’élection présidentielle d’Emmanuel Macron. Si le candidat, pendant la campagne, a pu se dire favorable à cette mesure, elle n’est en rien une promesse de campagne. De toute façon, et quand bien meme la PMA aurait été annoncée par le candidat a l’élection présidentielle, le président de la République doit tenir compte d’une autre promesse, juridique celle-la, faite par la France aux enfants lorsqu’elle a signé puis ratifié la Convention internationale des droits de l’enfant de l’ONU. Ce texte, qui a une valeur supra législative et s’impose donc au législateur français, proclame, rappelons-le, le droit pour tout enfant, dans la mesure du possible, de connaître ses parents et d’etre élevé par eux (art. 7-1). Ce droit serait directement méconnu par une loi organisant la privation de pere, et la France qui s’est engagée à respecter les droits de l’enfant ne peut sans leur mentir organiser la violation de leurs droits.

Extrait du livre "La PMA, un enjeu de société" d'Aude Mirkovic 

Extrait du livre "La PMA, un enjeu de société" d'Aude Mirkovic

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