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Macron / Le Pen : le coût comparé des projets
©LUDOVIC MARIN / AFP

Atlantico Business

La saison des promesses multiples est terminée. La saison 2 va s‘ouvrir sur une comparaison précise des deux programmes présidentiels en lice. Même si on sait que l’équilibre budgétaire dépend d’éléments très extérieurs, les deux candidats ont intérêt à savoir compter.

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

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Le premier tour de la présidentielle permet de choisir le candidat de son choix. Le deuxième tour permet d‘éliminer celui que l’on ne veut absolument pas voir arriver au pouvoir. Au premier tour, on assiste donc à une débauche de promesses, il faut plaire à son électorat au prix d’une démagogie inflationniste. Au deuxième tour, dans le secret de l’isoloir, on choisit le moins cher ou le plus responsable et cohérent. 

Lors de la dernière présidentielle, Emmanuel Macron avait gagné en restant dans le cercle de la raison face à une Marine Le Pen qui ne maitrisait pas très bien la contrainte économique. 

Aujourd’hui, tout a changé. Emmanuel Macron a affronté trois crises successives, les gilets jaunes, le Covid et l’Ukraine, qui ont bousculé beaucoup de ses ambitions budgétaires.  Quant à Marine Le Pen, elle a appris le métier en abandonnant un certain nombre de ses ambitions. 

L’institut Montaigne avait, pour les organisations patronales avec lesquelles il travaille, réalisé une comparaison détaillée du coût budgétaire des programmes des différents candidats. C’était un peu tout et n‘importe quoi, l’objectif était moins de convaincre que de séduire. Aujourd’hui que nous en sommes au final, il va falloir être beaucoup plus précis sur les projets et sur le coût qu’ils représentent pour le budget et sur la cohérence des réalisations.  

1er point : A combien se chiffre le programme de Marine Le Pen ? 

Marine Le Pen avait déjà chiffré, lors du premier tour, le coût des différents éléments de son programme : elle arrivait à plus de 70 milliards d’euros mais le chiffre a été contesté. Ses adversaires disaient que ce qu’elle proposait couterait plus cher.

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Le programme de Marine Le Pen combine des baisses d’impôts et de nouvelles dépenses. 

Côté impôts en baisse, Marine Le Pen veut rassurer les patrons en promettant que l’Etat devrait revenir à son rôle de régulation et donner plus de liberté. Donc elle offre 10 milliards d’euros de baisse en impôts de production. 

Mais du côté des dépenses sociales, c’est presque open bar (60 milliards d’euros) puisqu‘elle baisse la TVA sur les carburants, le gaz et l’électricité (de 20% à 5,5%), elle suspend la hausse de la TICPE et supprimerait la TVA sur 100 produits de première nécessité. 

Parallèlement, l’Etat providence accroit son offre avec un gros coup de pouce à la politique familiale, à l’emploi par l’exonération des cotisations patronales pour les augmentations des bas salaires de 10% et l’exonération d’impôt sur le revenu des moins de 30 ans, ce qui concerne en fait assez peu de monde. Ce qui coûte le plus cher, dans le menu servi par Marine Le Pen, concerne sa réforme des retraites (la candidate parle de 9 milliards). Le calcul de l’institut Montaigne arrive à 30 milliards. Côté dépenses, Marine Le Pen augmente les salaires du personnel soignant et des enseignants. 

Pour financer ces dépenses supplémentaires à vocation principalement sociales, Marine Le Pen compte sur les économies que représentent sa réforme de l’immigration et la lutte contre la fraude fiscale. Sans parler de la suppression (ou la réduction) de la contribution française au budget de l’Union européenne. 

Globalement, il est évident que le programme de Marine le Pen remet en cause les équilibres budgétaires. A priori, elle accroit le déficit budgétaire qui grimperait de presque 100 milliards pendant ce mandat, soit 7,1% de déficit en 2027. Avec un endettement public qui s’accroitrait à plus de 123% du PIB. 

Pour tous les milieux d’affaires, cette perspective fait peser des risques sur l’attitude des marchés financiers dont la confiance ne serait restaurée que si et seulement s’il existait un programme de financement : risque sur les investisseurs étrangers, risque sur les investissements industriels français, risque sur l’euro et par conséquent sur l’Union européenne. Elle affirme haut et fort qu’elle restera fidèle à l’euro et à l’Union européenne, mais si elle arrête de payer sa cotisation à l'association et si elle ne respecte pas les codes, l’Union européenne ne pourra pas la garder. 

Le programme de Marine Le Pen reste fidèle à l’Union européenne, mais elle crée les conditions à un Frexit. 

2e point : le programme d’Emmanuel Macron est plus cohérent, mais reste cher en dépenses publiques : près de 50 milliards.  

Emmanuel Macron a construit un projet pour répondre à une demande sociale très identifiée, avec une réforme de l'éducation qui peut couter 12 milliards d’euros, une réforme de la santé qui va couter 8 milliards et une transition écologique à 10 milliards. 

A ces dépenses, le logiciel Macron prévoit des baisses d’impôts pour 15 milliards. Soit au total, entre les dépenses nouvelles et les baisses de recettes : plus de 50 milliards d’euros. 

Le financement est encore assez flou, puisque le projet prévoit 20 milliards d’économies réparties entre l’Etat et les collectivités locales.  

Le solde devrait être couvert par les retombées de la croissance avec, cependant, des hypothèses d’évolution qui paraissent optimistes, tout comme la chasse à la fraude fiscale qui apparaît comme un remède miracle.

Au total, le chiffrage du projet Macron devrait permettre de compter sur un retour au déficit budgétaire de 3,6 % au bout du quinquennat et un endettement ramené à 110 % du PIB, ce qui n’est pas glorieux.  Avec les taux d’intérêt actuel (très bas), ça passe. Avec des taux majorés compte tenue de l’inflation généralisée, ça risque d’être plus chaud du côté des marchés financiers et de l’euro. 

Au-delà de l‘état budgétaire, chacun des candidats a évidemment un rendez-vous avec le pouvoir d’achat, la réindustrialisation et la compétitivité, nerfs de la guerre et qui formeront le cœur des débats de ce deuxième tour. Ce qui est important, c’est que les principaux enjeux du prochain quinquennat ont un lien de cohérence avec l’Union européenne et l’euro. 

C’est un dossier sensible pour l’opinion qui a tendance à mettre sur l’Europe toutes les responsabilités de nos disfonctionnements.

C’est un sujet prioritaire pour Emmanuel Macron qui voit dans l’Union européenne le seul moyen d’assurer la puissance des pays membres de l’UE. C’est un sujet prioritaire parce les contraintes qui étaient contingentes au modèle allemand vont très certainement s’assouplir avec un alourdissement des conditions du fonctionnement allemand (prix de l’énergie et budget militaire). 

Pour Marine Le Pen, l’Europe est un caillou dans sa chaussure, parce qu’elle a longtemps milité pour sortir de l’Europe et de l’euro, pour se raviser ensuite. Mais aussi parce que beaucoup de ses mesures de son programme entérinent une fragilité extrême à notre lien d’appartenance à l’Union européenne. 

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