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Macron, Le Pen et Cie face aux verrous : combien de temps le système pourra-t-il encore bloquer les candidats qui dérangent ?
©Pixabay

Droit dans le mur ?

La plupart des candidats à la présidentielle se disent aujourd'hui révoltés ou anti-système. Seule petite différence : certains d'entre eux paraissent vraiment exclus de la représentation politique.

Éric Verhaeghe

Éric Verhaeghe

Éric Verhaeghe est le fondateur du cabinet Parménide et président de Triapalio. Il est l'auteur de Faut-il quitter la France ? (Jacob-Duvernet, avril 2012). Son site : www.eric-verhaeghe.fr Il vient de créer un nouveau site : www.lecourrierdesstrateges.fr
 

Diplômé de l'Ena (promotion Copernic) et titulaire d'une maîtrise de philosophie et d'un Dea d'histoire à l'université Paris-I, il est né à Liège en 1968.

 

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Atlantico : Si François Fillon, Marine Le Pen et le vainqueur de la primaire de la gauche n'auront aucun mal à recueillir les 500 parrainages nécessaires pour se présenter à la présidentielle, ce n'est pas forcément le cas d'autres candidats, tels qu'Henri Guaino, Michèle Alliot-Marie, voire Jean-Luc Mélenchon et Emmanuel Macron. À quel niveau peut-on estimer le "poids" électoral de tous ces candidats ne passant pas par les deux grandes primaires de la gauche et de la droite ?

Eric Verhaeghe : L'estimation est forcément complexe et délicate, dans la mesure où les résultats d'un scrutin sont difficiles à anticiper et que la campagne ne fait que débuter. Mais on peut considérer que Mélenchon est en position d'atteindre un bon score, ne serait-ce que par un effet de report de voix du (non) candidat socialiste vers lui. Créditons-le de 10%. Guaino et Alliot-Marie, s'ils allaient jusqu'au bout, atteindraient probablement chacun 1 ou 2 points. Il existe une inconnue qui s'appelle Macron, dont on ne sait dans quel état il finira la campagne. Disons que, de façon réaliste, il peut être crédité de 10%, mais avec un fort écart-type : il pourrait tout aussi bien arriver à 15% comme à 5% ou moins. Si l'on y ajoute des candidat comme Dupont-Aignan, Arthaud ou Cheminade, et peut-être un ou deux autres, on peut considérer qu'un bon tiers de l'électorat se porte sur ces candidatures alternatives. En soi, le calcul est assez proche de ce que donne les autres scrutins. Avec un Front National autour de 25%, des Républicains et des centristes naturellement autour de 30% aujourd'hui et un Parti Socialiste légèrement au-dessus de 15%, on retrouve bien cet ordre de grandeur.

Entre les difficultés à recueillir 500 parrainages et la faible représentation au Parlement du Front national malgré ses scores importants des dernières élections, arriverons-nous à terme à un point de rupture ? Le verrouillage du système politique par les deux grands partis ne présente-t-il pas un risque de plus en plus élevé de rupture violente ?

Structurellement, les institutions françaises ne représentent plus depuis longtemps l'opinion publique dans sa diversité. En soi, c'est un produit choisi de la Constitution de la Vème République : pour sortir de la IVème République et de son instabilité, le général De Gaulle voulait un système électoral qui permette de construire des majorités, même en l'absence de majorité réelle dans le pays. Le problème est que ce système a peu à peu dispensé les partis dominants, les partis de gouvernement, de s'appuyer sur une dynamique militante réelle. Ils se contentent largement de laisser jouer les institutions pour diriger le pays, sans base démocratique. D'où, le résultat qu'on connaît aujourd'hui. Faut-il le redire, aux dernières législatives, le PS a dégagé une large majorité en recueillant moins de 20 millions de voix à chaque tour, et même beaucoup moins au premier tour. Quand un parti prend le pouvoir avec, en prenant large, 15 millions de voix d'adhésion sur un corps électoral de plus de 45 millions de personnes, deux conséquences viennent très vite. Premièrement, ce parti se méfie de la démocratie puisqu'il n'en est pas issu. Deuxièmement, ce parti mène une politique déconnectée de la volonté du pays. C'est ce spectacle que nous contemplons depuis 5 ans, avec d'évidents troubles sociaux, ou, en tout cas, un profond divorce avec la société française.

Si la proportionnelle a historiquement prouvé ses inconvénients lors de la IIIe et la IVe République, y a-t-il d'autres pistes à explorer pour éviter de laisser à la porte du système des candidats qui représentent, quoi qu'on en dise, de nombreux Français ?

La proportionnelle n'est pas forcément un épouvantail. Tout dépend de la façon dont elle est pratiquée et, sur ce point, de nombreuses règles sont possibles ou imaginables. Mais il est vrai que la proportionnelle comporte dans son principe même l'instabilité liée aux alliances, aux coalitions de circonstances. D'autres solutions mériteraient d'être examinées avec attention. Elles prendront sans doute un peu de temps à s'imposer, mais elles viendront naturellement. Il existe en effet un paradoxe lié à la démocratie représentative. Celle-ci consiste à priver les citoyens de toute possibilité d'intervention directe dans les affaires et les décisions publiques. Ainsi, nous avons d'un côté un corps électoral extrêmement mûr qui, avec Internet ou les réseaux sociaux, est souvent beaucoup mieux informé que les élus sur les dossiers qu'ils traitent. De l'autre, le processus de décision exclut ces citoyens informés (et capables d'informer le monde entier, en quelques secondes, grâce aux réseaux sociaux, de leur point de vue) et réserve le pouvoir à la "table des adultes", c'est-à-dire aux élus. Or, l'élection suppose une investiture préalable par des partis qui n'aiment pas les têtes qui dépassent et qui donnent une prime à la médiocrité. Dans ces conditions, la mise en place de systèmes comme la transitivité des mandats, c'est-à-dire l'investiture temporaire donné à des citoyens qualifiés sur des sujets donnés mériterait d'être mise à l'étude. Ce serait le meilleur moyen d'inclure les citoyens les plus motivés par un sujet dans le processus de décision publique, et donc de lutter contre ce fossé qui s'agrandit entre les citoyens et la démocratie. Bref, il s'agit bien ici de préparer une nouvelle forme de démocratie, un nouveau stade de démocratie, qui ne serait plus représentative mais liquide.

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