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Macron hors jeu, Sarkozy et Royal à la Une : de quel mal politique sont-ils le symptôme ?
©Reuters

Retour vers le futur

Alors que le Président Macron s'écarte quelques jours du pouvoir et de l'actualité médiatique, cette pause de la Toussaint est l'occasion du retour sur le tout devant de la scène des deux principaux protagonistes de la campagne présidentielle de 2007 : Nicolas Sarkozy et Ségolène Royal.

Frédéric  Saint Clair

Frédéric Saint Clair

FFrédéric Saint Clair est analyste politique, ancien chargé de mission sous Dominique de Villepin à Matignon. Il a publié “La droite face à l’Islam” en avril 2018 aux éditions Salvator.

 
 
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Atlantico : Comment expliquer que onze ans après, alors que la France a depuis été touchée par la crise économique de 2008, par le retour du terrorisme, par une remise en cause profonde de son cadre politique avec l'élection d'Emmanuel Macron, les deux opposants du second tour de la campagne de 2007 soient toujours d'actualité ? Cette respiration dans le quinquennat Macron ne laisse-t-elle pas entrevoir que, d'une certaine façon, peu de choses ont changé en politique depuis 2007 ?

Frédéric Saint-Clair : Premièrement, Nicolas Sarkozy et Ségolène Royal n’ont jamais quitté la scène politique. M.Sarkozy était candidat à l’élection présidentielle de 2012 puis de 2017 via les primaires de la droite. Il est donc difficile de croire à son retrait définitif de la vie politique. Quant à Ségolène Royal, elle est régulièrement sur le devant de la scène médiatique car elle cherche à obtenir des postes internationaux bien placés. Aujourd’hui ce n’est pas tellement le match de 2007 qui se rejoue : on voit d’ailleurs une forme d’obsolescence des idées et des arguments des deux anciens adversaires. Il y a un décalage entre leurs pensées respectives et les enjeux du monde contemporain, notamment sur l’immigration, sur la démographie ou encore sur la question culturelle.

Concernant Emmanuel Macron, on sent qu’il n’a pas véritablement réussi à changer la structure profonde de la politique et sa dimension partisane, qui rejaillit inévitablement.

En quoi la campagne de 2007, qui voyait s'affronter deux personnalités jugées déjà innovantes, a-t-elle été fondatrice dans la façon dont le monde politique s'est défini après le grand choc de la crise de 2008 ?

Ce qui a été novateur dans l’attitude de Ségolène Royal en 2007, c’est sa position vis-à-vis des “éléphants” du PS qui étaient déjà jugés archaïques. Son positionnement politique n’était pas en lui-même profondément novateur.

Nicolas Sarkozy, lui, s’est surtout démarqué dans le style plus que dans le fond de ses idées. Or on a vu à quel point cela lui a été préjudiciable. L’hyperprésidentialisation et l’hypercommunication de son quinquennat lui auront été fatals. Et d’ailleurs, le parti créé par Emmanuel Macron souffre des mêmes maux que les partis traditionnels : mêmes mesquineries, mêmes blocages, mêmes manoeuvres politiciennes. Il n’y a pas véritablement d’innovation dans la vie politique aujourd’hui ; au contraire, celle-ci souffre d’une perversion née avec Nicolas Sarkozy dans la façon de faire de la politique et d’incarner le pouvoir. Les Français l’ont parfaitement vu et demandent davantage de solennité, solennité incarnée autrefois par De Gaulle et Pompidou dans une politique plus nationale ou par Valéry Giscard d'Estaing dans une politique plus libérale. Dans tous les cas, on est très loin de la désinvolture, dans le langage et dans l’attitude, que les politiques atteignent aujourd’hui.

Dès lors, comment interpréter leurs différentes prises de parole, Royal sur un angle plus méthodologique d'analyse du métier de politique et Sarkozy sur l'évolution du monde contemporain ?

En réalité le livre de Ségolène Royal fait plutôt penser à un déversoir amer, on sent bien qu’elle cherche surtout à régler ses comptes ici. En ce qui concerne l’interview de Nicolas Sarkozy dans Le Point, il y a une réflexion plus globale sur les enjeux du monde tel qu’il va. C’est tout à son honneur mais il n’est semble-t-il pas en mesure d’apporter des réponses pertinentes : le monde de 2008 tel qu’il l’était lorsqu’il était président de la République n’est plus le même. Dix ans après, Nicolas Sarkozy fait encore référence abondamment à la crise financière alors qu’aujourd’hui les défis sont ailleurs. Il pointe certes du doigt le défi démographique et la crise migratoire mais il ne voit pas que la résurgence nationaliste en Europe est une réponse directe à cela, aussi bien en Amérique du Sud qu’au Québec. Le fédéralisme européen qu’il prône - et qui est quasiment identique à celui d’Emmanuel Macron -, et l’internationalisation des échanges dans une démocratie libérale ne sont plus des réponses dans le monde actuel : les peuples ne le veulent plus. Or Nicolas Sarkozy, parce qu’il a vécu la crise de 2008 au quotidien, n’en est jamais véritablement sorti.

Cet épisode a altéré sa capacité de prise de distance par rapport au monde actuel. La crise migratoire doit être analysée sous l’angle identitaire et culturel, ce que ne fait à aucun moment Nicolas Sarkozy dans son interview au Point. Aucun mot sur la séparation entre le culturel et le cultuel alors que c’est aujourd’hui le véritable défi : comment faire en sorte d’assurer aux peuples européens une liberté religieuse sans que leur mode de vie ne bascule dans l’islamisme ? On se demande si Nicolas Sarkozy a pris la mesure de ce changement de paradigme.

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