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Macron face aux jeunes :  la macroéconomie, cet élément qui continue à faire défaut au raisonnement du Président
©LUDOVIC MARIN / AFP

Bourgogne

Pendant cinq heures ce jeudi Emmanuel Macron a échangé avec des lycéens en Bourgogne dans le cadre du grand débat.

Michel Ruimy

Michel Ruimy

Michel Ruimy est professeur affilié à l’ESCP, où il enseigne les principes de l’économie monétaire et les caractéristiques fondamentales des marchés de capitaux.

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Atlantico : Emmanuel Macron a beaucoup insisté sur la formation. Mais la formation seule pourra-t-elle permettre à elle seule la résorption du chômage ?

Michel Ruimy : C’est une condition nécessaire mais pas suffisante. Lorsque les jeunes entrent sur le marché du travail, ils offrent leur « force de travail », qui est,d’ailleurs, de moins en moins une force mais un « temps de travail » du fait de la tertiarisation croissante des activités. La demande de travail, elle, émane des entreprises. Donc, on voit bien que des jeunes bien formés aux métiers actuels et de demain ont de grandes chances de trouver un travail à leur mesure. C’est la condition nécessaire. Or, on estime qu’aujourd’hui, il y a près de 200 000 emplois non pourvus. Donc, des efforts portant sur la formation initiale voire continue doit être réalisés.

Mais, pour que cela marche, il faut aussi, que les entreprises aient un flux soutenu d’activité qui serait pourvoyeur d’emplois. Sinon, le « trottoir d’en face » risque d’être très loin ! Pour cela, il faut que la conjoncture macroéconomique soit favorable. C’est la condition suffisante. Or, après une croissance dynamique en 2017, l’année 2018 a été marquée par un ralentissement des échanges qui risque de se poursuivre cette année.

Le problème de la France est que son économie dépend trop de la situation de ses partenaires commerciaux. Elle a peu de secteurs où elle est leader du marché, situation qui lui permettrait d’influer le marché du travail domestique. D’autant que certains jeunes sont en difficulté pour s’insérer dans le monde du travail en raison d’entreprises frileuses pour accueillir des jeunes sans diplôme…

Enfin, un manque de congruence entre formation et monde professionnel combiné à un marché du travail compétitif et rigide entraînent une longue période de précarité entre fin des études et premier CDI.

Donc, la formation certes, mais il s’agit d’une condition parmi d’autres.

Par ordre d’efficacité, quels sont, selon vous, les meilleurs moyens pour lutter contre le chômage des jeunes ?

Les jeunes ont été les premières victimes de la crise économique et financière, qui les a exposés à des risques élevés d’exclusion sociale. Le taux de chômage chez les jeunes âgés d’entre 15 et 24 ans dans l’Union européenne est passé de 15% en 2008 à 24% début 2013, puis il est redescendu à 15% aujourd’hui. Ces chiffres restent plus élevés que dans la population en général.

En France, chez les moins de 25 ans, le chômage ne cesse d’augmenter au fil des années. En 35 ans, il a été multiplié par deux pour atteindre près de 25%. De plus, la transition entre étude et travail est délicate. Une fois leurs diplômes en poche, un tiers des jeunes obtiennent des contrats d’intérim et beaucoup d’autres luttent pour trouver un emploi. L’âge moyen aujourd’hui du premier CDI est de 28 ans alors qu’il était seulement de 22 ans en 1992. Des améliorations sont possibles.

Face à ces chiffres alarmants, la voie de l’apprentissage semble être une solution crédible. Pourtant, en France, cette manière d’acquérir un diplôme et des savoirs par l’expérience reste méconnue…Pour enclencher une nouvelle dynamique, l’Éducation Nationale a un rôle à jouer : du collège à l’enseignement supérieur, en passant par le lycée, le monde professionnel doit s’inviter dans les salles de classe. Pour cela, il faudrait communiquer sur l’alternance et favoriser des interventions sont des solutions faciles à mettre en place.

Ensuite, les entreprises doivent assumer leur rôle de transition professionnelle. La solution la plus simple serait qu’elles partent du postulat que les étudiants ne peuvent avoir des compétences en parfaite adéquation avec ce qu’elles recherchent et qu’elles acceptent de les former.

Par ailleurs, à l’heure actuelle où l’on observe un mauvais alignement des intérêts entre universités dont l’objectif est souvent de s’agrandir et d’ouvrir de nouveaux programmes, souvent au détriment du placement professionnel de leurs étudiants, le ministère de l’Éducation nationale pourrait mettre en place une transparence systématique comprenant éventuellement la durée de la recherche du premier emploi, le pourcentage des anciens élèves ayant trouvé un premier emploi en moins de trois mois à la sortie de l’école, le classement des salaires à la sortie de la formation…Demander la publication automatique des statistiques de placement de chaque formation permettrait aux étudiants de choisir en toute connaissance de cause. Et ceci favoriserait ainsi les formations en adéquation avec le monde professionnel.

Enfin, afin d’offrir aux jeunes la possibilité d’acquérir une expérience professionnelle de qualité tout en augmentant leur employabilité, on pourrait inciter les jeunes à plus de mobilité au sein de l’Union européenne voire les aider à trouver un travail dans un autre État membre. Une vaste plateforme pouvant rassembler l’ensemble des CV de jeunes chercheurs d’emploi et les offres d’emploi et de stage d’employeurs à la recherche de jeunes travailleurs pourrait être vantée.

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