Lutte contre le tabac et l'alcoolisme chez les adolescents : le remarquable modèle islandais <!-- --> | Atlantico.fr
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L'Islande a réussi à faire baisser drastiquement la dépendance des jeunes aux drogues et à l'alcool grâce à une série de mesures.
L'Islande a réussi à faire baisser drastiquement la dépendance des jeunes aux drogues et à l'alcool grâce à une série de mesures.
©Thomas COEX / AFP

Efficacité des mesures

L’Islande a réussi à faire baisser très nettement la consommation d'alcool et de drogue chez ses adolescents grâce à un programme ambitieux lancé il y a une vingtaine d’années et basé sur la prévention, le relèvement de la majorité ou bien encore le sport.

Marie Choquet

Marie Choquet

Marie Choquet est épidémiologiste et directeur de recherche honoraire à l'Inserm.

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Atlantico : En quoi consiste la méthode déployée en Islande pour lutter contre le tabac et l'alcoolisme chez les adolescents ? 

Marie Choquet : Plutôt que d’attaquer de manière frontale la consommation des jeunes, comme en France, cette méthode a pour objectif de prendre en compte tous les éléments du problème et en particulier d'agit auprès de l'entourage familial et social des jeunes. Cela permet de s’interroger sur les raisons qui poussent les jeunes à fumer. En effet, la consommation de tabac et d'alcool est en grande partie lié au malaise des jeunes, en famille, à l'école, avec des amis. Cette méthode en Islande permettait d’adresser un message aux parents en leur expliquant que le fait que leur enfant fume dissimulait fréquemment des difficultés personnelles. Il a donc été conseillé d’échanger avec ses enfants. En particulier de faire des choses ensemble et de partager des moments en commun. Ces activités pouvaient être l’occasion d’aborder progressivement les questions et les enjeux des addictions et de la consommation de tabac et d’alcool. Cette méthode contribue à changer l’environnement des jeunes plutôt que de mener une lutte frontale contre les produits les plus fréquents, l’alcool et le tabac à cet âge-là. De l’argent a aussi été distribué afin que les enfants puissent faire du sport ou avoir une activité sociale. Dans les pays du Nord, beaucoup plus que chez nous, l’aspect social de l’activité physique est mis en avant et non la question du résultat ou le culte de la performance. 

La méthode islandaise change le cadre de vie des jeunes et leur permet de se sentir mieux dans leur corps, dans leur tête et dans leurs relations. ils vont alors moins fumer. Cette action a été initiée il y a de nombreuses années. Etonnamment, elle n’a jamais été véritablement reprise ailleurs.

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Quelle a été son efficacité ces dernières décennies en Islande ? Comment expliquer son succès ?

Selon les classements internationaux, l’Islande est un pays avec peu de fumeurs et notamment chez les jeunes. Le même phénomène est répandu dans d’autres pays du Nord. 

Le succès de la méthode islandaise est de ne pas affronter de front un comportement qui débute à l’adolescence. Car cela risquerait de bloquer la situation en mettant en cause le comportement, ce que les adolescents n’aiment pas. Cette méthode vise à amener l’entourage des jeunes à être plus à leur écoute, compréhensif, plus socialisant. Cela a effectivement permis de diminuer les consommations de tabac et d’alcool, qui peuvent être liées à un mal-être. En repoussant cet inconfort, le besoin et la consommation de substances reculent. La méthode islandaise a permis de faire sérieusement évoluer la situation et la dépendance des jeunes au tabac et à l’alcool.

Bien sûr, ce programme ne fait pas disparaître la consommation, car le phénomène est complexe et multifactoriel. Mais il permet d’aider les parents, majoritairement de bonne volonté, à garder le contact, à rester proche de leurs adolescents, car à cet âge certains ne savent pas trop comment les encadrer et vont réagir avec violence verbale ou physique face à leurs comportements, en particulier scolaires (mauvaises notes, désinvestissement, violence..) 

Ces programmes encouragent les parents à faire des activités en commun avec leurs enfants, à développer des relations sociales. Cela crée un rapprochement qui peut être bénéfique pour les jeunes. Le fait que la famille mange ensemble à table est un facteur de protection. Les jeunes vont avoir l’impression de se sentir écoutés et soutenus.

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L’Islande a fait des efforts pour développer les activités sportives dans un contexte de loisirs et de sociabilité, ce que nous n’avons sincèrement jamais réussi à faire. C’est particulièrement vrai pour les filles abandonnent souvent le sport et s’isolent. Elles sont actuellement aussi lus consommatrices de tabac que les garçons.      

Des éléments du modèle islandais pourraient-ils être appliqués en France ? La petite taille de la population islandaise facile-t-elle la mise en place ?

La réussite de ce modèle est liée à son aspect global qui couvre différentes mesures. Il est difficile de prendre une seule mesure appliquée  en Islande et de la transposer ailleurs (en France par exemple) sans tenir compte des autres spécificités du modèle global. Le couvre-feu qui permet de limiter les risques quand les jeunes sortent tard, le dialogue avec les parents, les activités en commun… ce ne sont pas des mesures qui sont efficaces séparément. On aurait tort de ne retenir qu’une seule mesure, qu’une seule particularité du modèle islandais pour tenter de venir en aide aux adolescents face à la dépendance au tabac et à l’alcool. 

Pour appliquer cette méthode en France, il faudrait prendre en compte l’aide aux parents, ce qui est bien sûr plus complexe (et plus couteux) que d’augmenter les prix et interdire la disponibilité des produits. 

La taille du pays et le nombre d’habitants aident également à mener des actions novatrices et à les faire accepter. Cela est plus facile sur un petit territoire qu’auprès de 60 millions de Français. 

La Finlande a par exemple été capable de faire évoluer drastiquement son système éducatif. Tout a été mis sur la table pour effectuer des réformes. Comme ils sont six millions, cela est beaucoup plus facile à mettre en œuvre que dans des pays beaucoup plus densément peuplés, et de fait plus diversifiés, comme en France. 

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Une mise en place à grande échelle serait-elle plus complexe voire impossible ?

Impossible n’est pas français mais cela est certainement plus complexe. L’application de cette méthode et de mesures similaires, malgré son coût évident, permettrait de réaliser des économies à moyen et long terme. Nous sommes souvent focalisés sur le poste des dépenses et du coût immédiat plutôt que sur l’analyse du temps long et des économies réalisées sur plusieurs années, suite à la diminution des prises en charges des problèmes liés à une consommation excessive ou à une dépendance au tabac et à l’alcool. L’Islande a « osé » déployer cette stratégie originale et différente pour résoudre les difficultés des jeunes, un pari sur l’avenir réussi !

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