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Lutte contre la fraude à la TVA communautaire : la proposition explosive de Pierre Moscovici
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Discrètement

Dans le brouhaha d'une actualité trépidante, Moscovici vient d'annoncer un projet explosif concernant la TVA communautaire: elle serait acquittée sur la base des échanges nationaux. Cette bombe n'a pas fini de faire couler de l'encre...

Éric Verhaeghe

Éric Verhaeghe

Éric Verhaeghe est le fondateur du cabinet Parménide et président de Triapalio. Il est l'auteur de Faut-il quitter la France ? (Jacob-Duvernet, avril 2012). Son site : www.eric-verhaeghe.fr Il vient de créer un nouveau site : www.lecourrierdesstrateges.fr
 

Diplômé de l'Ena (promotion Copernic) et titulaire d'une maîtrise de philosophie et d'un Dea d'histoire à l'université Paris-I, il est né à Liège en 1968.

 

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epuis que la Communauté Européenne et la TVA existent, la question de la TVA communautaire est un casse-tête qui a donné lieu, en son temps, à des polémiques croquignoles (notamment sur la réimportation en France de voitures françaises achetées moins cher en Belgique). Le système en vigueur est une passoire qui ferait perdre (il faut prendre ces chiffres avec la prudence des estimations en matière de fraude) 50 milliards€ aux États-membres chaque année, notamment grâce à la fraude dite carrousel.

TVA communautaire et fraude carrousel

En l'état actuel du droit, les échanges intra-communautaires sont exonérés de TVA. Autrement dit, lorsqu'une société française achète un produit français soumis à la TVA, elle peut se faire rembourser la TVA qui lui a été facturée par le vendeur, dès lors qu'elle revend ses produits dans un autre État-membre de l'Union. C'est le miracle du système adopté dans les années 90. 

Tout le problème est que certains malins créent des sociétés fictives pour procéder à des facturations totalement virtuelles entre elle, pour empocher, à chaque passage de frontière, la TVA qu'elles prétendent avoir déboursé. C'est le principe de la fraude carrousel. 

Le mauvais choix de Moscovici

Pour éliminer la fraude carrousel dans l'Union, il y a donc deux solutions simples. Soit, on supprime la TVA inter-entreprises et on exonère tous les producteurs de biens de cette collecte complexe pour le compte de l'État, qui est à peu près neutre sur les comptes des entreprises, exception faite des coûts administratifs qu'elle induit. Soit on taxe tout le monde, y compris les exportateurs. 

Curieusement, c'est cette deuxième option que Moscovici propose: soumettre les échanges intracommunautaires à la TVA applicables aux échanges nationaux. Ou comment généraliser la taxation à tous les importateurs ou tous les exportateurs pour punir quelques fraudeurs...

Une difficulté technique

Petit problème: les taux de TVA ne sont pas harmonisés. Il existe donc de tout temps un débat majeur sur le taux applicable aux transactions.

Or La TVA entre entreprises constitue une avance de ces entreprises sur les recettes de l'État (puisque la TVA est au final payée par les consommateurs). La logique veut donc que le taux applicable soit celui du pays destinataire, où vit le consommateur. Dans ce cas, l'État d'origine perçoit une taxe pour le compte de l'État destinataire. 

Moscovici a tranché le débat en indiquant que la TVA sera payée dans le pays d'origine au taux du pays destinataire. Ben voyons! Pour ce faire, il annonce la mise en place d'un guichet numérique, ou "le One-Stop-Shop, mis en place par les administrations fiscales nationales où elles pourront s'acquitter de toutes leurs obligations en matière de TVA intracommunautaire et ce, dans leur langue."

Une réduction de souveraineté en plus 

Le problème du dossier n'est évidemment pas technique mais politique. Le système Moscovici prévoit deux innovations communautaires majeures. 

La première porte sur la coopération fiscale entre les États qui deviendra la règle. Les États d'origine collecteront en effet la taxe pour les États consommateurs et devront leur rembourser les sommes dues. On se rit par avance de cette usine à gaz. 

La deuxième consiste à organiser des échanges de données sur les entreprises entre États-membres. C'est un doigt terrible dans l'engrenage d'une imposition européenne des entreprises. 

Et c'est bien là l'essentiel: la décision technique prise par Moscovici réduit d'autant, sans le dire clairement, la souveraineté des États-membres, qui ne seront plus considérés comme des États indépendants, mais des provinces de l'Union. Comme dit Moscovici:

Cessons de considérer les ventes intracommunautaires comme des importations ou des exportations puisque nous avons un marché unique. Au XXIème siècle, une entreprise qui vend des produits entre Athènes et Lisbonne doit bénéficier des mêmes règles de TVA que celle qui opère entre Bruxelles et Charleroi.

Au XXIè siècle, comment peut-on encore imaginer qu'il y ait des frontières? Évidemment. Sortant du Brexit et en pleine affaire catalane, Moscovici nous montre qu'à Bruxelles aussi, il a tout compris.

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