LR donne quelques discrets signes de vie… mais la résurrection est encore loin<!-- --> | Atlantico.fr
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Derrière Eric Ciotti, LR lance un “contre gouvernement” et une revue, “Une certaine idée”, avant des États généraux de la droite le 17 juin
Derrière Eric Ciotti, LR lance un “contre gouvernement” et une revue, “Une certaine idée”, avant des États généraux de la droite le 17 juin
©Christophe SIMON / AFP

Long chemin

LR cherche à se relancer, à trouver un second souffle. Le parti lance un “contre gouvernement” et une revue, “Une certaine idée”, avant des États généraux de la droite le 17 juin. Tentative désespérée ou preuve de vitalité ?

Christophe Boutin

Christophe Boutin est un politologue français et professeur de droit public à l’université de Caen-Normandie, il a notamment publié Les grand discours du XXe siècle (Flammarion 2009) et co-dirigé Le dictionnaire du conservatisme (Cerf 2017), le Le dictionnaire des populismes (Cerf 2019) et Le dictionnaire du progressisme (Seuil 2022). Christophe Boutin est membre de la Fondation du Pont-Neuf. 

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Atlantico : LR cherche à se relancer, derrière Eric Ciotti le parti lance un “contre gouvernement” et une revue, “Une certaine idée”, avant des États généraux de la droite le 17 juin. Ces initiatives sont-elles une preuve de vitalité du parti ou bien une tentative désespérée de recréer quelque chose ? 

Christophe Boutin : Même si on peut se réjouir de voir un parti tenter de reprendre la main à la fois intellectuellement et politiquement et refuser de se laisser couler, il est permis de se demander si les choix qui viennent d’être faits par les Républicains sont les meilleurs. 

Commençons par cette présentation d’un contre-gouvernement, d’un shadow cabinet à l’anglaise, qui a beaucoup surpris. Le premier élément à considérer est que le contre-gouvernement ou shadow cabinet,n’a vraiment d’intérêt que dans un système de bipartisme. Dans ce cadre en effet, il n’est pas inutile aux électeurs de connaître le nom de ceux qui pourraient remplacer les membres du gouvernement en cas d’alternance, pour saisir la cohérence de l’équipe. Mais nous ne sommes pas dans un tel système bipartite, et les Républicains ne semblent guère en mesure de parvenir au pouvoir à la suite d’une alternance entre eux et Renaissance. 

On nous répondra qu’il s’agit justement d’y parvenir, en motivant les électeurs qui hésiteraient à se porter sur ce parti. Mais dans ce cas, le shadow cabinet doit intégrer les poids-lourds du parti, ceux qui ont déjà été aux affaires au niveau national, les barons locaux, auxquels on peut ajouter des technocrates à la compétence reconnue. Or ce n’est pas faire injure au contre-gouvernement des Républicains que de noter que dans cette - longue - liste on trouve bien peu de ces profils. Certes, on comprend qu’il est nécessaire de renouveler les visages. Certes aussi, une part au moins des personnes ainsi poussées sur le devant de la scène ont une légitimité politique, comme élues, au niveau national ou local, ou même pour avoir réalisé un beau travail dans les commissions parlementaires. Mais bien peu jouissent d’une réelle notoriété au plan national - même s’il y a quelques « têtes de gondole », elles semblent en effet plus destinées à concurrencer des adversaires qu’à affirmer une identité propre.

Sur le second plan, ensuite, la tentative de créer une revue, on remarquera, d’abord, qu’il s’agit ici d’une formule numérique, ensuite, que depuis la revue qui portait ce nom, les choses ont changé. Il serait ridicule de critiquer un média qui se lance, et qui peut tout à fait monter en puissance. Pour autant, les personnalités qui animaient "Une certaine idée" « ancienne version » étaient des politiques qui avaient une réelle dimension intellectuelle, comme Jean de Boishue ou Philippe Seguin, et ce type de profil n’apparaît pas de manière évidente pour l’instant dans l’équipe de cette future revue – qui a cependant le mérite d’avoir déjà fait intervenir des intellectuels de grande qualité comme Arnaud Teyssier ou Thierry Lentz. 

Mais qu’attendre ensuite de cette revue, alors que sur nombre de thématiques il y a des oppositions très importante entre divers courants chez les Républicains ? A-t-elle vocation à servir l’un de ces courants pour obliger les autres à s’y rallier, s’agit-il de construire une doxa ? Si l’on en juge par la manière dont se comportent les dissidents ou frondeurs, au sein du parti - ou même d’ailleurs en dehors -, sans que de véritables sanctions ne les frappent, il est permis de douter qu’elle parvienne à rassembler tout le monde dans une véritable cohésion idéologique.

Il s’agit enfin de mettre en place des « États généraux de la droite », et l’on comprend bien, dans la dénomination même de cette manifestation, combien on est totalement à côté du sujet. Lorsqu’il y a eu ce type de rassemblement, il y a maintenant bien longtemps, à la formation de l’UMP par exemple, il s’agissait effectivement de rassembler la droite et le centre dans des États généraux dont était exclue une extrême droite alors très minoritaire. Mais en 2023 prétendre faire des « États généraux » autour d’un parti qui a rassemblé moins de 5 % des voix à l’élection présidentielle et qui n’a réussi à sauver des sièges aux législatives qui suivirent que grâce à l’implantation d’élus locaux enracinés semble bien décalé. Parler en 2023 d’États généraux de « la droite » sans Reconquête, sans Horizons, et même sans le Rassemblement national traduit simplement l’incompréhension totale de ce que recouvre de nos jours ce terme de « droite » pour une grande part de nos concitoyens. Tout au plus pourrait-on parler des États généraux « de la droite de gouvernement », sinon « de l’ancienne droite de gouvernement », une réunion dont on peut en sus douter de l’efficacité s’il s’agit de bâtir un corpus, des solidarités et des hiérarchies au vu de l’état – général – du parti.

Les ambitions que met LR derrière ces projets sont-elles réalistes ? Peut-il se sortir ainsi de l’ornière ?

Comme on vient de le voir, ces ambitions semblent à l’heure actuelle démesurées. On citera bien sûr Guillaume d’Orange : « Il n’est pas nécessaire d’espérer pour entreprendre, ni de réussir pour persévérer ». Sans doute, mais on ne voit pas très bien ou mène ce « en même temps » très présidentiel, puisqu’il s’agit à la fois de retrouver une image auprès des électeurs, d’exister à nouveau politiquement, mais aussi de clarifier une situation interne. Or les deux peuvent difficilement coexister si de telles manifestations n’aboutissent qu’à révéler des clivages qui écarteront une part des électeurs.

Les Républicains sont doublement pris en tenaille. Idéologiquement entre Reconquête et Renaissance, puisque certains d’entre eux valident nombre des choix conservateurs du premier parti et d’autres les options progressistes du second. Socialement ensuite quand Reconquête leur conteste le vote « bourgeois » et le Rassemblement national un vote « populaire ». Sortir de l’ornière supposerait d’arriver à développer un discours qui parle à la population, ce que ce parti, trop divisé, ne semble pas capable de faire. Mais c’est peut-être pour cela qu’il se lance dans ces démarches.

La presse se fait l’écho de conflits internes à LR pour les sénatoriales à Paris. À l’heure actuelle, trois listes LR pourraient voir le jour après un conflit avec Agnès Evren. De quoi cela témoigne-t-il au sein de LR ?

Les Républicains est devenu très largement ce que l’on appelle un parti de cadre, et l’on a presque envie de dire une alliance d’élus qui cherchent grâce à elle à préserver leur situation personnelle. On a donc très logiquement dans ce genre de structure, et plus encore à partir du moment où le nombre de places potentielles diminue à chaque élection en même temps que l’électorat du parti, des frictions internes entre ceux qui entendent bien conserver leur rente de situation et ceux qui aimeraient les pousser dehors. Je crois que c’est dans ce sens aussi, et peut-être surtout, qu’il faut analyser ce genre de rivalités, bien plus qu’en imaginant une lutte idéologique entre les tenants de diverses lignes internes des Républicains. Notons d’ailleurs que ce n’est en rien réservé à ce parti, ni très nouveau.

Les Républicains sont-ils capables de se mettre en ordre de bataille pour les prochaines échéances électorales (sénatoriales et européennes) ?

Cela semble assez mal parti pour les deux, mais pour les sénatoriales, s’il y a effectivement des divisions internes dans un certain nombre de secteurs, elles ne s’étendront sans doute pas à l’ensemble du territoire national, à moins bien sûr que se pose la répartition des places non entre personnes dans une circonscription électorale précise, mais entre courants au niveau national.

Pour ce qui est des européennes, la question est avant tout de trouver un positionnement clair, ce qui n’est pas quelque chose d’évident. En effet, celui qui fait actuellement un travail remarquable au sein du parlement européen au nom des Républicains est l’ancienne tête de liste, François-Xavier Bellamy. Il est sans conteste l’un des députés européens français les plus actifs, les plus clairvoyants, il a parfaitement saisi les risques, qu’il dénonce, des dérives des institutions européennes sous la houlette d’Ursula von der Leyen, et tente autant que faire se peut de s’y opposer. 

Mais cette « ligne Bellamy » est-elle bien celle de l’ensemble des Républicains ? Elle vise à faire évoluer de l’intérieur le PPE d’abord, le Parlement ensuite, l’Union européenne enfin, pour redonner du poids aux États-nations en son sein, et éviter la fédéralisation dans laquelle la Commission s’est toujours engagée. Or cette ligne semble finalement plus proche de celle que pourraient éventuellement suivre des députés européens Reconquête, s’il y en avait, ou même de celle que peuvent avoir les députés européens du Rassemblement national au sein du groupe ID. Et elle diffère assez largement d’une autre ligne représentée au sein des Républicains et visant, elle, à soutenir la Commission européenne dans son travail de sape, celle qui, par exemple, avait soutenu le traité dit Constitution européenne rédigé par la Convention présidée par Valéry Giscard d’Estaing, que les Français allaient ensuite repousser par le référendum de 2005, avant que le Républicain Nicolas Sarkozy n’impose la ratification du traité de Lisbonne par un vote du Congrès.

Pour les européennes non plus, le choix de l’incarnation et de la ligne, sont difficiles. Sont-ils en capacité de régler ces problèmes d’ici là ?  Selon France info, les Républicains craignent de disparaître du paysage politique. Est-ce ce qui les guette ?

Dans ces conditions de division sur la question européenne – qui, là encore, n’est pas nouvelle : Chirac est passé de l’appel de Cochin à l’européisme, Seguin a tenté de défendre contre nombre d’élus de son parti la souveraineté française au moment du vote sur le traité de Maastricht, et Michel Barnier, ancien commissaire européen, s’est découvert des velléités nationalistes lors du choix du candidat de son parti à la présidentielle de 2022, contre une Valérie Pécresse favorable aux avancées de l’Union - l’incarnation d’une ligne est évidemment un problème, surtout quand se priver de la compétence de Bellamy peut sembler contre-intuitif. 

Mais les Républicains ne pourraient disparaître que s’ils obtenaient moins de 5 % des voix à ces élections européennes et ne puissent alors envoyer d’élus siéger à Bruxelles. Or, tenant compte de divers facteurs – le taux d’abstention traditionnellement important à ces élections, et, par contrecoup, la surreprésentation des retraités ; la nostalgie chez ces derniers d’une certaine souveraineté nationale, sans pour autant les conduire à franchir le pas en allant voter pour Reconquête et moins encore pour le RN, stigmatisés par les médias ; l’idée ancrée chez eux que « l’Europe c’est la paix » - il est permis de penser que LR pourra franchir la barre. La disparition semble donc exclue, mais une question reste posée : être élu, pour quoi faire ?

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