Lettre ouverte à Monsieur Emmanuel Macron, Président de la République française, et à Monsieur François Braun, Ministre de la Santé<!-- --> | Atlantico.fr
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L'hôpital de cardiologie de Lille, dans le nord de la France.
L'hôpital de cardiologie de Lille, dans le nord de la France.
©PHILIPPE HUGUEN / AFP

Salles de garde

Le 17 janvier, le ministère de la Santé a envoyé à tous les hôpitaux une instruction pour qu'ils retirent les fresques occupant les murs des salles de garde des internats des hôpitaux. En l’absence de consensus local, les Agences Régionales de Santé seront autorisées à imposer cette mesure de façon définitive.

Nadia Abid

Nadia Abid

Le Dr Nadia Abid est urologue à Lyon.

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Patrick Baqué

Patrick Baqué

Le Pr Patrick Baqué est chirurgien, doyen honoraire à Nice.

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Nadine Calvo-Verjat

Nadine Calvo-Verjat

Le Dr Nadine Calvo-Verjat est chirurgienne honoraire à Paris.

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Vincent Estrade

Vincent Estrade

Le Dr Vincent Estrade est urologue à Bordeaux.

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Antoine Faix

Antoine Faix

Le Dr Antoine Faix est urologue à Montpellier.

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Hélène Gauthier

Hélène Gauthier

Le Dr Hélène Gauthier est oncologue à Paris.

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Jean-Philippe Haymann

Jean-Philippe Haymann

Le Pr Jean-Philippe Haymann est néphrologue-physiologiste à Paris.

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Matthieu Lafaurie

Matthieu Lafaurie

Le Dr Matthieu Lafaurie est infectiologue à Paris.

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Richard Mallet

Richard Mallet

Le Dr Richard Mallet est urologue à Périgueux.

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Paul Meria

Paul Meria

Le Dr Paul Meria est urologue à Paris.

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Monsieur le Président, Monsieur le Ministre,

Récemment nous avons appris que, à la demande de la Direction Générale de l’Offre de Soins, les fresques occupant les murs des salles de garde des internats des hôpitaux devaient être effacées « après concertation avec les parties prenantes ». En l’absence de consensus local, les Agences Régionales de Santé seront autorisées à imposer cette mesure de façon définitive.

Cette action entrerait dans le cadre de la « tolérance, zéro vis-à-vis des violences morales et sexuelles à l’encontre des étudiantes et étudiants en santé », selon les dires de Monsieur Olivier Véran, médecin et ancien ministre de la santé à l’origine de la directive.

Le CHU de Toulouse avait déjà été sommé de retirer certaines fresques par une décision du tribunal administratif de la ville, lui-même saisi par certaines associations et partis politiques.

Ces décisions administratives et judiciaires ont été prises sous la pression de minorités visibles et bruyantes qui, cette fois-ci, ont ciblé l’un des symboles de l’appartenance des médecins en formation à leur structure hospitalière : la salle de garde.

La salle de garde fait partie de l’histoire médicale de notre pays et en 2002, lorsque le bicentenaire de l’internat des hôpitaux a été célébré en grande pompe , en présence de nombreuses personnalités du monde médical et du monde économique et social, l’importance de cette structure a été rappelée.

Les internats étaient à leur création les lieux de résidence des internes, qui, par définition, habitaient pour la plupart à l’hôpital. Outre les chambres et les cuisines, l’internat offrait aussi une salle de garde, à la fois réfectoire, salle de détente et d’exutoire où tout n’était pas permis, contrairement aux apparences, mais où la vie répondait à des règles strictes, avec des rituels, chansons, battues, tonus, enterrements, etc. Il s’agissait ainsi du lieu de vie d’une communauté que l’on intégrait après le succès à un concours sélectif basé sur le volontariat.

Les internes, praticiens en formation et en première ligne pendant leurs longues journées et nuits de travail, face à la maladie, la mort ou encore la misère sociale, y trouvaient, et y trouvent encore, un espace de liberté et de défoulement, dans un décor imaginé par leurs prédécesseurs ou par eux-mêmes.

La salle de garde a aujourd’hui perdu de son prestige et n’est le plus souvent qu’un lieu de passage, mais reste encore un défouloir où les règles de vie sociale et les rapports hiérarchiques sont temporairement modifiés, voire suspendus, grâce aux rituels et aux décors, dont ces fresques tant décriées par certains.

Expression de fantasmes et d’une forme de transgression, ces fresques sont volontairement outrancières. Visant à choquer les non-initiés, elles représentent la nudité et la sexualité de façon démesurée, à travers des scènes montrant le plus souvent des médecins connus et facilement identifiables par la communauté médicale de l’établissement. L’anatomie des parties intimes des personnages est déformée, amplifiée et présentée dans des scènes d’actes sexuels relevant souvent de pratiques transgressives.Ces fresques étaient généralement le fruit d’une commande auprès de jeunes artistes, étudiants aux Beaux-Arts, heureux d’accomplir leurs premières œuvres exposées et rémunérées ….

Nos collègues étrangers avaient beaucoup apprécié la conférence donnée par le Pr Thierry Lebret sur les fresques de salle de garde lors du congrès européen d’urologie qui s’est tenu à Paris en 2012.

De nombreux ouvrages et thèses font également référence à ces fresques au sein d’une riche littérature mémorielle. Christian Hottin, archiviste paléographe de renom et directeur des études à l’Institut du Patrimoine, les a étudiées avec une approche personnelle, en les assimilant à des œuvres d’art (cf Revue des Patrimoines de 2011). Il rappelle aussi la présence de fresques dans de nombreuses écoles d’enseignement supérieur en France et dans d’autres pays, caractérisées par des thématiques spécifiques, certes moins érotiques que celles des salles de garde. Faudra-t-il un jour interdire aussi les ouvrages et travaux qui évoquent les sulfureuses fresques de salles de garde, considérées comme une forme de « violence morale à l’encontre des étudiantes et étudiants en médecine », car certains y voient une image dégradante de la femme et une représentation inégalitaire ou « asymétrique » de l’homme et de la femme ?

L’histoire de l’art nous apprend que depuis toujours, la femme a été représentée dans la peinture et dans la sculpture, avec une certaine dimension érotique, et que les œuvres d’art exposées dans nos musées sont fréquemment focalisées sur la nudité féminine et l’érotisme qui peut y être associé. Des œuvres comme l’« Olympia » ou le « Déjeuner sur l’Herbe » de Manet, ou encore la célèbre « l’Origine du Monde » de Courbet, largement exposées et visibles de tous,mériteraient-t-elles donc de subir le même sort que les fresques de salles de garde ? D’ailleurs, si la femme est le sujet privilégié du nu artistique, le nu masculin existe aussi très largement dans la sculpture et dans la peinture, et tout autant sur les fresques honnies. Bien entendu, nous ne cherchons pas à comparer les fresques de salles de garde à des œuvres majeures, mais nous revendiquons que la symbolique de la salle de garde et ses fresques soient respectées et maintenues. Si les médecins figurant sur les fresques en sont tous fiers, les étudiantes et étudiants en médecine ne sont pour autant pas tenus de fréquenter la salle de garde si l’ambiance, les rituels et décorations ne leur conviennent pas , leur présence en ce lieu étant purement facultative.

Car aujourd’hui, la perception des fresques a bien changé chez certains membres de la communauté médicale et au sein d’une opinion publique de plus en plus manipulée. Si ces fresques, qualifiées davantage de pornographiques que d’érotiques par leurs détractrices et détracteurs, sont anachroniques et choquent réellement les médecins français du XXIème siècle, alors prenons-en acte et réagissons en conséquence. Mais, surtout, faisons preuve d’un peu plus d’humilité et d’un peu moins d’extrémisme idéologique ; cachons-les des regards sous de prudes draperies ou cloisons de bois, mais ne commettons pas d’acte de destruction irréparable.

Sans comparer l’incomparable et toutes proportions gardées, ce sont des motifs bien futiles qui ont conduit à saccager le musée de Mossoul et à dynamiter les statues du Bouddha à Bamiyan, pour ne citer que ceux-là. C’est aussi sous la pression de certaines minorités, qui jugent le passé avec des critères du présent,que l’on débaptise des établissements scolaires et hospitaliers, en attendant que certaines statues entretenant la mémoire de l’histoire de notre pays dans l’espace public, soient bientôt « condamnées »…

Monsieur le Président, vous avez affirmé qu’aucune statue ne serait déboulonnée dans notre pays. Vous-même, fils d’un médecin universitaire qui a sans doute fréquenté avec bonheur les salles de garde, accepterez-vous que l’administration française ampute cet espace de liberté de ses fresques patrimoniales ?

Monsieur le Ministre, n’avez-vous jamais vous-même fréquenté les salles de garde? Avez-vous déjà imaginé que leurs fresques puissentconstituer une atteinte grave à la dignité humaine ?

Car ces fresques sont nos « statues » et elles représentent un pan de notre histoire de la médecine. Alors de grâce, Monsieur le Président, Monsieur le Ministre, n’acceptez pas qu’elles soient « déboulonnées » !

Veuillez accepter, Monsieur le Président, Monsieur le Ministre, l’expression de notre haute considération,

Signataires :

Dr Nadia Abid, urologue, Lyon,

Dr Walid Alame, urologue, Paris,

Dr Philippe Allard, urologue, Bordeaux,

Dr Christophe Almeras, urologue, Toulouse,

Dr Séverine Alran, chirurgienne, Paris,

Pr Maurice Anidjar, urologue, Montréal,

Dr Michel Augusti, urologue, Dieppe,

Pr Patrick Baqué, chirurgien, doyen honoraire,Nice,

Marc Barani, architecte, Académie des Beaux-Arts, Paris,

Pr Béatrix Barry, chirurgienne ORL, Paris,

Dr Stephane, Bart, urologue, Pontoise,

Dr Nicole Beylard-Coussement, radiologue, Nice

Dr Marie Christine Becq-Kayal, anesthésiste-réanimatrice, Paris,

Dr Nathalie Berrogain, urologue, Toulouse,

Pr Chloé Bertolus, chirurgienne maxillo-faciale, Paris,

Dr Ghislain Bochereau, urologue, Nantes,

Pr Arnaud Bonnard, chirurgien pédiatre, Paris,

Dr Amin Bouker, urologue, Tunis,

Dr Nicolas Brichart, urologue, Orléans,

Dr Pierre Brunet, urologue, Bois Bernard,

Pr Franck Bruyère, urologue, Tours,

Dr Nadine Calvo-Verjat, chirurgienne honoraire, Paris,

Dr Gérard Cariou, urologue honoraire, St-Maur,

Pr Yves Castier, chirurgien vasculaire, Paris,

Pr Pierre Cattan, chirurgien digestif, Paris,

Dr Barbara Cereda, urologue, Montpellier,

Dr Laurent Charbit, urologue, Nogent sur Marne,

Dr Axele Champault, chirurgienne, Paris,

Dr Irène Cholley, urologue, Meaux,

Pr Olivier Corcos, gastro-entérologue, Clichy,

Dr Ariane Cortesse, urologue honoraire, Paris,

Pr Alain Coussement, radiologue, Nice,

Dr Aurélie Coussement, généticienne, Paris,

Dr Benoit Couturaud, chirurgien plasticien, Paris,

Dr François Dagues, urologue, Carcassonne,

Dr François-Emile Dazza, chirurgien honoraire, Paris,

Dr Nicolas De Fourmestraux, urologue, Le Havre,

Pr Eric De Kerviler, radiologue, La Roche Sur Yon,

Dr Marie Esther De Tinguy, urologue, Chartres,

Dr Arnaud Delachapelle, anesthésiste-réanimateur, St-Laurent du Var,

Dr Marie Sophie Demigné, ophtalmologiste, Le Vésinet,

Dr Etienne Denis, urologue, Lyon,

Pr François Desgrandchamps, urologue, Paris,

Dr Arnaud Desgrippes, urologue, Blois,

Dr Jean Dominique Doublet, urologue, Issy les Moulineaux,

Dr Francis, Dubosq, urologue, Clamart,

Dr Jean Dubosq, urologue, Paris,

Dr Jean Brice Duron, chirugien plasticien, Paris,

Dr Jean Marc Duclos, urologue honoraire, Paris,

Dr Vincent Estrade, urologue, Bordeaux,

Dr Antoine Faix, urologue, Montpellier,

Dr Caroline Faucon, urologue , Armentières,

Dr Hugo Faucon, urologue, Bois Bernard,

Dr Pierre Faure, président de l’association des anciens internes de pharmacie, Paris,

Dr Alain Faye, chirurgien, Paris,

Dr François Xavier Ferracci, neurochirurgien, Marseille,

Dr Robert Fournier, urologue, Toulon,

Pr Pascal Frileux, chirurgien, Suresnes,

Pr Sébastien Froelich, neurochirurgien, Paris,

Pr Gaële Fromont-Hankard, anatomopathologiste, Tours,

Dr Hélène Gauthier, oncologue, Paris,

Dr Jean Romain Gautier, urologue, Toulouse,

Dr Adrien Glomaud, chirurgien vasculaire, Paris,

Pr Diane Goere, chirurgienne, Paris,

Pr Patrick Goudot, chirurgien maxillo-facial, Paris,

Dr Annabelle Goujon, urologue, Paris,

Pr Christine Grapin, chirurgienne pédiatre, Paris,

Dr Jacqueline Greco, anesthésiste honoraire, Paris,

Pr Pierre Guigui, orthopédiste, Paris,

Pr Jean Philippe Haymann, néphrologue-physiologiste, Paris,

Dr Patrice Hoffmann, urologue, Tremblay en France,

Dr Andras, Hoznek, urologue, Créteil,

Dr Matthieu Lafaurie, infectiologue, Paris,

Dr Xavier Lagrange, gastro-entérologue, Marseille,

Dr Cécilia, Lanchon urologue, Grenoble,

Dr Jérôme Lamoril, généticien, Paris,

Pr Alain Le Duc, doyen honoraire, Paris,

Pr Celeste Lebbe, onco-dermatologue, Paris,

Pr Thierry Lebret, urologue, Suresnes,

Dr Didier Legeais, urologue, Grenoble,

Dr Richard Mallet, urologue, Périgueux,

Dr Benoit Malval, urologue, Rouen,

Dr Marc Man, orthopédiste, Paris,

Dr Bruno Manzi, gastro-entérologue, Bastia,

Pr Fabrice Menegaux, chirurgien, Paris,

Dr Philippe Menut, urologue, Lannion,

Dr Paul Meria, urologue, Paris,

Dr Charlotte Methorst, urologue , St Cloud,

Dr François Meyer, urologue, Paris,

Dr Catherine Miquel, anatomopathologiste, Paris,

Pr Pierre Mongiat-Artus, urologue, Paris,

Dr Catherine Neukirch-Stoop, allergologue, Paris,

Pr Yann Neuzillet, urologue, Suresnes,

Pr Remy Nizard, orthopédiste, Paris,

Dr Frédéric Panthier, urologue, Paris,

Dr Denis Paoli, urologue honoraire, Le Havre,

Pr Yann Parc, chirurgien, Paris,

Dr Philippe Pedron, urologue, Chelles,

Pr Marie Noelle Peraldi, néphrologue, Paris,

Dr Caroline Pettenati, urologue, Suresnes,

Dr Alex Peyrottes, urologue, Cannes,

Dr Pierre-Olivier Pinelli, ortopédiste, Marseille,

Dr Bertrand Pogu, urologue, Chalons en Champagne,

Dr Gauthier Raynal, urologue, St-Maur,

Dr Xavier Rebillard, urologue, Montpellier,

Pr Pascal Richette, rhumatologue, Paris,

Dr Arnaud Rigolet, chirurgien maxillo-facial, Paris,

Pr Dominique Rossi, urologue, Marseille,

Dr François Rozet, urologue, Paris,

Dr Linda Salvaresi, psychiatre, Paris,

Pr Emile Sarfati, chirurgien, Paris,

Dr Pierre Schneider, dermatologue, Paris,

Pr Thomas Schouman, chirurgien maxillo-facial, Paris,

Dr Raphael Sellam, urologue, Paris,

Dr Dimitri Tchernitchko, généticien, Paris,

Pr Marc-Olivier Timsit, urologue, Paris,

Pr Antoine Valeri, Urologue, Brest,

Pr Eric Vandenbussche, orthopédiste, Paris,

Dr Michel Vaubourdolle, biologiste, Paris,

Dr Virginie Verkarre, anatomopathologiste, Paris,

Dr Philippe Vial, chirurgien plasticien, Paris,

Dr Benoit Vignes, urologue, Versailles,

Dr Philippe Villena, urologue, Reims,

Dr Cécile Verrier, urologue, Papeete,

Dr Olivier Wetzel, urologue, Nantes,

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