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Emmanuel Macron lors de la conférence de presse du 16 janvier 2024.
Emmanuel Macron lors de la conférence de presse du 16 janvier 2024.
©Ludovic MARIN / AFP

Annonces fortes

Le président de la République, qui donnait une grande conférence de presse mardi 16 janvier 2024, a multiplié les annonces fortes.

Jean Petaux

Jean Petaux

Jean Petaux, docteur habilité à diriger des recherches en science politique, a enseigné et a été pendant 31 ans membre de l’équipe de direction de Sciences Po Bordeaux, jusqu’au 1er janvier 2022, établissement dont il est lui-même diplômé (1978).

Auteur d’une quinzaine d’ouvrages, son dernier livre, en librairie le 9 septembre 2022, est intitulé : « L’Appel du 18 juin 1940. Usages politiques d’un mythe ». Il est publié aux éditions Le Bord de l’Eau dans la collection « Territoires du politique » qu’il dirige.

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Luc Rouban

Luc Rouban

Luc Rouban est directeur de recherches au CNRS et travaille au Cevipof depuis 1996 et à Sciences Po depuis 1987.

Il est l'auteur de La fonction publique en débat (Documentation française, 2014), Quel avenir pour la fonction publique ? (Documentation française, 2017), La démocratie représentative est-elle en crise ? (Documentation française, 2018) et Le paradoxe du macronisme (Les Presses de Sciences po, 2018) et La matière noire de la démocratie (Les Presses de Sciences Po, 2019), "Quel avenir pour les maires ?" à la Documentation française (2020). Il a publié en 2022 Les raisons de la défiance aux Presses de Sciences Po. Il a également publié en 2022 La vraie victoire du RN aux Presses de Sciences Po. En 2024, il a publié Les racines sociales de la violence politique aux éditions de l'Aube.

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Atlantico : Retour potentiel de l’uniforme à l’école, refonte de l’instruction civique, acte II de la réforme du marché du travail et recherche du plein emploi ; grand plan contre l’infertilité, régularisation des médecins étrangers… Le président de la République, qui donnait une grande conférence de presse mardi 16 janvier 2024, a multiplié les annonces fortes. Que faut-il penser, exactement, des promesses et des annonces évoquées tant lors du propos liminaire que de la session de questions-réponses ? Apparaissent-elles crédibles, selon vous ?

Luc Rouban : On s’attendait à des annonces véritablement fortes, comme celle, par exemple, d’un référendum ou d’une réforme de la décentralisation ou bien encore d’une nouvelle politique fiscale. En fait, d’entrée de jeu, l’allocution présidentielle s’est présentée comme un catalogue de mesures très détaillées sans que l’on voie très bien comment elles seront mises en œuvre puisque le Président a régulièrement renvoyé les actions aux initiatives du gouvernement sous le regard parfois anxieux des ministres et du Premier ministre.

Sur l’école, les mesures pour renforcer l’instruction civique ou pour améliorer le niveau des élèves sont très ponctuelles : une heure d’instruction civique, une initiation au théâtre, une meilleure formation des enseignants, etc. On entend déjà les critiques, notamment des syndicats : avec quels budgets, quels effectifs ? Et la question centrale qu’est devenue le recrutement, avec des taux de sélectivité des concours en chute libre qui indiquent que de nombreux postes ne peuvent plus être pourvus, n’a pas été abordée sur le fond. Lorsque Laurence Ferrari pose des questions sur le fait qu’un enseignant sur deux a peur ou qu’il pratique l’autocensure sur les questions d’histoire, il n’y a pas de réponse. Le « choc des savoirs » va vite se heurter à des formes radicalisées d’hostilité au savoir, sans que le niveau des primes change grand-chose à l’affaire.

On pourrait en dire autant de la recherche du plein emploi qui a surtout donné l’occasion de montrer que la politique menée depuis 2017 avait porté ses fruits alors même qu’une des grandes questions est de savoir si les emplois créés sont stables ou précaires. Rien n’a été dit sur le coût des investissements publics massifs réalisés depuis des années et qui ont généré une dette énorme qui reste une bombe à retardement et pèsera sur le pouvoir d’achat d’ici à quelques années car il faudra bien régler la note.

Sur la question de la santé, le Président évoque une « feuille de route » locale pour que les médecins et tous les acteurs locaux de la santé s’organisent entre eux afin de combler les déserts sanitaires mais cela sans contrainte aucune, ce qui ne semble pas très réaliste. Si les médecins libéraux disent « non », que fait-on ?

Comme toujours, le Président apporte des réponses gestionnaires sans aborder les facteurs qui provoquent les difficultés. Il excelle dans la description des problèmes en se faisant pédagogue mais sans proposer une réponse globale. Il explique, par exemple, que les émeutes de juillet 2023 ont été rendues possibles par les réseaux sociaux alors que l’on pouvait attendre des réponses sur le fait qu’une partie de la jeunesse, y compris dans de petites communes, n’était plus du tout intégrée à la société française.

On a parfois eu l’impression d’un grand oral de l’ENA où il faut montrer sa capacité à imaginer des scénarios d’équilibre, que l’on présente comme « briseurs de tabous », mais qui ne changent pas grand-chose sur le fond. L’exemple le plus clair en a été donné par la question de l’immigration qui est censée être définitivement réglée par la loi immigration, qui n’aborde cependant pas le point crucial de l’intégration, mais dans le sens de la modération en comptant bien sur le Conseil constitutionnel pour éliminer toutes les mesures les plus à droite demandées par LR et le RN.

Jean Petaux : Le premier constat qui me semble pouvoir être fait porte sur l’objet de cette conférence de presse : seconde dans le genre puisque la précédente, pour Emmanuel Macron, a eu lieu le 25 avril 2019 à la sortie de la crise des Gilets jaunes. La date d’ailleurs de cette première rencontre avec la presse présidentielle a, au moins, un point commun avec celle du 16 janvier 2024 : dans les deux cas des élections européennes se profilent à plus ou moins brève échéance (6 semaines en 2019, 23 semaines pour cette année). Il est clair qu’Emmanuel Macron a lancé « sa » campagne électorale pour les élections du 9 juin prochain. Le seul parti qui a été cité et très sévèrement attaqué ce soir a été le Rassemblement national que le président de la République a d’ailleurs nommé « Front national », spontanément en commettant un lapsus et en se reprenant aussitôt d’ailleurs non pour se corriger et donner le nom actuel du parti lepéniste, mais en disant qu’il préférait dire « FN » en parlant de cette formation politique, car, selon lui, « il » n’a pas changé… Plutôt calme, concentré, lisant, pendant ses 25 minutes de propos introductif, ses fiches avec attention, comme s’il ne voulait ni commettre d’impair ni oublier des points de son intervention ; répondant avec une certaine concision (ce qui est rare chez lui) aux questions posées sur les mesures et les dossiers actuellement à l’agenda, Emmanuel Macron s’est littéralement animé sur la question posée par Benjamin Duhamel de BFM. Il montrait, en surjouant, une forme d’engagement contre le parti qui caracole en tête des sondages sur les intentions de vote pour le 9 juin, reléguant à plus de 10 points la liste « présidentielle ». Il faut revoir la séquence pour réaliser le changement de l’hôte de l’Elysée, à ce moment précis, changement y compris physique, mais également dans le ton et dans le débit de sa voix. Tel un débateur politique, retrouvant des accents de ses campagnes électorales de 2017 et 2022, évoquant même le fait qu’à deux reprises il s’est opposé à ce que son adversaire d’extrême-droite occupe sa propre place, « dézinguant » le programme économique du RN, tant au plan national qu’européen : il n’a rien laissé de côté dans sa critique « au rasoir » du RN. Ne nous y trompons pas : il a donné le ton de la campagne de Renaissance pour juin, balisant le terrain pour Gabriel Attal promu « hussard en chef » de cette offensive anti-Le Pen-Bardella. Mais en instaurant ce dialogue particulier avec le FN, Emmanuel Macron rejoue les deux élections présidentielles de 2017 et 2022 et l’élection européenne de 2019 : le débat n’est plus qu’entre lui et l’extrême-droite… Singulière homologie structurale avec le comportement des gaullistes au début des années 60 quand André Malraux disait : « Entre nous et les communistes, il n’y a rien »… La formation au pouvoir a tendance ainsi à simplifier en la bipolarisant la scène politique pour se créer un adversaire « privilégié ». 

Cette dimension politique éclipse forcément le catalogue de mesures et d’annonces destinées à montrer que les grandes orientations sont fixées par l’Elysée. On a assisté au retour revendiqué du « en même temps » dont le registre conceptuel s’est enrichi puisqu’Emmanuel Macron l’a défini devant les journalistes comme une « double radicalité ». Les mathématiciens post-euclidiens connaissent la fameuse « double trompette de Riemann et Lobatchevski » remettant en cause l’axiome d’Euclide : « par un point passé on ne peut faire passer qu’une seule parallèle à une droite donnée », avec la « double radicalité » macronienne il faut considérer que l’on peut être très à gauche et très à droite… Pourvu que cela soit « en même temps ». Le seul souci c’est que tout laisse à penser que c’est plutôt un temps (la droite) avant l’autre (la gauche). Quand Emmanuel Macron dit, au détour d’une réponse, qu’il faut « que la France reste la France », il reprend à son compte un slogan politique que l’on a pu voir, depuis longtemps sur les affiches du FN justement, avant le RN, et, plus récemment, sur celles d’Eric Zemmour. Pour autant on se souvient aussi que lors de son « show politique géant » pour sa campagne présidentielle, ans l’immense salle de la Défense Arena de Nanterre, le 2 avril 2022, il avait repris à son compte un autre slogan, celui du NPA : « Nos vies valent plus que leurs profits ». Preuve s’il en est que Frégoli-Macron est encore un bon magicien et que, tel le coucou, il peut adopter les nids de ses rivaux…. 

Il est bien difficile de dire si les mesures affichées par Emmanuel Macron sont crédibles ou pas. Ce qui me semble important c’est qu’il a très clairement indiqué qu’il n’avait aucunement l’intention d’abdiquer : « Je me battrai jusqu’au dernier quart-d’heure pour empêcher le « FN » de l’emporter en 2027… ». Avec cet avertissement même pas voilé aux « prétendants » : « Il reste 3 ans et demi et je peux vous dire que là où je suis depuis 6 ans et demi j’ai pu mesurer combien il s’est passé de choses et combien il peut s’en passer encore en 3 ans et demi ». Au cas où l’on n’aurait pas compris : « inutile de s’exciter pour 2027, j’y suis, j’y reste ! ». Cela vaut aussi bien pour les rangs de la majorité présidentielle, ministres compris.

Le président de la République s’est beaucoup exprimé sur la question internationale, annonçant la nécessité pour la France d’être mieux armée demain, mais aussi sa décision de ne pas se joindre aux frappes contre les Houthis pour éviter l’escalade ou la tenue prochaine d’un hommage aux morts Français, tués pendant l’attaque du 7 octobre 2023 par les terroristes du Hamas. Emmanuel Macron a-t-il su se montrer efficace sur ces questions, selon vous ? Que faut-il retenir de ces annonces ?

Luc Rouban : On doit tout d’abord rappeler qu’il est difficile pour un Président de parler clairement de questions stratégiques en public. La position qu’il a adoptée est celle d’un pari européen pour échapper aux tensions entre les États-Unis et la Chine mais sans que cela entraîne vraiment la conviction car on sait que bien des pays européens, y compris en matière d’armement, ne jouent que la carte des États-Unis et de l’OTAN. Il n’a pas évoqué non plus le fait que la France a été chassée de plusieurs pays africains qu’elle avait pourtant beaucoup aidés dans la lutte contre le terrorisme et tout cela au prix de nombreux sacrifices de militaires.

Jean Petaux : Pas grand-chose. D’abord parce que les questions internationales n’ont occupé que le dernier « tiers temps », nettement moins long que les deux autres. Le Président est pourtant le plus à l’aise sur ce terrain qui, dans l’esprit initial des institutions de la Cinquième république est vraiment son « domaine réservé ». On a là encore plutôt entendu soit des annonces à caractère symbolique (l’hommage aux 41 victimes des attentats du Hamas du 7 octobre 2023, le 7 février prochain) soit des intentions sans grande portée effective : renforcer le partenariat avec les Européens, dont les Britanniques nommément cités, mais pas d’intervention dans la coalition contre les Huthis pour des frappes ciblées contre eux au Yémen. Même chose pour le Liban pays auquel la France est très liée (on l’ignorait…). Sur tout le volet politique étrangère (qui faisait le miel des grandes conférences de presse gaulliennes où le « virtuose » se livrait à de véritables leçons géopolitiques qui avaient pour résultat de nous fâcher avec tous nos alliés, tant de Gaulle ne les ménageait pas à chaque fois : les Américains, les Britanniques, etc.), le président Macron a fait, encore, du « en même temps »… Il s’agissait plus d’une « double vacuité » que d’une audace radicale redoublée…

La France peut-elle véritablement devenir un “troisième pôle de stabilité” entre les Etats-Unis et la Chine, ainsi que semble le vouloir le chef de l’Etat ?

Luc Rouban : La parole française n’a guère été entendue dans le conflit entre Israël et le Hamas, les propositions de cessez-le-feu ou de coalition ont échoué, et d’ailleurs Catherine Colonna semble en avoir fait les frais lors du remaniement. En défendant une position d’équilibre, Emmanuel Macron entendait renouer avec la position traditionnelle de la France consistant à servir de médiateur mais les évènements lui échappent de plus en plus, en mer Rouge comme en Ukraine, où les États-Unis avec le Royaume-Uni ont pris le leadership du monde occidental. Le recours à l’Europe ne peut être dans le contexte actuel qu’économique, en termes de sanctions ou d’ouverture de l’Union à certains pays, alors que le retour en force de la géopolitique devient une affaire de plus en plus militaire, dans le Pacifique avec Taïwan, ou comme on l’a vu en Arménie.

Jean Petaux : Il faut, à la vérité, dire que le « troisième pôle de stabilité » mentionné par Emmanuel Macron concerne certes, dans son esprit, la France, mais il a bien pris soin de rappeler, à plusieurs reprises, qu’il entend ici « la France dans une Europe solidaire ». On peut reprocher beaucoup de choses au président de la République, y compris le « modèle 2024 » qui n’est plus celui qui a été réélu en 2022 ni, encore moins, le « modèle 2017 ». On peut considérer que tout le volet économique de son propos ce soir était très libéral pour ne pas dire carrément dérégulateur comme pouvaient l’être les propositions d’un Madelin en 1995. On peut entendre ses propositions en matière éducative comme inspirées par Ferdinand Buisson et Francis de Pressensé, revisitées par Jean Zay, autrement dit comme datant de la Troisième république. Mais il y a un sujet sur lequel il n’a pas varié c’est son engagement, sa « foi » européenne. Cela vaut mieux d’ailleurs parce qu’on sait bien que la France ne pèse pratiquement rien sur la scène internationale et qu’elle ne saurait, en dépit de son droit de veto au Conseil de Sécurité à l’ONU être en quoi que ce soit un « pôle de stabilité » entre les Etats-Unis et la Chine…

Sans grande surprise, le chef de l’Etat a été attaqué sur son bilan, en matière d’écologie notamment, ou de choix de ses ministres (dont certains font ou ont fait l’objet de procédures judiciaires). Comment qualifier la défense de celui-ci à ce propos ?

Luc Rouban : Sur la question écologique, il faut reconnaître que le Président avance des arguments sérieux car il faut négocier territoire par territoire les formules de lutte contre le réchauffement en faisant attention à ne pas sanctionner les catégories les plus modestes de Français. Si l’on est réaliste, il faut bien admettre que la France ne peut adopter qu’une position défensive, d’adaptation. À elle seule, elle ne peut contrer un réchauffement mondial provoqué par la Chine, les États-Unis et l’Inde qui n’ont jamais autant produit ni consommé d’hydrocarbures. Sur le choix des ministres, le fait est que la multiplication des mises en examen est passée à la trappe sous la formule habituelle selon laquelle « la justice doit faire son travail ». C’est pourtant un point de vulnérabilité très important car les Français attendent la moralisation de la vie politique et constatent que celle-ci est vite oubliée au profit d’arrangements pour afficher une droitisation qui vienne affaiblir Les Républicains. 

Jean Petaux : Quand il est ainsi challengé, aussi bien sur la planification écologique que sur le « cas Dati », Emmanuel Macron relève souvent bien le défi et se sort assez facilement des « cordes ». Il le fait avec l’aplomb qui sied aux professionnels de la politique de grand talent et dont il fait partie : péremptoire, parfois jusqu’à la mauvaise foi, mais avec un ton et une assurance qui crédibilisent son propos, au moins dans l’instant. Il faut lui reconnaitre ce talent : il fait face à ses interrogateurs-contradicteurs. Sur Rachida Dati on ajoutera un argument qui n’est pas d’autorité mais de bonne conscience, à moins que ce ne soit de « mauvaise conscience » : « Elle (Madame Dati) va apporter à la culture son énergie et sa liberté »… avec un « sous-texte » non-dit mais fortement suggéré : « sa nomination au gouvernement montre que même une ex-enfant issue de l’immigration peut devenir ministre de la Culture »… Cela procède d’un certain culot à défaut d’être audacieux : que l’on sache Madame Dati n’est plus vraiment une résidente d’une cité de banlieue en Seine Saint-Denis, tant mieux pour elle d’ailleurs… Son « parcours » n’est plus vraiment emblématique de quoi que ce soit. On se limitera à « emblématique » pour ne pas employer le mot « exemplaire ».

Que penser, d’une façon générale, de l'exercice auquel s’est adonné Emmanuel Macron ? A quelques jours du discours de politique générale de Gabriel Attal, que dit le choix d’une conférence de presse de la marge de manœuvre réelle du nouveau Premier ministre ?

Jean Petaux : Comme il faut souvent, en politique comme ailleurs, décrypter le langage des corps, Emmanuel Macron a multiplié une posture assez surprenante. La caméra l’a montré se tournant régulièrement vers les membres du gouvernement Attal, présents, comme il est de coutume dans ce genre de « show », à sa droite. Pour avoir regardé, souvent, les conférences de presse de Charles de Gaulle et de Georges Pompidou, voire certaines, plus rares, de François Mitterrand, je n’ai pas le souvenir que ces trois lointains prédécesseurs d’Emmanuel Macron prenaient en quelque sorte à témoin de leurs propos les ministres présents. Il est même certain que de Gaulle ne les « calculait » même pas… Au point que trois ou quatre d’entre eux démissionnèrent le soir-même d’une de ces conférences de presse, pour « propos anti-européens » attestés. Ce soir Emmanuel Macron se tournait régulièrement vers certaines et certains d’entre eux. L’une d’elles d’ailleurs, Catherine Vautrin, tout à son plaisir d’être au premier rang, à l’inverse d’un Bruno Lemaire raide et muet, approuvait de la voix et du commentaire les propos de son patron. Dans la catégorie « lèche-bottes », on a trouvé-là un beau specimen. Beaucoup plus discrète, se tenait « au fond de la classe », la ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche qui voulait démissionner en décembre après la loi « immigration », et repêchée » en janvier. Ce ministère de l’enseignement supérieur, dont on devrait s’interroger sur la pertinence d’ailleurs, quand on parle à tort et à travers d’autonomie des universités, a confirmé qu’avec une telle titulaire, Sylvie Retailleau, les féodalités du « Supérieur » n’ont pas de soucis à se faire pour leurs maintiens…

Emmanuel Macron a donc été de nouveau, et « en même temps », celui qui trace la stratégie (sa main, à plusieurs reprises donnait un cap…) et un  « premier ministre-bis » qui gère et gouverne… Même s’il a, plusieurs fois, précisé : « Je ne détaille pas… Le gouvernement, les ministres, le feront ». En d’autres termes : « J’ai décidé, ils et elles exécuteront ». Ou, dans une autre formulation : « Gabriel ?... Tu vois ça ? Tu règles ça ? Tu t’en charges ? Ou si ce n’est pas toi, tu demandes à une ou à de tes ministres de le faire »… Le Président est même allé jusqu’à évoquer le discours de politique générale du premier ministre, non pas pour en dévoiler la teneur, mais au moins en rappeler l’objet : « une mise en œuvre de mes propos et de mes orientations »…

Il reste que l’on ne sait toujours rien du « grand rendez-vous avec les Français » annoncé en décembre pour janvier. Si c’était cette conférence de presse, le rendez-vous, pour ne pas être totalement manqué, n’a rien eu de vraiment « grand ». Si c’est encore à venir, cette conférence de presse n’aura pas servi à autre chose qu’à lancer la campagne électorale européenne pour la coalition présidentielle et à « déminer » quelques pétards ministériels, comme ceux qu’a allumés la ministre de l’Education nationale, de la Jeunesse et des Sports et des Jeux Olympiques et Para-Olympiques dès sa prise de fonction et dont la « raquette », pour reprendre la métaphore de l’excellent éditorialiste du journal « Sud Ouest », Benoit Lasserre, s’est révélée « bien trouée »….

« Le diable s’habille en Prada » pourrait dire Rachida Dati, il se réfugie aussi dans les détails. Emmanuel Macron le sait bien et s’est employé à les traiter ce soir. Sur ce plan il a plutôt réussi son coup.

Luc Rouban : On a eu l’impression, tant le Président est entré dans les détails de propositions ponctuelles, qu’il s’agissait d’un discours de Premier ministre, ce qui laisse en fait peu de marge de manœuvre à Gabriel Attal qui est en revanche appelé à mettre tout cela en musique et on peut lui souhaiter bien du plaisir lorsqu’il faudra s’attaquer à la simplification administrative ou, plus encore, trouver des solutions au déclassement des classes moyennes. Le seul moment vraiment politique a été la réaction présidentielle face aux questions des journalistes portant sur l’avancée du RN dans les sondages portant sur les prochaines élections européennes. En ce sens, Emmanuel Macron a donné les signes d’un véritable engagement personnel sur le terrain de la lutte contre le RN, qu’il a qualifié de « parti de l’appauvrissement ». À partir de là, on peut comprendre qu’il fasse tout pour assécher le vivier d’électeurs de LR afin de poursuivre sa stratégie habituelle consistant à réduire le débat politique à une opposition bipolaire entre lui ou son successeur et Marine Le Pen.

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