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Les voitures à hydrogènes vous feront-elles, elles, oublier les moteurs à explosion ?
©Reuters

En plein boom ?

Des patrons de grands constructeurs automobiles tels que Toyota, Honda ou BMW ont annoncé dans le cadre du forum économique mondial de Davos leur intention de lancer un plan pour développer la propulsion à l'hydrogène des voitures. Prévu sur cinq ans, les constructeurs vont injecter 1,4 milliards de dollars par ans pour avoisiner les 10 milliards de dollars.

Jean-Pierre Corniou

Jean-Pierre Corniou

Jean-Pierre Corniou est directeur général adjoint du cabinet de conseil Sia Partners. Il est l'auteur de "Liberté, égalité, mobilié" aux éditions Marie B et "1,2 milliards d’automobiles, 7 milliards de terriens, la cohabitation est-elle possible ?" (2012).

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Atlantico : De grand groupes automobiles comme Toyota, BMW ou Daimler ainsi que des pétroliers comme Shell ou Total vont lancer un plan de 10 milliards de dollars sur cinq ans pour développer la motorisation hydrogène. En quoi consiste ce plan ? Que peut-on en attendre ? Que peuvent-ils réussir dans ce délai assez resserré ?

Jean-Pierre CorniouL’hydrogène pour la mobilité n’est pas une idée neuve. Les constructeurs automobiles ont testé l’hydrogène depuis plusieurs années. BMW a fait rouler une Serie 7 avec un moteur à combustion à hydrogène. Mais la voie thermique a été abandonnée au profit de l’électrique. Honda, pionnier dans l’hydrogène, fait rouler sa Clarity depuis 2007. Toyota et Hyundai commercialisent également depuis 2015 deux véhicules dotés d’une pile à combustible à hydrogène, la Mirai et la ix35, qui se vendent de façon marginale. Ces véhicules disposent d’une autonomie de l’ordre de 600 km avec un plein dans des réservoirs sous pression qui se fait en trois minutes avec une pompe semblable à une pompe à essence. Les processus sont simples et maîtrisés, pour le moment à petite échelle, et sont facilement assimilables pour des automobilistes habitués à l’essence. L’hydrogène, qui n’existe pas à l’état naturel, doit être fabriqué - pour l’essentiel encore à partir de ressources fossiles, pétrole et gaz - stocké et distribué. De nouveaux procédés comme l’utilisation du biogaz ou l’électrolyse à partir d’énergies alternatives sont explorés pour disposer de processus de production bas carbone. C’est donc une nouvelle chaîne logistique qui doit être mise en place et nécessite des investissements importants.

Plusieurs initiatives collectives ont déjà préparé en France et en Europe le terrain pour le lancement d’un écosystème industriel complet. L’Association Française pour l’Hydrogène et les Piles à Combustible (AFHYPAC) regroupe tous les acteurs de la filière, Mobilité Hydrogène France est un consortium émanant de cette association qui est lancé en 2013 une étude sur le potentiel de l’hydrogène dans les transports en France, visant à explorer des scénarios d’équipement en station hydrogène en fonction de l’évolution des véhicules. Il faut noter qu’Air Liquide, très actif dans ces dossiers, est un des leaders mondiaux de l’hydrogène.

L’initiative annoncée à Davos le 17 janvier 2017 par treize groupes industriels de l’énergie (Total, Air Liquide, Shell, Engie, Linde, Kawasaki, Anglo-American) et du transport (Alstom, Honda, Daimler, Toyota, Hyundai, BMW) s’inscrit donc dans la continuité d’une longue série de travaux en Europe et en Asie qui ont familiarisé les acteurs industriels aux enjeux de la filière. Elle vise d’une part à sensibiliser les pouvoirs publics sur le plan international et d’autre part à accélérer les travaux pour rendre la filière compétititive et visible, l’objectif étant la baisse du coût de production de l’hydrogène et l’utilisation d’énergies renouvelables. Un "Conseil de l’hydrogène" servira de catalyseur pour le déploiement de ces politiques. 

Est-ce que cette technologie permettra de répondre à l'échec des voitures hybrides et des voitures électriques ?

Parler d’échec pour les véhicules électriques et les véhicules hybrides est excessif. On peut reconnaître que les prévisions de vente lancées, sans référence, en 2010 tenaient plus du volontarisme confiant que de la prévision raisonnée. Début 2017, on constate que dans les trois grands marchés mondiaux – Chine, Etats-Unis, Europe – le véhicule électrique inexistant en 2010 représente aujourd’hui un flux réel et croissant de l’ordre de 1% du marché des véhicules neufs. Il y a eu plusieurs facteurs limitants qui se sont opposés à un développement plus rapide d’une technologie nouvelle qui change les habitudes des automobilistes. D’une part l’autonomie des premiers véhicules électriques ne dépassait pas 200 kilomètres. Mais surtout les pratiques de recharge, la disponibilité des bornes, la valeur de revente, la tenue dans le temps des batteries représentaient beaucoup d’inconnues intimidantes. Avec quelques années de pratiques, un parc installé croissant et des services comme Autolib qui familiarisent les automobilistes avec le véhicule électrique, beaucoup de doutes sont levés. Mais surtout les constructeurs et leurs partenaires producteurs de batteries sont parvenus en 2016 à doubler l’autonomie des véhicules pour atteindre désormais de façon courante 400 km. Seul le véhicule électrique " pur " dépend entièrement de la capacité des batteries qu’il emporte pour son déplacement.

Les autres véhicules électriques disposent d’un moteur thermique leur permettant de circuler après épuisement de leurs batteries (prolongateur d’autonomie, hybride rechargeable) et/ou de recharger leurs batteries en exploitant simultanément leur moteur électrique et leur moteur thermique (hybride).

La voiture à hydrogène est une voiture électrique qui produit son électricité à bord sans lourdes batteries. Elle a les mêmes avantages en termes de qualité de conduite et d’absence de rejets que les autres véhicules électriques. C’est donc une offre large de nouveaux types de motorisations qui est proposée à un public accoutumé depuis 110 ans à la domination absolue du moteur à explosion, dont la souplesse permette de proposer un seul type de motorisation offrant une très large capacité d’usage. Or, dans le monde électrique, chaque solution dispose de propriétés intéressantes et le marché pourra arbitrer au sein d’une gamme de solutions dont, au fil du temps, les mérites propres s’affineront. Il est ainsi admis que la pile à combustible à hydrogène présente des avantages pour les flottes captives (taxis, logistique interurbaine, véhicules industriels, autocars…).

Comment expliquer que l'industrie automobile qui cherche à innover, ce soit l'hybride, l'électrique ou maintenant l'hydrogène ne parvienne pas à présenter une alternative fiable à la combustion ? Quel serait l'horizon pour voir des voitures alternatives par leur propulsion aussi efficientes mais aussi aussi pratiques que les moteurs à combustion pour l'usager ? 

Il n’y a malheureusement pas de miracle énergétique en automobile. Pour transporter une masse de 1,5 t à 100 km/h, il faudra toujours de l’énergie. Et depuis dix ans, les constructeurs automobiles sont parfaitement conscients de la nécessité de faire des progrès à la fois sur le poids, la puissance, les motorisations pour réduire les consommations et, par là même, abaisser les émissions de gaz à effet de serre (C02), de gaz polluants et de particules. Les progrès des véhicules neufs sont en effet très sensibles. La production moyenne de CO2 par kilomètre en Europe qui s’élevait, pour les voitures vendues en 2012 à 132 g est passée à 118 g en 2016. L’Allemagne, pays des grosses cylindrées, est passée de 147 g en 2012 à 126 g quatre ans plus tard. Or ces résultats restent insuffisants. Pour l’Agence Internationale de l’Energie, dans un scénario dit 450 ppm de CO2 dans l’atmosphère (nous avons atteint aujourd’hui 400 ppm) limitant à 2°C l’élévation de température sur la terre, il serait impératif de réduire les émissions moyennes des voitures européennes à 80 g CO2/km en 2020 et 60 g CO2/km en 2025. Ces objectifs illustrent parfaitement l’effort qui devrait être fait, compte tenu de l’ancienneté du parc existant, et la complexité du dossier.

La production en grande série de véhicules électriques est récente. Le marché tarde à réagir mais face à une offre désormais riche, et avec un niveau d’aide de l’Etat significatif, partout dans le monde, la progression des véhicules électriques dépendra de l’autonomie, de l’attractivité prix, de la densité du réseau de bornes et de la familiarité avec les produits. En effet il existe plusieurs classes de véhicules électriques.

- le véhicule tout électrique (VE)

- le véhicule hybride (VH)

- le véhicule électrique rechargeable (VHR)

- le véhicule hybride rechargeable à prolongateur d’autonomie (VHRPA)

Les données de 2016 sur le marché français montrent une stabilité des véhicules alternatifs face à l’essence et au diesel, lui-même en fort recul. 27000 voitures particulières électriques ont été immatriculées soit 1,1% du marché. La Renault ZOE est en tête de ce marché avec 11400 immatriculations, alors que les nouvelles batteries ne feront leur apparition que début 2017. Si les voitures électriques progressent de 26 % par rapport à 2015, les hybrides, avec 58000 immatriculations, reculent par rapport à 2015 de 5,2% alors que les hybrides rechargeables font une percée significative sur un marché très réduit de 7428 véhicules. Les utilitaires électriques se sont vendus à 5556 exemplaires, soit 1,35% du marché. Toutefois les motorisations alternatives, cumulées, restent stables à 4% du marché.

Aussi, le rapport du World Energy Forum, E-Mobility, publié en 2016, insiste sur l’insuffisance du rythme actuel des mesures prises par l’industrie pour respecter les normes qui ont été définies par les pouvoirs publics. Le prolongement actuel des tendances met en évidence un écart significatif que seule une accélération forte de la diffusion des véhicules électriques dans les trois marchés leaders - Chine, Etats-Unis, Europe, qui représentent 91% de la demande mondiale de véhicules électriques - permettrait de résorber. C’est donc la mise en service de 7,6 millions de véhicules électriques additionnels dans ces trois ensembles géographiques, dont 5,3 millions en Chine, qui serait nécessaire d’ici 2020 sans que cet effort ne conduise à augmenter la part du VE dans la consommation électrique globale au-delà de 0,5%.

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