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Les trois conditions  pour que la France de Macron prenne le leadership de l’Union européenne
©Reuters

Atlantico Business

La séquence politique que nous venons de vivre autour de ce 14 juillet peut contribuer à renforcer le poids de la France en Europe, au moins sur le plan politique. Mais cette séquence ne suffira pas pour assurer le leadership.

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

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La stratégie d’Emmanuel Macron est fondée sur la restauration de l’Union européenne. Ce que le président propose est certes ambitieux, mais cohérent. Sauf que la France ne répond pas encore et tout à fait aux conditions nécessaires pour accéder à ce type de statut.

Emmanuel Macron sort d’une séquence internationale très renforcé dans son autorité et sa crédibilité. Pourtant, la semaine précédente avait été abimée par un cafouillage fiscal et budgétaire. Cela nous a montré à quel point il s’était mal préparé à gérer ses promesses de campagne une fois qu’il s’est retrouvé confronté à la réalité domestique et budgétaire. Il lui a fallu tout à la fois recadrer son Premier ministre, remettre en place le ministre de l'Economie, redéfinir des objectifs fiscaux et procéder à des arbitrages budgétaires qui ne pouvaient pas être approuvés par tout le monde.

Ce cafouillage, ces rétropédalages, ne pouvaient que déplaire à l’opposition qui a pu donner de la voix. Emmanuel Macron a laissé percer sa fragilité.

La séquence qui s’achève en cette fin de semaine lui a sans doute permis de regagner de la place et de revaloriser son capital politique. Il y a peu d’exemple dans l’Histoire de la Ve République, d’un président aussi prompt à se forger une image et un rôle sur la scène internationale et d’y hisser tout le pays pour qu'il en profite.

De sa participation au G7, puis au G20, de son invitation à Versailles pour Vladimir Poutine à celle fastueuse de Donald Trump à l’occasion des fêtes du 14 juillet, sans oublier les voyages à l’étranger, la cérémonie d’hommage à Simone Veil, ou celle de Nice à la mémoire des victimes de l’attentat d’il y a tout juste un an. On citera aussi l’inauguration de la Station F à la gloire des startups, le conseil des ministres franco-allemand qui s’est tenuà Paris le 13 juillet...etc

Cet enchainement d’évènements a donné le spectacle à l’échelle internationale d’un président jeune, habité d’un dynamisme rare pour marier « l’histoire de France et un avenir scellé dans une modernité, mondialisé et technologique ». Mais le cœur de cet enchainement aura été l’importance de l’Union européenne. Le cœur et la colonne vertébrale.

Alors les grincheux, qui sont légion dans le pays, ne comprennent pas bien ce qui se passe. Les représentant de courants de pensée allergiques à la culture mondialisée, accrochés à l'étatisme et au souverainisme ne comprennent pas ce qu’est devenu ce pays, qui était très antieuropéen, très recroquevillé sur ses problèmes d ‘identité, très rancunier de sa puissance étatique perdue.

Comment ce pays a pu porter à sa tête celui des candidats, d’abord le moins connu, mais aussi le plus technocrate, le plus pro business et le plus engagé dans la décence de l’Union européenne. Bref, celui qui représentait le plus le système.Pour beaucoup de français, ce qui est encore plusincompréhensible, c’est que ce présidentréussisseà mettre en œuvre ce qu‘il avait annoncé dans sa campagneprésidentielle. Pas très habituel !

Tout se passe comme si l’objectif du présidentétait de redonner à la France un rôle de leader de la communauté européenne.

Le rôle que ce pays a eu au XVIIIesiècle, un siècle des Lumières qui a accouché des idéeslibérales et qui les a exportées partout dans le monde et principalement aux Etats-Unis.

Tout se passe aussi comme si son objectif était de restaurer la puissance économique que la France a un peu raté au XIXèmesiècle.Larévolution industrielle a d’abord eu lieu en Grande-Bretagne. Il a fallu l’autorité et le crédit de Napoléon III pour ramener cette révolution industrielle en France.

Aujourd’hui, la France endormie depuis plus de 20 ans peut retrouver son leadership au niveau de l’Europe à trois conditions.

La première, c’est de redonner à l’image de la France sa place dans le monde.Et on voit bien qu’Emmanuel Macron est obsédé par cette présencerégalienne. Quand il reçoit Poutine à Versailles et qu’il convie Donald Trump à la tour Eiffel une veille de 14 juillet, ça n‘est pas, par amitié personnelle avec ces personnages. Il ne doit guère en avoir. Poutine comme Trump ne sont pas spécialement habités par les valeurs de la culture française. C’est par pragmatisme, par réalisme et par intérêt économique.

Le monde entier a du coup les yeux braqués sur la France et sur Paris.Quant au peuple français, celui qui a voté Macron et celui qui s’est abstenu, il sait que la France existe. Il faudra, sur la longueur tenir son rang et respecter les responsabilités qu'un tel rang donne dans le jeu international ;

L’absence de la Grande-Bretagne, son incapacité à gérer son Brexit et son impossibilité de trouver un plan B pour se situer dans le jeu international, va nous faciliter la tâche.

La deuxième condition va être de profiter de la conjoncture internationale. L’économie mondiale est plutôt bien orientée. L’économie du Royaume-Uni est certes flageolante, celle des Etats-Unis et de la Chine sont en voie de ralentissement, mais la zone euro collectionne les bonnes nouvelles. Le crédit pas cher, les flux de financements soutiennent l’activité et la création d’emplois partout en Europe. La confiance des consommateurs est revenue et les pays les plus abimés par la crise ont restauré leurs équilibrefinanciers. L’Espagne, l’Italie et la Grèce ont fait des travaux de réformes considérables qui commencent à porter leurs fruits.

Quant à l‘Allemagne, elle s’oriente lentement mais surement vers un modèle économique moins rigoureux. La consommation et l’investissement intérieurs vont se relâcher après les élections, si Mme Merkel est réélue ce qui est plus que probable. Les allemands sont murés pour comprendre que si l’Europe a besoin des garanties allemandes, l’Allemagne a besoin de ses partenaires. Comme un banquier qui a intérêt à maintenir en vie ses clients les plus endettés, l’Allemagne a besoin que les autres pays de l’Union européenne ne tombent pas d‘anorexie. Ce risque-là est écarté et la France doit tout faire pour qu‘il ne revienne pas.

La troisième condition est donc que la France ne pourra pas être le seul pays en Europe à ne pas faire les réformes de structures qu'on a exigées des autres. Si la France veut garder son statut et son leadership, elle doit être exemplaire sur la gestion budgétaire et sur ses indices de performance compétitive. Elle doit retrouver sa puissance économique.

Ça n‘est pas par hasard si le partenaire privilégié d’Emmanuel Macron reste Angela Merkel. Il a besoin de sa garantie comme un chef d’entreprise a besoin d‘une relation de confiance avec sa banque. Mais il a aussi besoin de mériter cette confiance. D’où la loi travail, d’où la réforme des retraites, du chômage et de la protection santé.

Tout est lié. La présence internationale donne du crédit, mais le comportement européen permet de financer de crédit.

Maintenant, la question est de savoir si tous les corps intermédiaires français vont accepter d’abandonner une grande partie de leurs privilèges et se transformer en contre pouvoir constructif, un peu comme dans la plupart des pays de l’Europe du nord.

C’est un pari. Les jeux ne sont pas faits mais les dés sont jetés. 

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