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Les secrets de la qualification de Jean Lassalle à la présidentielle (et ce que ça peut lui laisser espérer)
©AFP

L'hymne de nos campagnes

Alors qu’il ne pouvait s’appuyer sur aucune formation politique, Jean Lassalle a créé l'une des surprises de cette campagne en réunissant assez de parrainages pour nourrir au premier tour de l’élection présidentielle. Le député a su s'appuyer sur le soutien de plusieurs maires de zones rurales, qui ont été convaincus par le message qu'il incarne.

Jérôme Fourquet

Jérôme Fourquet

Jérôme Fourquet est directeur du Département opinion publique à l’Ifop.

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En remplissant les conditions pour pouvoir être candidat à l’élection présidentielle, Jean Lassalle a créé l’une des surprises de cette campagne. En effet, alors qu’il ne pouvait s’appuyer sur aucune formation politique, le député de la 4ème circonscription des Pyrénées-Atlantiques a rassemblé 708 parrainages, contre 707 pour Nicolas Dupont-Aignan, qui a déjà été candidat en 2012. Du fait de cette absence de soutien d’un appareil, ce ne sont ni les parlementaires, ni les conseillers régionaux ou départementaux, mais les maires qui ont accordé leur paraphe au Béarnais. Pas moins de 660 d’entre eux l’ont soutenu alors que Jean-Luc Mélenchon n’a été parrainé que par 616 premiers édiles et Benoît Hamon par 916. La mobilisation des maires en faveur de Jean Lassalle est donc du même ordre que celles qui ont eu lieu à gauche et le message qu’il a porté et incarné a résonné chez de nombreux maires ruraux.

1/ Un soutien des maires des plus petites communes

L’analyse des profils des parraineurs montre que ce sont principalement les maires des plus petites communes qui ont été sensibles à sa démarche. Comme l’indique le tableau suivant, alors que les maires des communes de moins de 200 habitants ne représentent que 24% des maires ayant parrainé un candidat, cette strate a fourni 39% des soutiens à Jean Lassalle. De la même façon, les maires ayant parrainé le député pyrénéen sont, dans 34% des cas, élus dans des villages de 200 à 500 habitants alors que cette catégorie ne représente que 14% des maires ayant parrainé un candidat. A l’inverse, les maires de communes de plus de 2000 habitants, souvent membres ou proches d’un parti politique, sont très clairement sous-représentés parmi les soutiens de Jean Lassalle (4% contre 16% de l’ensemble des maires ayant parrainé un candidat).

La mise en avant de thèmes comme la défense des services publics en zone rurale, l’opposition au renforcement des prérogatives des intercommunalités au détriment des communes et la remise en cause d’une logique comptable et financière imposant ses choix en matière d’aménagement du territoire a permis à Jean Lassalle de trouver des relais parmi les maires des petites communes à l’instar de ce qu’avait réussi à faire Jean Saint-Josse lors de l’élection présidentielle de 2002. Mais le candidat de Chasse Pêche Nature et Traditions à l’époque n’avait pas uniquement capitalisé sur un discours de défense de la ruralité, il avait aussi pu compter sur le très large maillage des associations de chasseurs, réseau très précieux qui n’a pas été actionné cette année par Jean Lassalle, ce qui rend sa performance de rassembler plus de 700 parrainages d’autant plus impressionnante.

2/Le candidat de la France d’Oc et des campagnes

Si en se posant en défenseur d’une ruralité en difficulté Jean Lassalle a su convaincre de nombreux maires de petites communes de lui accorder leur paraphe, l’écho de sa candidature n’a pas résonné avec la même intensité dans toutes les campagnes de France. Comme on peut le voir sur la carte suivante, bon nombre de ses signatures proviennent d’abord de son département des Pyrénées-Atlantiques (71 maires de ce département ont signé pour lui) et notamment de son fief de la 4ème circonscription, où il est très implanté. Il est maire depuis 1977 de la petite commune de Lourdios-Ichère, où il est né, et il a présidé pendant 10 ans l’association départementale des maires des Pyrénées-Atlantiques, ce qui lui a permis de nouer de très nombreux liens avec les maires de son territoire. 

On relève également un nombre de parrainages significatif dans les départements limitrophes comme le Gers (21 signatures de maires) ou les Hautes-Pyrénées (21 paraphes également, mais les autres départements pyrénéens, plus éloignés, comme l’Ariège ou les Pyrénées-Orientales se sont moins mobilisés). Hormis cet effet de fief, on distingue un meilleur écho dans les départements situés au sud de la Loire, comme si l’image de député au béret et à l’accent chantant avait davantage parlé à la France de la langue d’Oc qu’à celle de la langue d’Oïl.

Quand on affine l’analyse, on constate que ce sont plutôt des communes de montagne ou de moyenne montagne qui ont d’abord apporté leur soutien. C’est le cas par exemple dans l’Aveyron, en Corrèze, dans les Hautes-Alpes, dans la Loire, dans le Livradois-Forez (est du Puy-de-Dôme d’où proviennent 17 signatures) ou bien encore dans le Jura (département qui a fourni 23 parrainages). Là aussi, une certaine proximité entre le vécu des maires de ces terroirs montagneux excentrés et les problématiques portées par Jean Lassalle a sans doute fonctionné. On rappellera ainsi que le député a présidé une association fédérant des élus de montagne et qu’il avait par ailleurs mené une grève de la faim pour s’opposer au départ d’une usine d’une des vallées de sa circonscription.

Après ce coup d’éclat, qui fit beaucoup pour sa notoriété au plan national, comme lorsqu’il interpella en juin 2003 Nicolas Sarkozy, alors ministre de l’Intérieur, en chantant en béarnais dans l’hémicycle pour demander le maintien d’une gendarmerie dans une commune de sa circonscription, le député s’est lancé dans un tour de France à pied. Entre le 10 avril et le 11 décembre 2013, il a parcouru près de 5000 kilomètres pour aller à la rencontre des Français et faire remonter leurs doléances qu’il a consignées dans des carnets de voyage. Au cours de ce périple, il a fait de nombreuses haltes un peu partout en France au cours desquelles il a échangé avec la population. Pour autant, la carte suivante indique que, d’une manière générale, les parrainages n’émanent pas en priorité des territoires qu’il a traversés. En effet, on n’observe pas de correspondance entre les zones de recrutement des parraineurs et le trajet suivi par le député marcheur à quelques exceptions près. 

C’est le cas notamment dans un département comme la Loire qu’il a traversé. La forte densité de signatures (37 maires au total dans ce seul département) s’explique sans doute par les liens que Jean Lassalle a su y tisser. Il s’est rendu deux fois dans ce département, où il a organisé deux réunions publiques. Il a notamment bénéficié du soutien de Jean Bartholin, conseiller départemental du canton de Renaison, canton dans lequel plusieurs maires ont signé pour lui. On retrouve le même phénomène dans le département voisin du Puy-de-Dôme, où il fit étape dans le canton d’Ambert, dont le conseiller départemental est Michel Sauvade. Ce dernier, élu du Modem, est un ami de Jean Lassalle dont il a sans doute fait la promotion dans son canton dont plusieurs communes (Arlanc, Doranges, Saint-Sauveur-La-Sagne notamment) ont vu leur maire parrainer Jean Lassalle. Dans d’autres territoires, comme par exemple dans le nord de la Gironde, la sensibilité centriste a été l’un des ressorts de l’engagement de certains élus locaux. Cela a également été le cas pour Jean Hingray, maire centriste de Remiremont dans les Vosges. En le parrainant, l’édile vosgien a aussi exprimé sa reconnaissance à Jean Lassalle, qui était venu le soutenir dans son combat contre la fermeture de la maternité de Remiremont.  

Si Jean Lassalle a su fédérer de nombreux soutiens chez les maires ruraux, qu’en sera-t-il des électeurs ? En 2002, dans un scrutin où les candidats des grandes formations politiques avaient déjà à l’époque peiné à convaincre les électeurs, Jean Saint-Josse, originaire lui aussi des Pyrénées-Atlantiques et défenseur de la ruralité, avait atteint 4% des voix et réuni sur son nom 1,2 million suffrages. Alors que la désaffection vis-à-vis des responsables politiques est aujourd’hui encore très répandue et que les habitants des campagnes se sentent délaissés, Jean Lassalle espère trouver un écho dans la ruralité. Mais depuis 2002, la dynamique frontiste s’est considérablement renforcée dans cet espace électoral et contrairement à Jean Saint-Josse, le député béarnais ne bénéficiera pas de la mobilisation du monde de la chasse, pourvoyeur de relais fournis dans bien des zones rurales.  

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