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Les scientifiques découvrent un système de défense nasal jamais vu auparavant contre les germes et c’est aussi puissant qu’un antibiotique
©PIERRE ANDRIEU / AFP

C'est une péninsule !

Le nez est un organe très efficace pour lutter contre les intrus. Une découverte du Massachussets Eye and Ear Teaching Hospital montre qu'il a même un système de défense très efficace. Un mécanisme de protection qui devrait permettre d'améliorer nos défenses contre les germes.

Stéphane Gayet

Stéphane Gayet

Stéphane Gayet est médecin des hôpitaux au CHU (Hôpitaux universitaires) de Strasbourg, chargé d'enseignement à l'Université de Strasbourg et conférencier.

 

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Atlantico : Quelle est la nature de la découverte faite par les scientifiques du Massachusetts Eye and Ear Teaching Hospital ?

Stéphane Gayet : Chacune de nos quelques dizaines de billions de cellules est une usine chimique impressionnante par la densité et la rapidité de son activité biochimique. A l’intérieur du cytoplasme se trouvent de très nombreuses vésicules qui sont des endosomes. Elles sont de petite taille et limitées par une simple membrane. Elles jouent le rôle de réservoirs et de transporteurs. On y trouve des messages, des enzymes ainsi que d’autres molécules utiles au métabolisme énergétique. Les lysosomes sont des endosomes qui contiennent des enzymes hydrolytiques (protéines qui dégradent certaines molécules par hydrolyse) actives à pH acide et servant à dégrader les particules ingérées par la cellule : elles font partie en quelque sorte de l’appareil digestif de la cellule.

En cas de besoin, les endosomes peuvent aller au contact direct de la membrane cellulaire (membrane cytoplasmique) et bourgeonner à travers elle vers l’extérieur de la cellule par un phénomène d’exocytose. Ils deviennent des exosomes. On connaît les exosomes depuis 1983. Ils sont particulièrement étudiés dans le développement des cancers. On sait bien que la lutte contre le développement d’un cancer dans le corps fait intervenir le système immunitaire. Ces exosomes sont donc des véhicules ou transporteurs de diverses substances. En règle générale, un exosome produit par une cellule A doit fusionner avec une cellule B pour lui transmettre son contenu (endocytose), de telle sorte que ce contenu ne soit pas libéré dans le milieu. C’est donc un transport que l’on peut qualifier de discret et sécurisé.

Certains exosomes jouent un rôle important dans la lutte contre le cancer grâce aux messages immunitaires qu’ils diffusent aux autres cellules. On étudie beaucoup les exosomes produits par les cellules dendritiques (des cellules immunitaires des tissus) qui contiennent des messages fort utiles pour lutter contre un cancer. Toutefois, les cellules graisseuses (adipocytes) qui entourent un cancer produisent des exosomes énergétiques que les cellules cancéreuses absorbent et utilisent de façon avantageuse car ils les aident à proliférer. C’est l’une des raisons pour lesquelles l’excès de poids et spécialement l’obésité favorisent le développement rapide des cancers.

En dehors de la lutte contre la formation de cancers, les exosomes interviennent beaucoup dans la lutte contre les agents infectieux, particulièrement les bactéries pathogènes. En cas d’infection bactérienne, les cellules – principalement celles qui sont impliquées dans l’immunité : globules blancs tissulaires particulièrement – agressées produisent une énorme quantité d’exosomes chargés d’enzymes. En particulier, le lysozyme est une enzyme produite par les granulocytes (globules blancs granuleux) et les monocytes (autres globules blancs) de la salive, du mucus nasal, des larmes et des sérosités en général. Il a une forte capacité d’hydrolyser les glycoprotéines de la membrane des bactéries.

Les scientifiques du Massachusetts Eye and Ear Teaching Hospital ont montré qu’en cas d’introduction d’agents infectieux dans les narines, la muqueuse des narines était extrêmement réactive et produisait rapidement – dans les cinq minutes - une forte quantité d’exosomes ayant diverses fonctions.

En quoi est-ce une nouveauté et pourquoi arrive-t-elle seulement maintenant ?

Certains exosomes contiennent des enzymes ayant une puissante action antibactérienne. Ces exosomes enzymatiques préparent la destruction des bactéries pathogènes en dégradant leur membrane plasmique. Cette préparation s’effectue pendant que ces bactéries progressent vers les fosses nasales et le rhinopharynx où leur destruction va se parachever. Les bactéries mortes ou mourantes seront ensuite dégluties pour être complètement détruites dans l’estomac et l’intestin. Et durant ces étapes, les antigènes bactériens sont analysés et mémorisés.
De plus, certains exosomes narinaires contiennent des messages destinés aux cellules nasales non encore atteintes par l’infection, de façon à ce qu’elles anticipent l’arrivée possible des bactéries. Ils sont secondés par de minuscules cils de la muqueuse narinaire qui font remonter les bactéries vers les fosses nasales, au lieu de les repousser vers l’extérieur comme les cils habituels qui sont plus gros. On voit là l’intérêt d’éviter d’irriter ses narines pour les maintenir en bon état.

Ce qui a étonné cette équipe de chercheurs, c’est la rapidité et l’intensité de la production d’exosomes enzymatiques ainsi que la puissance d’action des enzymes qu’ils renferment vis-à-vis des bactéries. Et c’est aussi ce mécanisme d’endocytose efficace (fusionnement), qui leur a donné l’idée d’utiliser le principe des exosomes pour administrer certains médicaments. C’est encore le fait qu’il existe dans les narines – donc juste à l’entrée du corps – un tel dispositif aussi efficace d’attaque des bactéries et de diffusion de messages à l’attention des cellules nasales et pharyngées.
A dire vrai, on ne s’était jamais beaucoup penché sur le rôle des narines, de simples orifices de l’inspiration, mais en réalité des avant-postes de défense remarquablement équipés et efficaces.

L'un des médecins chargés de l'étude déclare que ces exosomes sont aussi efficaces pour éliminer les bactérie qu'un antibiotique. Quelles opportunités médicales cela ouvre-t-il ?

Ces exosomes enzymatiques ne sont que des transporteurs d’enzymes hydrolytiques antibactériennes. Le principe n’est pas nouveau et le mode d’action de telles enzymes est fort différent de celui des antibiotiques. Mais cette étude incite à étudier davantage les enzymes antibactériennes produites par nos cellules de défense immunitaire.
Ce regain d’intérêt pour les exosomes enzymatiques et leurs précurseurs intracellulaires, les lysosomes, a été l’occasion de s’intéresser à des lysosomes animaux. C’est ainsi que l’on a découvert des lysosomes - et exosomes - chez le lama et chez le chameau contenant des molécules ayant une action antivirale intéressante vis-à-vis du virus grippal.

Mais il n’y a pas que la fonction enzymatique qui est intéressante avec ces exosomes anti-infectieux, il y a également celle d’envoi de messages à destination des cellules encore saines. On connaît déjà bien sûr le principe de ces messages, avec le système de l’interféron notamment (infections virales), mais c’est ici dans le cas des narines un dispositif dont l’efficacité a surpris les chercheurs.

L’originalité de cette étude est d’avoir étudié une muqueuse orificielle, ce qui n’est pas habituel. C’est comme si l’on avait étudié la muqueuse des lèvres et gencives antérieures, celle de l’anus ou encore celle du méat urétral. La découverte de cet avant-poste de défense efficace doit nous inciter à prendre le plus grand soin de nos muqueuses orificielles. C’est un nouvel argument en faveur de celles et ceux qui considèrent que notre corps est parfaitement équipé pour lutter contre l’infection, à condition qu’on le maintienne en bonne santé.

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