Les réponses d’Alain Juppé aux propositions de la Fondation Concorde pour redresser la France<!-- --> | Atlantico.fr
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Alain Juppé a fait son mea culpa sur sa gestion de l'ISF.
Alain Juppé a fait son mea culpa sur sa gestion de l'ISF.
©Reuters

Mea culpa

Invité à s'exprimer dans le cadre d'une conférence organisée par la Fondation Concorde le 17 septembre, Alain Juppé a fait son mea culpa sur sa gestion de l'ISF lorsqu'il était Premier ministre. Compte rendu du débat.

Fondation Concorde

Fondation Concorde

La Fondation Concorde est un think tank français fondé en 1997, présidé par Michel Rousseau (professeur associé à l'Université Paris-Dauphine). Tournée prioritairement vers les TPE/PME et l’industrie, elle a pour préoccupation permanente la compétitivité des entreprises et l'entrepreneuriat, tout en exigeant un Etat allégé et la réduction de la dépense publique.

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1. Réduire la dépense publique : un défi de méthode et d’organisation

La Fondation Concorde s’interroge, nos dirigeants auront-ils le courage d’engager ces efforts pour rééquilibrer notre société et notre économie ?
Alexandre Vesperini, conseiller de Paris

"Il faut réduire la dépense publique" reconnait immédiatement M. Juppé, décrivant les réformes nécessaires comme infaisables si effectuées avec un recours au déficit. Appelant à agir sur toutes les formes de dépenses, à commencer par les retraites (et l’allongement nécessaire de la durée de cotisation) mais en conservant une certaine flexibilité, notamment dans la politique de soutien à la famille, il revient au législateur d’examiner au cas par cas les postes de dépense. Au niveau de l’assurance maladie, M. Juppé souhaite encourager l’innovation en ouvrant les marges de manœuvre via la chirurgie ambulatoire et la transformation des modes de la médecine libérale (plus collective). Sur les dépenses locales, M. Juppé reconnait que le secteur est potentiellement très porteur d’économies en cherchant les synergies entre départements et régions tout en dénonçant le "fantasme" que l’Etat puisse faire des coupes valables dans les dépenses de fonctionnement des collectivités locales. La réduction nécessaire des budgets d’investissements des collectivités ne pourra enfin se faire de façon satisfaisante que si elle ne s’accompagne pas en parallèle d’un transfert de nouveaux postes de dépenses vers lesdites collectivités.

2. Reconstruire notre industrie, un impératif national – Un programme de 20 ans en faveur du secteur exposé à la concurrence internationale

Pensez-vous possible de mettre en place un programme de 20 ans pour replacer notre pays au cœur de la compétition mondiale ? De substituer aux programmes actuels d’aide aux emplois les moins payés une vraie stratégie économique de croissance et de négocier avec l’Europe quelques-unes de ces mesures pour le redressement du pays ?
Michel Rousseau, président de la Fondation Concorde


Pour M. Juppé, une stratégie de 20 est non seulement souhaitable mais nécessaire. D’après lui, la situation de notre industrie n’est en effet pas seulement "préoccupante", mais bel et bien "grave". Confrontée à un grave déficit de compétitivité tant avec nos voisins européens qu’avec le monde, il s’agit de s’interroger sur l’efficacité réelle des réformes effectuées ces dernières années tout en mettant en place une véritable stratégie de l’investissement public car, bien que libéral assumé, M. Juppé appelle à "la reconnaissance du rôle crucial de l’Etat". En se concentrant en premier lieu sur la baisse des charges et l’allongement de la durée du travail, il appelle à des mesures claires et immédiates du législateur encourageant l’investissement dans un secteur bel et bien en crise.

3. Une fiscalité du capital adaptée à la concurrence européenne et mondiale : supprimer l’ISF, la blessure grave de notre économie

Seriez-vous prêt à supprimer l’ISF, comme les autres pays dans une Europe qui prône la libre circulation des hommes et des capitaux et faire ainsi un cadeau à la jeunesse ?!
Jennifer Pizzicara, secrétaire générale de la Fondation Concorde


Faisant son "mea-culpa" sur sa "funeste" gestion de la suppression du "plafonnement" de l’ISF en 1995, Alain Juppé appelle aujourd’hui à "l’alignement" de la fiscalité française sur la fortune sur l’Allemagne, suspendant de facto cet impôt. En taxant les revenus, les dividendes, la transmission, les plus-values et la détention du capital, la France est le seul pays d’Europe à défendre une combinaison d’impôts sur cette richesse, mettant le pays dans une situation très délicate vis-à-vis des entrepreneurs et des investisseurs.

4. Pour un principe de mobilité au sein du droit du travail

Si le consensus au sujet de la nécessaire réforme du droit du travail est presque partagé, quel sens cette formule revêt-elle pour vous et par quel moyen juridique y parvenir ?
Emmanuelle Barbara, avocat, membre du Conseil d’administration de la Fondation Concorde

"Il faut absolument simplifier le code du travail". Reconnaissant l’incompatibilité de la rigidité du code du travail actuel avec la flexibilité requise de toute entreprise recherchant la compétitivité, M. Juppé dénonce à la fois un problème de législation tant que de jurisprudence. Aujourd’hui dénonce-t-il, les contraintes trop nombreuses du CDI sont contournées – en bien ou en mal – par des CDD plus maniables pour les employeurs. Appelant à se rapprocher du terrain et de ses réalités, M. Juppé invite les législateurs à se concerter avec les travailleurs et les entreprises pour refonder le code du travail au mieux, tout en dénonçant le manque de volonté de dialogue de certaines organisations syndicales.

5. Sortir du paritarisme qui bloque l’économie française

Pour vraiment réformer le système social français, le pouvoir politique ne devrait-il pas renoncer au mirage du dialogue social interprofessionnel et assumer pleinement ses responsabilités, à l'instar des grandes réformes engagées par l'Etat dans des pays pourtant à forte tradition sociale-démocrate, comme la Suède dans les années 90 ou l'Allemagne au début des années 2000 ?
Jean-Charles Simon, chef d’entreprise


Commençant par déclarer que "les institutions paritaires ne sont pas si mal gérées", M. Juppé rechigne à dénoncer le système des grandes conférences sociales tout en réitérant son appel à dialoguer avec "les organisations syndicales réformistes". L’assimilant à une "régression", le renoncement au paritarisme serait pour M. Juppé un mauvais diagnostic du mal social, basé davantage selon lui sur le fort taux de chômage. Il s’agirait donc en premier lieu "d’améliorer" le dialogue avec les institutions syndicales avant de penser à les ignorer.

6. Education nationale – gestion locale

Si nous voulons sauver notre système éducatif, ne serait-il pas temps d'en finir avec un égalitarisme de façade qui aboutit à renforcer les disparités ? Seriez-vous prêt à une réforme profonde de notre système en responsabilisant les acteurs locaux, en leur donnant enfin l'autonomie nécessaire (choix des programmes, choix des professeurs) pour faire face au plus grand défi de notre pays ? Quelle serait votre méthode pour mettre fin au jacobinisme éducatif, vous qui êtes Girondin ?
Alexis Normand, chef d’entreprise


Refusant les conclusions "pessimistes" de l’OCDE sur la place de la France dans l’éducation mondiale, M. Juppé déclare que l’éducation est "le sujet primordial de la réforme en France". Actant d’un taux d’échec en licence « inacceptable » à l’université, il s’agirait pour lui de commencer par remettre en cause le collège unique en introduisant de la modulation dans les curriculums. Citant en exemple son action à Bordeaux, M. Juppé appelle à la généralisation de la numérisation des cursus à la maternelle et au primaire. Enfin, M. Juppé appelle à un dialogue national plus vaste sur la place des enseignants dans la société, s’interrogeant sur leurs faibles rémunérations.

7. Comment peser davantage à Bruxelles

Quel devrait être la politique européenne de la France ? Quelle Europe aussi voulons-nous ? Comment la France peut-elle redevenir un des moteurs politiques de l’Europe ?
Philippe Chalmin, professeur des universités, directeur des études de la Fondation Concorde


"Sans croissance" déclare M. Juppé, "la France ne retrouvera pas son influence" en Europe. Citant en exemple la nomination de M. Moscovici, condamné à être "chapeauté" par un vice-président, il prend acte de la nécessité d’une nouvelle conception du rapport de la France à celui de l’Union Européenne. Défendant l’Euro, et "déplorant" les mauvais résultats des partis "pro-Bruxelles" aux dernières élections, M. Juppé appelle à revenir "à l’essentiel" en "arrêtant la production de normes sans fin". En parallèle, il s’agirait d’harmoniser la politique fiscale entre Etats membres  tout en joignant les politiques de relance au niveau de l’ensemble des pays ayant adopté l’Euro. Prenant enfin acte de la difficulté d’obtenir l’unanimité nécessaire à ces réformes, M. Juppé appelle à la construction d’une Europe "à la carte".

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