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Les ravages sous-estimés du porno sur une génération de très jeunes garçons
©Reuters

Sex Addict ?

La pornographie aurait sur le cerveau les mêmes effets que n'importe quelle autre substance addictive. Et les adolescents seraient plus enclins à la dépendance, la partie de leur cerveau régulant les désirs n'étant pas encore entièrement formée.

Michelle  Boiron

Michelle Boiron

Michelle Boiron est psychologue clinicienne, thérapeute de couples , sexologue diplomée du DU Sexologie de l’hôpital Necker à Paris, et membre de l’AIUS (Association interuniversitaire de sexologie). Elle est l'auteur de différents articles notamment sur le vaginisme, le rapport entre gourmandise et  sexualité, le XXIème sexe, l’addiction sexuelle, la fragilité masculine, etc. Michelle Boiron est aussi rédactrice invitée du magazine Sexualités Humaines

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Davantage exposés aux contenus pornographiques qu'auparavant, nombreux sont les adolescents à déjà avoir visionné des scènes de sodomie ou encore de zoophilie, rapporte un article du quotidien britannique le Daily Mail. Une exposition qui n'est pas sans conséquences sur leurs relations et vie futures. Selon Valérie Voon, neurologue de l'université de Cambridge, la pornographie produirait sur le cerveau les mêmes effets que n'importe quelle autre substance addictive. Le partie du cerveau régulant le désir n'étant pas encore entièrement formée à l'adolescence, les risques d'addiction sont ainsi plus élevés que chez l'adulte. A l'heure d'Internet, le porno est à portée de clic de tous les adolescents. D'où la nécessité de redoubler de vigilance. 

Atlantico : L'Ecole doit-elle reprendre le dialogue avec les enfants pour les prévenir des risques que peuvent causer la vision de contenus pornographiques sur Internet ?

Michelle Boiron : L'école est là pour la construction des enfants; elle ne peut pas se soustraire à son rôle en esquivant le sujet. La vision de contenus pornographiques est subie par l'enfant comme une effraction. Il est donc impératif d'en protéger les plus jeunes. Dès le plus jeune âge, il importe de sensibiliser les enfants au risque que leur fait courir l'accès, en deux clics, au porno sur Internet. Un enfant de trois ans sait aller sur Internet! Cela fait partie intégrante de la mission d'éducation qui est dévolue à l'école que de prévenir un tel danger. Mais l'école n'est pas la seule à être concernée. Face à l'accès trop facile au porno sur Internet, parents, média, politiques, acteurs de l'Internet : tous doivent se mobiliser. Il est urgent d'avertir les enfants des risques liés à Internet : les faux amis. On mesure combien c'est difficile puisque Internet et les réseaux sociaux font partie intégrante de leur vie, les formatent avant même l'éducation. Attention toutefois à ne pas transformer l'éducation sexuelle en un simple réseau de dangers ou d'interdictions (MST, cancer – avec le Papilloma Virus -, etc.).

Les parents se déresponsabilisent-ils en occultant le sujet ?

Encore trop de parents aujourd'hui n'osent pas aborder les questions de sexualité avec leurs enfants. Or la première protection de l'enfant contre les risques du porno sur Internet, c'est l'apprentissage du plaisir partagé, dès la naissance, par les parents. Mais expliquer ne suffit pas. Il faut tout cet échange entre les parents et l'enfant jusqu'aux premiers actes d'amour pour lui faire comprendre qu'il n'y a de véritable plaisir que partagé avec l'autre. La notion de jouissance immédiate, solitaire, programmée, est l'apanage du nourrisson et ne peut être une fin en soi. Si ces valeurs ne sont pas inculquées dans la famille, et que l'amour et le partage y sont absents, l'épanouissement sexuel de l'enfant sera compromis. 

De plus en plus de jeunes déclarent être accros aux films pornographiques. Comment traiter cette nouvelle forme de dépendance ?

L'addiction aux films pornographiques est un fléau qui est plus subtil à traiter que la drogue ou l'alcool dans la mesure où il n'y a pas d'ingestion d'un produit, consommation d'une drogue et où les effets ne sont pas visibles à l'extérieur. La nature de l'impact pour la santé est différente. Seule une thérapie de type analytique ou comportementale peut venir à bout de l'addiction. Le chemin est difficile et avec des rechutes. Mais le traitement ne peut commencer qu'avec la reconnaissance par l'addict de sa dépendance et de la perte de sa liberté de s'abstenir. Cette reconnaissance va de pair avec une perte de plaisir, une réelle souffrance et une accélération des pratiques sexuelles.


Quels impacts les addictions à la consommation du porno par les jeunes adolescents peuvent-ils avoir sur la société de demain ?

Les conséquences sont graves. Ces pratiques isolent et détruisent le lien social. Quitter l'adolescence, c'est s'investir dans la relation à l'autre. Une société se définit comme un ensemble de relations entre les individus qui la composent. Se couper de l'autre en s'enfermant dans des pratiques solitaires, c'est ne pas être reconnu  en tant qu'être social. C'est également rester dans la posture de l'immaturité. On ne devient pleinement homme ou femme que dans la rencontre avec l'autre. La relation sexuelle restent un des ciments sur lequel se bâtit une société. Qui voudrait d'une société, si ce mot a encore un sens, qui ne serait constituée que d'individus immatures adonnés à une jouissance solitaire et électronique ?

Propos recueillis par @SachaConrard

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