Les milieux d’affaires français sont plus préoccupés par la météo économique que les Allemands ou même les Italiens... <!-- --> | Atlantico.fr
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Le ministère de l'économie et des finances à Paris.
Le ministère de l'économie et des finances à Paris.
©BERTRAND GUAY / AFP

Atlantico Business

Alors que la France est sortie du Covid avec un potentiel de redressement exceptionnel, la guerre en Ukraine fragilise beaucoup plus le modèle français que celui de nos grands voisins italiens : en cause, le poids du social et la gestion politique.

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

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Plus la guerre en Ukraine se prolonge, plus les fragilités du système économique français ressortent et hypothèquent l‘avenir. Alors que nous étions sortis de la crise Covid avec un potentiel de redressement et de modernisation exceptionnel, entre la nécessité du rattrapage d’activité et celle de la transformation écologique et digitale, les entreprises ont réalisé un exercice 2021 qui a dépassé toutes les prévisions. Croissance, consommation, investissement, emploi, tous les indicateurs étaient au vert et le sont restés au 1er trimestre 2022. 

La guerre en Ukraine a cassé ce rebond et oblige désormais tous les acteurs à serrer les freins. Moins d’activité, un commerce extérieur une fois de plus abimé et surtout une inflation importée par les carburants, les matières premières agricoles et industrielles qui métastasent l'ensemble du corps social dans un pays où la colère est à fleur de peau. 

Le logiciel français comptait sur la croissance forte pour amortir la dette Covid et le fameux quoi qu’il en coute qui a permis de traverser la crise sanitaire sans trop de bobo. La crise en Ukraine rend ce logiciel beaucoup plus difficile à appliquer, parce que la France ne peut plus se permettre de financer sa dette à bas cout comme elle avait prévu de le faire. Il va donc falloir éviter ou freiner le dérapage budgétaire. 

On se retrouve un peu dans la situation que Valery Giscard d’Estaing qui avait dû gérer au lendemain de la grande crise pétrolière de 1974, en confiant la barre à celui qu’il appelait le meilleur économiste de France. C’est donc Raymond Barre qui a fait le job. 

On se retrouve aussi un peu comme dans la situation de François Mitterrand en 1982 quand il a fallu payer la facture de l’arrivée de la gauche unie au pouvoir. Fort de son autorité, il a sauvé les apparences en gardant le même Premier ministre, Pierre Mauroy, mais en l’obligeant à appliquer une politique économique complètement inverse à celle qu‘il avait promise au départ. 

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En 1974 comme en 1982, le FMI était à la porte de la maison pour surveiller le paiement de nos échéances. Nos gouvernants n’avaient pas d’autre choix que celui qu’ils ont fait. Aujourd’hui, le FMI a perdu beaucoup de ses moyens, mais c’est l’Europe qui garantit nos opérations et notamment l’Allemagne

L‘Europe n’est évidemment pas dans une santé éclatante. Si la France est sortie du Covid en meilleure posture que ses partenaires allemands, elle se retrouve beaucoup plus fragilisée par les effets de la guerre en Ukraine. L‘Allemagne est certes piégée par sa dépendance aux approvisionnements en gaz russe, mais ce faisant, elle piège l’ensemble de l’Union européenne. Pour le reste, ses fondamentaux structurels sont bien meilleurs. Son endettement public est soutenable, son excédent commercial est exemplaire, la gestion de son modèle social est responsable et son administration est moins couteuse tout en étant plus performante. L’Europe du Nord est plutôt calée sur le modèle allemand. L’Italie et l’Espagne sont paradoxalement moins vulnérables que le modèle français. 

Dans ce contexte-là, le travail du président français ne va pas être facile pendant son deuxième quinquennat.

D ‘abord, il a certes été élu très largement, mais avec une base électorale étroite puisque près de 60 % des Français ont préféré des partis ou des courants politiques protestataires, extrême droite et extrême gauche, dont le point commun est de refuser le système politique tel qu’il fonctionne et le système d’économie de marché. Il va donc se retrouver avec une majorité de députés assez large mais une opposition de la gauche unie, populaire et écologique qui ne va pas avoir d’autres objectifs que de faire de l’obstruction systématique puisque cette gauche n’a pas d’alternative crédible.

Ensuite, le nouveau gouvernement va donc être obligé de proposer une politique économique à laquelle les députés élus de la majorité n’ont pas été préparés. Il va falloir leur faire avaler les couleuvres de la rigueur comme Raymond Barre dans les années Giscard (1974) ou Pierre Mauroy et Jacques Delors à partir de 1982. Qu’ils soient de droite ou de gauche, les régimes politiques n’échappent pas au mur des réalités. La position centriste ou la culture du « en même temps » ne permettent pas de s’affranchir des contraintes 

Enfin, si le gouvernement n’aurait théoriquement pas trop de problèmes avec une majorité qui devrait être docile, il va devoir gérer la course à la succession pour l‘Élysée qui, quoi qu’on dise et quoi qu’on pense, partira au lendemain des élections législatives. La particularité de ce deuxième quinquennat est que le président Emmanuel Macron ne se représentera pas. Dans ce cas-là, ça le libère d’avoir à ménager son électorat et à consentir des concessions généralement couteuses.  Mais cette situation le met en spectateur d’une course à la succession qui ne va simplifier la gestion de affaires de l’État. Parce que chacun a sa petite ambition qui va ressortir. 

Dans l’opposition, il n‘y aura guère de surprise. Jean-Luc Mélenchon n’a pas définitivement renoncé au pouvoir et Marine Le Pen est convaincue maintenant que son heure viendra. Éric Zemmour ne se considère pas comme enterré.

A droite, on n’a évidemment pas digéré l’échec de Valérie Pécresse et le nombre de personnalités qui pensent être capables de ne pas faire plus mal s‘allonge de jour en jour. Mais c’est au sein de la majorité élue sous la bannière d’Emmanuel Macron que ça va être sportif. Tous les chefs et les sous-chefs ont réglé leur GPS politique sur l’Élysée : Édouard Philippe et François Bayrou, Manuel Valls. Et les plus jeunes. Et les plus habiles, parce qu’en fonction, et sans doute légitimes, comme Bruno Le Maire, ou les hors du jeu politique comme Thierry Breton ou Christine Lagarde ... 

Sans parler du prochain (ou prochaine) Premier ministre. La fonction de président de la République est épouvantable, mais les animaux politiques sont encore nombreux à y penser. 

Le choix que va faire Emmanuel Macron pour nommer celui ou celle qui va s’installer à Matignon va sans doute être le plus difficile et important de son mandat. C’est pour les milieux d’affaires, le choix le plus attendu par les milieux d’affaires. Le prochain Premier ministre va devoir : 

- appliquer une politique qui ne correspondra pas aux promesses électorales qui ont été faites 

-il devra faire accepter une politique douloureuse par la majorité, première condition pour démonétiser l’opposition radicale mais, en même temps, 

- il devra gérer les egos et les frustrations de tous ceux qui pensaient être à sa place ; 

- il devra aussi calmer les ardeurs de ceux qui pensent à l’Élysée 

- et enfin, toujours surveiller la rue et les syndicats. 

Honnêtement, l’équation à plus de 5 inconnues est très compliquée à résoudre d’autant qu’en même temps, il ne faut pas déplaire au président.

Alors si Emmanuel Macron a trouvé l’oiseau rare, et si l’oiseau rare réussit à tenir les 5 ans, il sera lui aussi candidat à l’Élysée. 

Lundi prochain, Emmanuel Macron va peut-être nous présenter son successeur.

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