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Les milieux d'affaires croient à la démission de Manuel Valls, mais absolument pas à une vaste mobilisation des étudiants contre la loi El Khomri
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Atlantico Business

Semaine de plus en plus menaçante pour le pouvoir exécutif. Et François Hollande ne dit toujours rien…

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

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Manuel Valls a passé son week-end à démentir les rumeurs qui le disent partant de Matignon si la loi El Khomri ne passait pas au parlement… Quant à la gauche de la gauche qui veut sa peau depuis le jour où il est arrivé à Matignon, elle pense pouvoir mobiliser les étudiants et organiser de grandes manifestations de rue, pour faire tomber et Valls et si possible Hollande. 

Les sondages sont certes tous au rouge. François Hollande a complètement perdu la confiance qui lui avait été accordée, au lendemain des attentats. Le cafouillage sur la déchéance de nationalité, le remaniement gouvernemental qui ne ressemble à rien, le manque d'autorité évident sur l'affaire des migrants de Calais et pour terminer le désordre provoqué par les maladresses de présentation de la loi travail El Khomri, cette succession de méfaits a mangé tout le crédit qu'il avait récupéré. Manuel Valls a été entraîné à la baisse.

Le tandem à la tête de l'exécutif n'a jamais paru aussi fragile que cette semaine qui s'avère très incertaine sur l'issue des négociations syndicales concernant le loi travail et son impact politique sur ce qui reste de la majorité.

Les milieux d'affaires qui suivent ce dialogue de sourds entre des politiques qui sont visiblement déjà engagés dans la campagne présidentielle considèrent que toutes les difficultés proviennent avant toute chose d'un déficit d'autorité du président de la république. Il ne dit rien. Il ne fait rien. Sur la situation économique qui nécessiterait ce choc de dérégulation et de flexibilité qui est contenu dans la loi El Khomri. Sur l'équilibre de l'union européenne qui tombe en ruine, la France est complètement absente.

1er point sur la position du premier ministre, les milieux d'affaires considèrent qu'il est dans la situation d'un président d'entreprise qui serait désavoué par son conseil d'administration sur la stratégie à conduire. Les milieux d'affaires ne pensent pas que la stratégie soit mauvaise. Ils pensent qu'elle a été mal expliquée et surtout proposée beaucoup trop tard dans le quinquennat. Elle ne passera donc pas, en l'état. Elle passera oui,  mais déshabillée de ses articles les plus libératoires pour l'entreprise. Donc elle ne servira à rien ;

Dans ces conditions, pour les chefs d'entreprise qui connaissent un peu la musique politique, Manuel Valls a beau jurer ses grands dieux qu'il ne démissionnera pas, que sa loyauté est totale, en fait il n'aura pas le choix.

C'est la raison pour laquelle il n'aura pas le choix parce que le président décidera de changer de premier ministre… il laisse Emmanuel Macron endosser les habits de joker possible.

Il n'aura pas le choix, parce que lui et ses amis seront amenés à protéger son avenir. S'il reste jusqu'à la fin du quinquennat, il va sombrer sans un bilan acceptable de son mandat. La loi El Khomri était la dernière occasion de laisser une trace forte dans la modernisation de ce pays. 

2e point sur le projet de la gauche de mettre les étudiants dans la rue en espérant répéter ce qui s'était passé en mars 2006 contre le CPE de Dominique de Villepin qui avait été obligé de capituler en rase campagne devant un risque de mai 1968. C'est étonnant comme les medias et toute une génération de dirigeants pense à mai 1968 pour aboutir à de vrais changements.

Pour les milieux d'affaires qui ont leur propre analyse de la société française, nous ne sommes pas à la veille d'un nouveau mai 1968, ou plus près de nous d'un nouveau mars 2006. Les think tanks qui travaillent pour les grandes entreprises pensent que ça n'est pas possible pour trois raisons.

D'abord, la loi El Khomri ne concerne pas les étudiants, au contraire. Les étudiants ne sont pas en quête de sécurité, ils sont en quête de liberté pour travailler, innover et gagner de l'argent. Et ce qui les gêne en majorité les étudiants c'est l'accumulation des petites rentes et des petits privilèges qui leur bloquent l'horizon. Compte tenu d'Internet et des facilités de voyages, la majorité des étudiants cherchent à s'expatrier plutôt qu'à faire la révolution en France. Les mouvements étudiants sentent bien ce phénomène. Même si le climat et les perspectives économiques devraient les pousser à se protéger. Cette génération-là ne cherche pas à se protéger. Elle cherche à travailler. La révolution digitale leur ouvre des portes. Ube, Blablacar, appartiennent à leur ADN et cet ADN est un univers de liberté d'initiative.

Ensuite, la soi-disant unité syndicale est très fissurée. Tous les syndicats ont dit et expliqué que cette loi était trop favorable au patronat, mais au bout de trois jours, le monde syndical était coupé en deux. Il y avait ceux qui voulaient tout jeter et ceux qui souhaitaient des modifications, la CFDT, la CGC, l'UNS, et la Face.

Curieusement ceux qui s'opposent complètement au projet (dont CGT et FO) sont plutôt représentés dans la fonction publique qui n'est pas touchée par la loi. Curieux, non.

Enfin, il n'y a pas de relais politique sérieux pour venir appuyer un mouvement de la société civile. La gauche est fracturée. La droite est très embêtée parce que sur le fond cette loi permettait de réformer des structures comme beaucoup à droite le souhaiterait sans jamais avoir pu les mettre en place. Ce qui était fait par la gauche et qui allait dans le bon sens n'était plus à faire.

Au total on voit mal comment transformer en révolution de rue, un mouvement d'opposition qui a grossi sur Internet, mais qui n'est pas supporté avec enthousiasme par les étudiants, avec des syndicats très divisés et une oppositions politique un peu paralysée.

Dans ces conditions on revient sur le diagnostic initial. L'exécutif connaît la réalité de l'opinion publique. Elle n'est pas contre la loi. Elle est favorable à toutes les mesures qui pourraient faire redémarrer les entreprises. Donc l'opinion est favorable à des mesures de réformes libérales. Les uns diront que ce sont des mesures ultra-libérales, les autres résumeront cela à du social libéralisme auquel le président n'est pas allergique.

Par conséquent, si on n'avance pas, c'est véritablement et depuis le début, à cause d'un déficit d'autorité. Le Président n'ose pas. Donc il ne dit rien. Il ne fait rien.

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