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Ce qui maintient LR, c’est essentiellement la machine électorale et à donner l’investiture.
Ce qui maintient LR, c’est essentiellement la machine électorale et à donner l’investiture.
©BERTRAND GUAY / AFP

Désunis

Le parti se déchire sur trois scénarios possibles, à l’horizon de quatre ans, reposant sur le constat que le président Macron ne peut pas se représenter en 2027 à l’issue d’un second mandat.

Maxime Tandonnet

Maxime Tandonnet

Maxime Tandonnet est essayiste et auteur de nombreux ouvrages historiques, dont Histoire des présidents de la République Perrin 2013, et  André Tardieu, l'Incompris, Perrin 2019. 

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Atlantico : Mardi se tenait un bureau politique au sein des Républicains. L’objectif de cette réunion était de restaurer une unité dans le parti face à la question des retraites. Une résolution commune a été adoptée à la quasi-unanimité. Est-ce bien réel ou n’est-ce qu’une unité de façade ?

Maxime Tandonnet : Cette résolution est en effet destinée à exprimer une unité de LR, mais au prix de la contradiction. Elle réaffirme l’ancrage du parti dans l’opposition et fustige les deux présidences Macron. Pourtant elle souligne l’intention des signataires de voter la réforme emblématique du macronisme portant l’âge de la retraite à 64 ans. Alors pourquoi cette critique et cette opposition sans nuance envers le président Macron dès lors que sur un enjeu aussi fondamental, LR s’apprête à soutenir la ligne du chef de l’Etat ? En outre, la motion est étrangement silencieuse sur le désarroi du peuple français, l’immense malaise populaire qui se cristallise autour de cette réforme. Au-delà des 64 ans, (une mesure totalement neutralisée par la règle des 43 annuités et les dérogations en faveur des carrières longues, les entrées sur le marché du travail avant l’âge de 21 ans), la bataille autour de cette réforme oppose les dirigeants macronistes et leurs soutiens dans le monde économique et médiatique  à la France populaire ou périphérique. Sur ce sujet, LR a choisi de soutenir la macronie. Mais ce choix des dirigeants de LR soulève un vent de colère d’une partie de ses adhérents et de ses sympathisants qui s’exprime dans les sondages et sur les réseaux sociaux. Alors oui, l’unité n’est que de façade. 

A l’heure actuelle, y a-t-il un chef et une ligne bien définie chez les Républicains ?

Il y a certes un président élu, M. Eric Ciotti. Dans cette affaire, le pilotage de LR a été assuré par un triumvirat formé de celui-ci et des deux chefs de groupes à l’Assemblée et au Sénat, M. Marleix et M. Retailleau. L’image de leur trio sortant du bureau de Mme Borne, Premier ministre, a beaucoup frappé l’opinion. Pour autant, la droite LR demeure écartelée et donne l’impression que son avenir se joue en dehors de son état-major. Ses ténors se tiennent à l’écart du mouvement sur la question des retraites dont ils sentent le caractère piégé : d’où le silence de M. Wauquiez et de Mme Pécresse, et l’opposition discrète de M. Bertrand. Sur le fond, on ne peut pas dire que les divisions soient fondamentalement idéologiques. Les Républicains se retrouvent sur l’immigration et la sécurité. Même sur le plan économique et social, ils se rejoignent sur une ligne de défense de l’entreprise privée et d’une relance de la politique sociale axée sur la valorisation du travail. Les désaccords sur l’Europe et la nation ne déchirent plus en apparence le parti à l’image de la guerre idéologique entre Philippe Séguin et Alain Juppé. Mais n’est-ce pas parce que les idées disparaissent du champ politique ?  Et faut-il parler de ligne si la ligne n’intéresse personne ?

Quelles sont les fractures ? Sont-elles insolubles ?

La fracture fondamentale porte sur la stratégie de reconquête du pouvoir. Un parti qui a fait 4,8% des voix aux présidentielles et perdu la moitié de ses députés s’interroge que la manière de revenir au premier plan. Il se déchire sur trois scénarios possibles, à l’horizon de quatre ans, reposant sur le constat que le président Macron ne peut pas se représenter en 2027 à l’issue d’un second mandat. Un premier scénario préconise une alliance en bonne et due forme ou accord de gouvernement avec les macronistes (approche de M. Sarkozy et M. Copé). D’une force centrale, formée de Renaissance et des LR, opposée aux deux extrêmes, Nupes et RN, un leader venu de LR, selon ce schéma peut émerger et  remporter la bataille des présidentielles puis des législatives. Le second scénario est celui de l’opposition constructive, ou celui de la respectabilité. LR reste en principe dans l’opposition mais démontre, en collaborant ponctuellement avec le pouvoir macroniste, son aptitude à revenir au gouvernement à l’inverse de la Nupes et du RN. C’est la ligne que l’état-major de LR (Ciotti, Retailleau, Marleix) tente d’imposer sur la réforme des retraites. Le troisième scénario est celui de l’opposition frontale, misant sur l’impopularité croissante du macronisme dans les années à venir : LR ne doit pas laisser le monopole de l’opposition à la Nupes et au RN mais tout au contraire, les prendre de vitesse pour s’imposer comme la seule opposition à la fois résolue et crédible (Pradié).

Qu'est-ce qui maintient encore LR ensemble aujourd’hui ? Une vision de l'avenir commun? Y-a-t-il encore une justification à leur existence en tant que parti ? Que ce soit sur la réforme des retraites, la loi immigration ou les élections européennes, l’éclatement est-il inévitable?

Ce qui maintient LR, c’est essentiellement la machine électorale et à donner l’investiture. Sur la réforme des retraites, LR a commis une erreur titanesque. L’argument de la cohérence avec les 65 ans figurant dans les programmes de François Fillon et de Valérie Pécresse est absurde. En quoi un parti politique, après deux défaites consécutives, est-il tenu de s’obstiner à revendiquer un programme qui justement l’a conduit à la défaite ? Qu’est-ce qui lui interdit de réfléchir, d’ouvrir les yeux, et de se demander s’il est de bonne politique de se focaliser sur le totem de l’âge du départ, quand tout démontre que le nombre d’annuités est plus juste et plus souple ? Le drame de LR tient à la contradiction fondamentale de la position adoptée : se prétendre parti d’opposition et faire le choix, sur un sujet aussi emblématique que les retraites, du soutien au pouvoir macroniste contre le peuple (dans son immense majorité). Les idées et la culture de droite modérée, (l’héritage de Gambetta, Clemenceau, Poincaré, de Gaulle et Pompidou), sont probablement majoritaires dans le pays. Cependant, cet héritage est en ce moment noyé dans la médiocrité par ceux qui s’en réclament. J’ignore si l’éclatement est inévitable, en revanche, la descente aux enfers de ce parti semble bel et bien s’accélérer. 

Quel est l’avenir de la droite française selon vous ?

Elle pourrait avoir sa chance dans les quatre ans à venir. L’effondrement du macronisme est inéluctable du fait de son immense impopularité, incarnation du mépris des gens et en tout état de cause, l’impossibilité pour le président Macron de se représenter. La Nupes fait naufrage dans la violence et le chaos. Le RN reste le RN, empêtré dans l’image clivante de Mme le Pen, insupportable pour une grande partie de l’opinion, une course éperdue à la dédiabolisation et inaudible sur le dossier des retraites. Alors, dans un contexte de chaos politique, de décomposition générale, la droite modérée pourrait avoir une carte à jouer. Pour l’instant, elle est en train de la gâcher.

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