"Les laboureurs et les mangeurs de vent" de Boris Cyrulnik : comment comprendre les choix que l’on fait devant les aiguillages proposés par la vie<!-- --> | Atlantico.fr
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"Les laboureurs et les mangeurs de vent" de Boris Cyrulnik a été publié aux éditions Odile Jacob.
"Les laboureurs et les mangeurs de vent" de Boris Cyrulnik a été publié aux éditions Odile Jacob.
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"Les laboureurs et les mangeurs de vent" de Boris Cyrulnik a été publié aux éditions Odile Jacob.

Claire Français

Claire Français

Claire Français est chroniqueuse pour Culture-Tops. ​Culture-Tops est un site de chroniques couvrant l'ensemble de l'activité culturelle (théâtre, One Man Shows, opéras, ballets, spectacles divers, cinéma, expos, livres, etc.).  Culture-Tops a été créé en novembre 2013 par Jacques Paugam , journaliste et écrivain, et son fils, Gabriel Lecarpentier-Paugam

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"Les laboureurs et les mangeurs de vent"

De Boris Cyrulnik

Odile Jacob

Parution le 16 mars 2022

272 pages

22,90 euros

Notre recommandation : BON

THÈME

Pourquoi certains réussissent-ils à penser par eux-mêmes, malgré les drames de leur histoire et en dépit des tragédies de l’Histoire? Boris Cyrulnik nous répond, avec ses compétences de clinicien neuropsychiatre, en nous indiquant, d’où qu’on vienne, les embûches des postulats totalitaires etle long cheminement vers l’autonomie.

Prenant en exemple le traumatisme de son enfance en tant que souvenir fondateur, Boris Cyrulnik à travers ses expériences personnelles et professionnelles, se penche sur ce qui conduit certains êtres à confronter les idées, à les réfuter, à douter, construisant par là leur « liberté intérieure ». A contrario, il interroge le besoin pour d’autres de la nécessité d’appartenir à un groupe jusqu’à la dépersonnalisation, se réfugiant dans une « confortable servitude ».

POINTS FORTS

Un découpage en trente-trois parties introduites par une phrase telle une prescription : « Raconter l’impossible », « Affronter », « Parler pour cacher le réel », « Douter pour évoluer », « Choisir nos pensées »… La trame du propos se tisse de page en page et l’originalité dans l’organisation de l’ouvrage sert de repère dans la réflexion de l’auteur.

Tout en partant du contexte où, enfant, Boris Cyrulnik a intégré la réalité de la mort, il dépasse sa propre histoire à la base de son parcours. Il nous propose de questionner notre propre évolution, ce que l’on croit connaître, afin de comprendre les choix que l’on fait devant les aiguillages proposés par la vie.

Sans jugement y compris sur les pires atrocités, l’auteur décortique l’humain, sa vulnérabilité et ses processus de défense qui peuvent conduire soit à adhérer à des discours délirants de soumission et à une conformité à la doxa soit développer sa capacité à avoir confiance en soi, à se dégager des emprises, afin de poser un regard critique et distanciésur les croyances reposant sur du vent.

QUELQUES RÉSERVES

Ce dernier ouvrage a de nouveau comme point de départ l’évasion du jeune Boris Cyrulnik condamné à mort dans l’horreur de la Seconde Guerre mondiale ; cela pourrait décourager certains…

Les références figurent en notes de bas de pages mais il aurait été intéressant d’avoir un index et/ ou une bibliographie en fin d’ouvrage.

ENCORE UN MOT...

Théorie de l’attachement et ses conséquences sur les représentations de la réalité, analyse des pulsions contraires chez un être entre « rage de détruire et courage de reconstruire » ; Boris Cyrulnik met en avant les comportements complexes aussi bien de victimes que de bourreauxde l’époque nazie et puise aux sources de la pensée des intellectuels en particulier celle d’ Hannah Arendt. Dans la période actuelle, cet essai résonne particulièrement et nous encourage à utiliser « les outils pour agir sur le réel qui agit sur nous ».

UNE PHRASE

« Alors nous pouvons juger, évaluer, intérioriser ou rejeter les récits qu’on nous propose, certains ont tellement besoin d’appartenir à un groupe, comme ils ont appartenu à leur mère, qu’ils intériorisent tout récit en évitant de le juger. Toute critique atténuerait ce réconfortant besoin d’appartenir. D’autres, au contraire, ont acquis une telle confiance en eux grâce à la sécurité que leur a fournie leur mère qu’ils osent tenter l’aventure de l’autonomie. Ceux qui veulent appartenir se plaisent à réciter les histoires de la doxa comme une certitude délicieuse…ceux qui préfèrent continuer l’exploration par eux-mêmes et non plus par ce qu’on leur a dit adoptent la stratégie du laboureur. Ils se cognent aux cailloux, reniflent l’odeur de la glaise et se donnent un plaisir de comprendre enraciné dans le réel. »

(Pages 18 et 19)

L'AUTEUR

Boris Cyrulnik, né en 1937, est un neuropsychiatre et auteur prolifique avec une trentaine d’ouvrages à son actif dont le premier livre Les nourritures affectives est paru en 1993 (Odile Jacob). Il publie, encore chez Odile Jacob,un livre autobiographique Sauve toi, la vie t’appelle en 2012, grand succès comme la plupart de ses écrits. Boris Cyrulnik est une personnalité médiatique, connue pour avoir vulgarisé le concept de résilience à la suite du psychiatre américain John Bowlby. Il utilise son humanisme dans des engagements souvent au service des souffrances de l’enfance à travers le monde.

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