Les grandes marées pour les nuls (ou comment éviter les erreurs du pêcheur à pied débutant)<!-- --> | Atlantico.fr
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Chaque année, deux millions de pêcheurs à pied scrutent les grandes marées pour aller ramasser coquillages et crustacés
Chaque année, deux millions de pêcheurs à pied scrutent les grandes marées pour aller ramasser coquillages et crustacés
©Reuters/Charles Platiau

Pêche à pied

Chaque année, deux millions de pêcheurs à pied scrutent les grandes marées pour aller ramasser coquillages et crustacés. Parmi eux, des touristes souvent mal informés. Or, la pêche à pied, si elle ne respecte pas les réglementations régionales, peut nuire à la faune et à la flore du littoral.

Franck Delisle

Franck Delisle

Franck Delisle est chargé d'étude pour Vivarmor Nature, une association dont l'objectif est de préserver la nature. Il est également spécialiste de la pêche à pied.

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Atlantico : La côte atlantique française connaît ces jours-ci un épisode de grandes marées. Comment expliquer ce phénomène aux novices qui s'y trouvent en vacances ? Pourquoi constitue-t-il un tel attrait pour les locaux ?

Franck Delisle : Ce phénomène ne concerne pas uniquement l’Océan Atlantique. Il touche également la Manche et la Mer du Nord. Les grandes marées apparaissent dès lors que les forces de la Lune et du Soleil se conjuguent. Elles dépendent donc de l’alignement de la Terre, et de ces deux astres. Actuellement, nous nous trouvons au pic des grandes marées de ce mois d’août. Mardi soir, la force de la marée a atteint un coefficient de 114, sachant que ce coefficient va de 20 (les marées les plus faibles, dites de mortes-eaux) à 120 (les marées les plus hautes, dites de vives-eaux). Plus le coefficient est élevé, plus cela signifie que la mer se retire loin, mais se rapproche également très près des côtes.

Tout au long de l’année, presque chaque mois, on a des grandes marées. Lors de ces périodes, les locaux viennent culturellement pêcher. Mais l’été, il est vrai que l’on assiste à une véritable marée humaine, étant donné que les estivants viennent s’ajouter aux populations littorales. Je vois certains sites, habituellement occupés par une cinquantaine de personnes en accueillir jusqu’à 600 lors des grandes marées estivales !

Qu'est-ce que ces grandes marées permettent de découvrir ?

Leur intérêt  pour bon nombre de personnes est justement de pouvoir aller en pêche à pied et d’accéder à des endroits, à des rochers ou des plages par exemple, habituellement inaccessibles en mortes-eaux.

Les épisodes de grandes marées voient souvent des foules de vacanciers inexpérimentés fouler des plages devenues immenses, seaux et râteaux à la main. Quelles règles respecter pour profiter au mieux de ce moment ?

  • Se renseigner sur les horaires

L’une des premières règles à respecter est de s’informer sur le site où l’on va, et notamment sur les horaires de la marée, sous peine d’assister à des drames. Chaque année, des personnes meurent noyées, prises au piège des grandes marées. Il est important de noter par ailleurs que les horaires sont différents d’un site à l’autre. Ne serait-ce que dans les Côtes d'Armor, il y a une heure et demi d’écart entre l’Est et l’Ouest. Quoi qu’il en soit, dès que la mer est basse, il est temps de rentrer.

  • Vérifier la qualité sanitaire du site sur lequel on se trouve

Autre précaution à prendre lorsque l’on va pêcher des coquillages : savoir s’il est autorisé ou non à la pêche à pied, notamment pour des raisons sanitaires. Il peut effectivement y avoir des contaminations d’ordre bactériennes ou bien dues à du phytoplancton toxique.

Ce phénomène naturel survient souvent en été. Lorsque la masse d’eau se réchauffe et qu’il y a assez de nutriments, des micro-algues se développent et certaines, qui font partie du phytoplancton, sont toxiques pour l’homme, dans la mesure où si on les consomme, on peut tomber gravement malade. Cela peut aller de la simple diarrhée à la paralysie du système nerveux. Il faut donc faire attention à ce que l’on consomme, étant donné que la plupart des coquillages pêchés concentrent ces toxines dans leur chair.

Par ailleurs, d’autres toxines peuvent être d’origine agricole ou urbaine, à savoir les toxines fécales provenant autant des animaux que des hommes. En effet, les stations d’épuration ne permettent malheureusement pas encore de décontaminer l’eau de ces bactéries. En période estivale, le problème s’accentue particulièrement.

Un suivi est régulièrement réalisé par l’ARS, l’Association Régionale de la Santé, et l'Ifremer sur les gisements pêchés. On peut trouver les résultats en temps réel des suivis en Bretagne sur ce site : pecheapied-responsable.fr.

  • Respecter la taille des coquillages et crustacés ramassés

Il existe une réglementation officielle concernant la taille des coquillages et crustacés à ramasser. En dessous de la taille indiquée, on estime non seulement que les coquillages et crustacés ne se sont pas reproduits, mais de toute façon, on n'aura rien à manger. Les tailles diffèrent légèrement d’une région à une autre, mais pour prendre la Bretagne comme exemple, on ne peut pêcher de coques inférieures à 3 cm, de palourdes inférieures à 4 cm.

  • Limiter les quotas

Il s’agit plus ou moins du même principe que le respect de la taille : on ne ramasse que ce que l’on est certain de pouvoir manger le jour même. Des quotas officiels ont cependant été mis en place pour limiter les abus et éviter que les pêcheurs ne ramassent plus de coquillages qu’il n’en faut.

Certains gisements sont aujourd’hui très touchés par la surpêche. Très naturellement, les pêcheurs à pied vont se déplacer et aller sur d’autres gisements, permettant aux gisements surexploités de se reconstituer. Cela peut prendre deux à trois ans.  Finalement, la surpêche n’a pas vraiment d’impact sur les coquillages, mais elle en a beaucoup plus sur l’environnement auquel ils sont associés. Je pense notamment aux oiseaux marins qui se nourrissent de cette ressource.

  • Respecter la période de pêche

Certaines espèces nécessitent par ailleurs une période de repos biologique, c’est-à-dire d’une période de reproduction. Par conséquent, il est interdit de les ramasser lors de ces périodes. Actuellement, c’est notamment le cas de la Coquille Saint-Jacques et de l’Ormeau.

  • Proscrire certaines pratiques

Le retournement des pierres est à bannir absolument. Cette pratique peut en effet avoir un impact direct sur toute la faune et la flore qui vivent sur ces pierres, soit de 70 à 80 espèces différentes par pierre. Dès lors qu’une pierre est retournée, une espèce animale sur trois disparaît. D’autant plus que la plupart des pêcheurs ne prennent pas la peine de les remettre comme elles étaient avant, or il a été démontré que chacun peut retourner jusqu’à 67 pierres !

  • Privilégier certains outils

Le meilleur outil et le moins destructeur est la main. Parfois cela peut paraître compliqué mais certaines espèces, comme les praires, laissent des traces à la surface. Il s’agit en fait d’une sorte de siphon leur permettant d’inhaler et de recracher l’eau. Ces traces trahissent la présence des coquillages et permettent donc de les repérer facilement. Il n’y a alors plus qu’à creuser avec sa main et le tour est joué. Quoi qu’il en soit, chaque région a, une fois encore, sa propre réglementation. Il est donc important de se renseigner. La Bretagne par exemple interdit la fourche - sauf pour les vers marins servant d'appâts, la bêche, le rateau de plus de 35 cm de large ou encore la barre à mine naturellement.

  • Participer au programme Life + Pêche à pied de loisir

Ce programme national, qui a été lancé cette année, vise partout en France à sensibiliser les pêcheurs à pied, diagnostiquer leurs pratiques afin de cibler au mieux les actions de sensibilisation, connaître la pression de pêche sur les milieux et mettre en place des suivis de ressources. L’objectif de Life + Pêche à pied est de toucher les deux millions de pêcheurs à pied en France.

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