Les générations présentes et futures devront-elles se soulever pour défendre le capitalisme ? <!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
Economie
Avec deux siècles d’écart, certaines descriptions de la France de l’Ancien Régime de Tocqueville sont d’ailleurs frappantes de similitudes avec la France d’aujourd’hui.
Avec deux siècles d’écart, certaines descriptions de la France de l’Ancien Régime de Tocqueville sont d’ailleurs frappantes de similitudes avec la France d’aujourd’hui.
©DR

Aux armes citoyens

En 1774, la France était au bord de la banqueroute. C'est la Révolution française de 1789 qui a mis en place les réformes libérales nécessaires pour remettre le pays sur les rails.

Daniel Tourre

Daniel Tourre

Daniel Tourre est notamment l'auteur de Pulp Libéralisme, la tradition libérale pour les débutants (Tulys, 2012) et porte-parole du "Collectif Antigone". 

 

Voir la bio »

Cela ne serait pas la première fois. A commencer par la Révolution de 1789 qui est le long aboutissement d’une administration incapable de se réformer elle-même, prisonnière d’une multitude d’intérêts particuliers.

«Il faut, Sire, vous armer contre votre bonté, de votre bonté même, considérer d'où vous vient cet argent que vous pouvez distribuer à vos courtisans». 1774, la France est au bord de la banqueroute. En termes obséquieux, Turgot, ministre des finances plaide auprès de Louis XVI pour des réformes libérales à tous les niveaux : baisse des impôts, abolition des sinécures, suppression des droits de douanes intérieurs sur le blé, abolition des corvées, suppression des corporations… C’est finalement les corporations qui obtiennent sa démission. Et le Roi qui se condamne. Quelques années plus tard, la Révolution, en quelques semaines, fera entre autres les réformes de Turgot – au prix d’un gâchis inouï débouchant ensuite sur la Terreur de 1793.

Avec deux siècles d’écart, certaines descriptions de la France de l’Ancien Régime de Tocqueville sont d’ailleurs frappantes de similitudes avec la France d’aujourd’hui : « Ce qui caractérise déjà l’administration en France, c’est la haine violente que lui inspirent indistinctement tous ceux, nobles ou bourgeois, qui veulent s’occuper d’affaires publiques, en dehors d’elle. Le moindre corps indépendant qui semble vouloir se former sans son concours lui fait peur  ; la plus petite association libre, quel qu’en soit l’objet, l’importune ; elle ne laisse subsister que celles qu’elle a composées arbitrairement et qu’elle préside. Les grandes compagnies industrielles elles-mêmes lui agréent peu ; en un mot, elle n’entend point que les citoyens s’ingèrent d’une manière quelconque dans l’examen de leurs propres affaires ; elle préfère la stérilité à la concurrence…/…

[Le gouvernement] n’entreprend guère ou il abandonne bientôt les réformes les plus nécessaires, qui, pour réussir, demandent une énergie persévérante ; mais il change sans cesse quelques règlements ou quelques lois. Rien ne demeure un instant en repos dans la sphère qu’il habite. Les nouvelles règles se succèdent avec une rapidité si singulière que les agents, à force d’être commandés, ont souvent peine à démêler comment il faut obéir.»

Aujourd’hui comme hier, l’Etat omniprésent est instrumentalisé par une multitude d’intérêts particuliers privés (petits ou grands subventionnés, groupes de pression arrosés, grandes banques soutenues sans limite par l’argent public etc..) ou publics (syndicats de fonctionnaires, bureaucraties locales ou nationales). L’Etat devient alors incapable de se réformer lui-même. La classe politique prisonnière de ses clientèles électorales met en scène des concertations sociales avec des syndicats non représentatifs tout en enterrant à l’unanimité le rapport Perruchot. Dans le même temps, la crise du surendettement et des politiques monétaires laxistes est paradoxalement le prétexte à davantage d’interventions de l’Etat.

La situation est d’autant plus verrouillée que les acteurs habituellement critiques du Pouvoir politique (artistes, médias, associations civiles) sont eux aussi aujourd’hui largement dépendants de subventions publiques, ce qui ne les pousse pas à la dénonciation de l’étatisation de la société. Cette dépendance est partagée hélas par une partie de la population ; population convaincue à tort qu’elle a plus à perdre qu’à gagner dans l’abolition de ces pillages réciproques par cotisations, taxes et impôts croisés. (Même si aujourd’hui ceux qui ont voté pour faire payer les autres, réalisent que les autres, c’est eux.)

Au final nos droits à la liberté et à la propriété sont grignotés peu à peu, lentement mais sûrement, pour tendre vers une situation ressemblant sous certains aspects à celle de l’Ancien Régime : une multitude d’intérêts croisés, d’obligations, d’autorisations, de ponctions multiples à chaque échange au profit de l’Etat, de groupes organisés ou de corporations. Ce qui a fait la force du capitalisme libéral et de notre prospérité -la liberté, la responsabilité et la propriété individuelle- s’amenuise petit à petit.

La question est alors : puisque les institutions actuelles ne permettent pas de couper ce nœud coulant depuis plusieurs décennies, que faut-il faire ?

La fuite ou la grève ? La romancière Ayn Rand décrit de manière clinique dans son roman extraordinaire ‘La grève’ la situation que nous vivons aujourd’hui. Elle imagine alors une grève inédite : celle de tous ceux (artistes, entrepreneurs, scientifiques, ouvriers) qui travaillent, innovent, créent sans piller les autres. Le roman finit par un discours superbe du meneur de ce mouvement social inédit posant les conditions d’un fin de la grève. Cette utopie pédagogique n’est hélas pas crédible dans le monde réel, en tous cas pour sauver notre pays. L’oligarchie peut très bien vivre sur une société anémiée longtemps si tel est son intérêt et si elle diffuse efficacement son idéologie de soumission volontaire à l’Etat-mammouth.

La révolution violente ? Même si elle a été en partie au service d’idées libérales (en tout cas celle de 1789), le moins que l’on puisse dire est qu’une révolution n’est guère économe en sang, en chaos et en misère. La guerre civile n’est de toute manière pas dans les gènes libéraux –doctrine politique née en réaction aux guerres de religions et à ses massacres.

La révolution des esprits ? C’est peut être bien ce qui a manqué jusqu’à présent. Les dix prochaines années ne ressembleront pas aux 60 dernières, les libéraux vont avoir une opportunité historique de présenter leurs idées au plus grand nombre.

Dans la Bastille, Jacques Brel chantait « L’avenir a besoin de révolutionnaires, pas de petits révoltés ». Les petits révoltés agiteront peut-être des drapeaux rouges dans les prochains trimestres, mais les révolutionnaires sont les vrais libéraux. Et leurs idées ( la liberté et la propriété individuelle, seules respectueuses de la nature humaine et permettant la décentralisation des décisions à l’individu, l’utilisation optimale de la connaissance, l’échange libre dans un cadre Juste) seront d’autant plus nécessaires pour profiter des découvertes scientifiques de demain. La grand tache du jour, la tache urgente est de diffuser la connaissance des vraies idées libérales auprès du grand public.

L’affaissement de la social-démocratie surendettée n’est pas la fin du monde connu ou de la civilisation. Elle n’est pas non plus la fin des soins, de l’instruction ou de la solidarité. Elle n’est que la faillite de la bureaucratie monopolistique et du capitalisme de connivence. La sortie de la crise ne passe pas par des constructions comptables hasardeuses au niveau européen et des relances monétaires mais par un retour à la liberté, la propriété et la responsabilité individuelles. Nous pouvons avoir mieux pour nos vies et la société que cette lente agonie stagnante au service d’intérêts figés.

L’URSS s’est effondrée (presque) sans révolution violente, mais parce que le système en place était à bout de souffle (Nous y sommes avec le notre) et que plus personne n’avait envie de faire encore semblant (Nous y sommes presque). Le tout est aujourd’hui d’accompagner cet affaissement en cours et de combler le vide idéologique qui va suivre. Il n’y a besoin ni de grèves, ni de révoltes violentes, mais d’une révolution libérale.

Diffuser les vraies idées libérales vite, nous sommes déjà en retard.

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !