Les fortifications que construit la Russie pourront-elles faire échouer l’offensive ukrainienne ?<!-- --> | Atlantico.fr
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Un véhicule de combat d'infanterie BMP près de la ville de Bakhmut, dans la région de Donetsk, le 22 avril 2023.
Un véhicule de combat d'infanterie BMP près de la ville de Bakhmut, dans la région de Donetsk, le 22 avril 2023.
©Anatolii STEPANOV / AFP

Problème tactique

L’armée russe, qui redoute une grande offensive ukrainienne dans les semaines ou mois à venir, met en place depuis plusieurs mois d’importantes fortifications.

Jérôme Pellistrandi

Jérôme Pellistrandi

Le Général Jérôme Pellistrandi est Rédacteur en chef de la Revue Défense nationale.

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Atlantico : Fossés antichars, dents de dragon… L’armée russe, qui redoute une grande offensive ukrainienne dans les semaines ou mois à venir, met en place depuis plusieurs mois d’importantes fortifications mais de nombreux observateurs se moquent de la qualité de celles-ci. Ces fortifications sont-elles vraiment préoccupantes ? Dans quelle mesure peuvent-elles ralentir une percée ukrainienne ?

Jérôme Pellistrandi : Ces fortifications poseront un problème tactique aux forces ukrainiennes. L’histoire a démontré qu’aucun mur n’est infranchissable. Il y a notamment l’exemple du mur de l’Atlantique construit par les Allemands pour empêcher le débarquement et qui a été déjoué.

Ce mur peut en revanche ralentir une offensive. L’impression que l’on peut avoir sur la stratégie russe est que d’une part il y a la volonté de poursuivre la conquête de Bakhmout (détruite à 90 %). Cela doit permettre de figer la ligne de front avec des fortifications en attendant l’offensive ukrainienne.

Si cette incursion menée par Kiev ne parvient pas à franchir les lignes de fortifications construites par les Russes, cela voudra dire que les territoires occupés actuellement par les Russes, au Sud du Dniepr, resteront sous contrôle russe. Vladimir Poutine pourrait affirmer que ces territoires sont définitivement russes.

Ces lignes de fortifications construites par les Russes, à défaut d’être infranchissables, vont ralentir l’offensive ukrainienne.

Les Ukrainiens vont devoir choisir le bon endroit, au bon moment et disposer de suffisamment de forces pour effectivement percer ces lignes et aller vers la mer d’Azov. S’arrêter en plein milieu ne résoudrait pas le problème tactique qui est posé.   

De quoi dépend la réussite de l’offensive ukrainienne ? L’armée de Kiev est-elle actuellement en mesure de mener des opérations interarmes ?

Beaucoup d’experts se posent cette question. Certains sont confiants dans la capacité des forces de Kiev à mener cette offensive. Les Ukrainiens ont déjà réussi de belles contre-offensives.

Du côté russe, il y a une prise de conscience sur les erreurs commises depuis le début de la guerre. Les Russes ne se laisseront pas faire en cas de contre-offensive. Dans une hypothèse où les forces ukrainiennes parvenaient à franchir la ligne de défense et arrivaient jusqu’ à la mer d’Azov et isolaient la Crimée, ce serait pour la Russie une défaite très humiliante.

A partir du moment où l’offensive sera enclenchée, elle sera déterminante. Celui qui l’emportera sera en position de force pour éventuellement mener un début de négociations pour un cessez-le-feu, à défaut de paix.

Cette grande offensive, côté ukrainien, de quoi dépend-elle pour être menée à bien ?

Elle dépend de la logistique. Il s’agit de la même problématique que pour les Alliés avant le débarquement du 6 juin 1944. Le but est d’avoir suffisamment de moyens afin de pouvoir franchir les premières lignes de défense et pour aller dans la profondeur et infliger une défaite majeure aux unités russes.  

Les forces ukrainiennes doivent avoir la masse suffisante. Cela passe par du matériel, des munitions, du carburant et aussi des hommes.

De son côté, l’armée russe est-elle tactiquement en mesure de faire face à une grande offensive ukrainienne ?

L’armée russe depuis le début démontre qu’elle est en très grande difficulté. Elle n’a réussi aucune véritable mission qu’elle s’était fixée. En revanche, l’armée russe dispose d’une masse humaine extrêmement importante. Elle pourrait utiliser la doctrine soviétique de l’époque de la Seconde Guerre mondiale. Vladimir Poutine se retrouve un peu comme Staline. Il a une profondeur stratégique et il compte sur l’usure de son adversaire, des Ukrainiens.

Mais la volonté de se battre est du côté ukrainien. Il n’est pas sûr qu’il y ait le même enthousiasme du côté russe après 14 mois de guerre.

Face à ces fortifications russes, quelle serait la meilleure tactique à envisager pour l’armée ukrainienne ?

La meilleure tactique pour l’Ukraine n’est pas d’essayer de reconquérir le Donbass mais de découper la zone Sud, la partie occupée de l’Ukraine. Le but serait d’isoler la Crimée afin qu’elle ne soit ravitaillée uniquement par le détroit de Kertch. Si cet objectif était atteint, il permettrait de rebattre les cartes et de forcer Moscou à négocier.

Reste à savoir si les forces russes vont rester sur une ligne défensive ou si elles préparent une offensive.

Les chaînes de production en Russie sont au ralenti. Il n’y a plus de frappes massives de missiles. Les frappes massives sur les installations électriques ont échoué. Les Russes sont à la recherche d’une nouvelle stratégie pour essayer de trouver une solution militaire à l’échec qu’ils connaissent actuellement.

Au-delà d’une percée menée par des troupes d’infanterie appuyée par des engins blindés, un soutien aérien efficace est-il vital pour mener à bien cette opération ?

Les Ukrainiens, avec les livraisons terrestres de matériel occidental, disposent bien de moyens importants. Les moyens aériens ukrainiens restent limités.

Les Occidentaux ont renforcé les capacités de défense sol-air ukrainien. Cela pourrait être envisagé lors du dernier trimestre 2023.

Selon vous, la guerre n’est pas prête de s’arrêter ?

Effectivement. Nous assistons actuellement à une forme d’usure des deux camps. Cette guerre s’inscrit dans la durée. Nous sommes à plus de 14 mois. Personne ne souhaite perdre la face.

Moscou voudra obtenir un résultat. En cas de défaite, la pérennité du régime de Poutine serait en cause.

En admettant qu’il y ait bien une contre-offensive dans les semaines ou les mois à venir, et que les Ukrainiens arrivent à rejoindre la mer d’Azov en faisant une percée, cela serait-il un coup d’arrêt pour l’armée russe ou les troupes de Moscou seraient-elles toujours en mesure de continuer à se battre ?

Cela mettrait Moscou en grande difficulté. La Russie dispose encore de capacités conséquentes. Il pourrait y avoir une mobilisation supplémentaire. Nous sommes également dans un contexte nucléaire. Cela pourrait être pris en compte en cas de difficultés majeures pour les forces russes.  

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