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Les fondations d’entreprise, de nouveaux acteurs culturels ambitieux (n’en déplaise aux grincheux)
©AURORE MARECHAL / AFP

Mécènes modernes

De nombreuses entreprises irriguent le tissu artistique en participant au financement de musées, de troupes ou de spectacles.

Philippe Herlin

Philippe Herlin

Philippe Herlin est chercheur en finance, chargé de cours au CNAM.

Il est l'auteur de L'or, un placement d'avenir (Eyrolles, 2012), de Repenser l'économie (Eyrolles, 2012) et de France, la faillite ? : Après la perte du AAA (Eyrolles 2012) et de La révolution du Bitcoin et des monnaies complémentaires : une solution pour échapper au système bancaire et à l'euro ? chez Atlantico Editions.

Il tient le site www.philippeherlin.com

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A regarder Pièces à Conviction, émission diffusée sur France 3 le 28 mars, l’impression était donnée que la Fondation Louis Vuitton, lancée par Bernard Arnault, ne l’avait été que par intérêt fiscal. C’est faire un peu vite l’impasse sur le rôle majeur joué par ce type de structures dans le paysage culturel. Il suffit pour s'en convaincre de voir la place qu'occupe désormais cette fondation dans la vie culturelle française puisqu’elle est capable de monter de prestigieuses expositions que même la RMN (Réunion des Musées Nationaux, qui gère le Grand Palais) aurait du mal à faire. Chacun pourra par ailleurs juger de la qualité de sa collection lors de sa prochaine exposition "Au diapason du monde" qui ouvrira le 11 avril.".

Les fondations d'entreprise consacrées à l'art prennent une part croissante dans la vie culturelle française, de nombreuses entreprises irriguent le tissu artistique en participant au financement de musées, de troupes ou de spectacles. Selon le Centre français des fonds et fondations, on compte 400 fondations d’entreprise et elles interviennent principalement dans l’action sociale, le sport, la santé et la culture.

Mais les plus visibles sont les fondations qui s’incarnent dans un bâtiment spécifique, le plus souvent consacré à l'art contemporain d’ailleurs. Elles ne se contentent plus d’aider, elles veulent jouer leur propre partition. On pense immédiatement à la Fondation Louis Vuitton lancée par Bernard Arnault en 2014, la plus importante de toutes, également à la Fondation Cartier, inaugurée en 1984. Toujours à Paris, les Galeries Lafayette viennent d’inaugurer la leur avec Lafayette Anticipations dans le Marais, et François Pinault aura la sienne à la Bourse du commerce en 2019.

L’État a reconnu cette place, notamment à travers la Loi relative au mécénat, aux associations et aux fondations, dite « loi Aillagon », votée en 2003. Le but affiché par Jacques Chirac et le gouvernement de l’époque était de proposer un dispositif attrayant pour impliquer tous les acteurs de la société civile (particuliers, entreprises, associations, fondations) dans la vie culturelle française. Une manière aussi de maintenir le rang de la France dans les arts, tout en allégeant les couts pour l’État et le contribuable. Concernant les entreprises, cette loi a doublé l'encouragement fiscal en introduisant une réduction de 60 % sur l'impôt sur les sociétés dans la limite de 5 pour mille du chiffre d'affaires HT.

Selon l’Admical, la principale association de mécénat en France, le taux de mécénat progresse avec 14 % des entreprises en 2016 contre 12 % en 2014, soit environ 170 000 entreprises. Parmi elles, on compte une large majorité de TPE (72 %) et de PME (25 %), mais les entreprises de plus de 250 salariés sont les plus engagées puisque près de la moitié d’entre elles (47 %) sont désormais mécènes. Derrière le sport et l’action sociale, la culture est choisie par 24 % des entreprises, pour 15 % du montant total (3,5 milliards d’euros) soit 525 millions d’euros.

Maintenant faut-il voir dans le succès du mécénat et des fondations d’entreprise un opportunisme fiscal ? Certes non, l’opération n’a rien de rentable ! Si on parle « d’incitations fiscales » il ne faut pas non plus s’y méprendre, l’investissement effectué dans le cadre de la loi mécénat permet de profiter d’une légère diminution de l’impôt sur les bénéfices. Un avantage qui reste modeste, et qui compense les critères très particuliers qui sont imposés pour pouvoir en bénéficier, notamment l’interdiction de faire commerce de l’art. Par ailleurs, pour la Fondation Louis Vuitton, le bâtiment reviendra à la collectivité au bout de 50 ans, soit en 2064.

Mais des critiques se font jour parfois. Il est vrai qu’en France on accepte avec réticence l'intervention des capitaux privés dans l’art et la culture. D’autant qu’en passant du simple mécénat à la fondation « en dur », on passe du statut de financeur à celui d’acteur, et avec la Fondation Louis Vuitton on franchit encore un niveau : la concurrence directe avec les plus grandes institutions nationales (Grand Palais, Centre Pompidou). L’impressionnante Collection Chtchoukine fut une exposition de classe internationale, de même que « Le MoMA à Paris » qui vient de s’achever. Il faut se féliciter que la Fondation Louis Vuitton ait pu les présenter car le coût des expositions augmente (à cause des assurances, indexées sur la progression des ventes aux enchères) et même la Réunion des musées nationaux (qui gère le Grand Palais) a du mal à suivre.

La prochaine exposition, « Au diapason du monde » (11 avril-27 août), présentera une partie de la collection de la Fondation Louis Vuitton. L’occasion, là encore, de se mesurer aux grandes institutions dédiées à l’art contemporain en France. Dans ce domaine comme dans d’autres, ne craignons pas la concurrence !

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