Les émissions de carbone ont connu un net rebond post-confinements massifs dûs au Covid<!-- --> | Atlantico.fr
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Vue aérienne montrant une faible visibilité en raison de la pollution de l'air à Mexico, le 30 mars 2020 lors de la pandémie de Covid-19.
Vue aérienne montrant une faible visibilité en raison de la pollution de l'air à Mexico, le 30 mars 2020 lors de la pandémie de Covid-19.
©PEDRO PARDO / AFP

Dommages collatéraux de la pandémie

Le rapport publié par l’agence internationale de l’énergie montre que le défi de la réduction des niveaux de C02 reste gigantesque. 2020 nous a pourtant réservé quelques bonnes nouvelles structurelles.

Myriam Maestroni

Myriam Maestroni

Myriam Maestroni est présidente d'Economie d'Energie et de la Fondation E5T. Elle a remporté le Women's Award de La Tribune dans la catégorie "Green Business". Elle a accompli toute sa carrière dans le secteur de l'énergie. Après huit années à la tête de Primagaz France, elle a crée Ede, la société Economie d'énergie. 

Elle est l'auteure de plusieurs ouvrages majeurs: Intelligence émotionnelle (2008, Maxima), Mutations énergétiques (Gallimard, 2008) ou Comprendre le nouveau monde de l'énergie (Maxima, 2013), Understanding the new energy World 2.0 (Dow éditions). 

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Atlantico : Mardi dernier, l’Agence internationale de l’Énergie a publié de nouvelles données sur les émissions carbones émises l’année dernière. Suite aux confinements de l’année dernière, une baisse des niveaux CO2 a été relevée, mais dans quelle mesure et à quelle vitesse ces chiffres sont-ils revenus à la normale ?  

Myriam Maestroni : En effet, l’Agence Internationale pour l’Énergie (AIE) vient de publier un communiqué de presse confirmant que les confinements massifs liés à la crise sanitaire provoquée par la Covid-19, avaient provoqué une chute spectaculaire et historique des émissions de CO2 sur le début de l’année 2020. Au niveau global cela représente un niveau moyen de baisse de plus de 6%, soit plus de 2 milliards de tonnes de CO2 (à comparer à une année 2019 qui affichait une hausse de 0,1%). Cette tendance est le résultat logique d’un arrêt quasi-total de l’économie et des déplacements (notamment transport routier et aviation) qui comptent pour moitié, soit 1 milliard de tonnes, dans cette baisse. Les émissions de l’année 2020 ont ainsi atteint 34 milliards de tonnes (GtCO2).

Ce constat avait déjà été effectué, dès le début du mois de décembre, par la Global Carbon Project (CGP), un projet de recherche international dans le cadre du programme Future Earth et du Programme Mondial de Recherche sur le Climat (WCRP) de l’organisation mondiale de météorologie. Le CGP a pour mission de quantifier et d’analyser les émissions mondiales de gaz à effet de serre et leurs causes. Il publie annuellement, depuis 2006, un Bilan Mondial du Carbone.

Néanmoins, en deuxième lecture, cette baisse moyenne de 6% cache de nombreuses disparités en fonction des différentes zones du monde, et surtout des différents mois de l’année. Ainsi, sur le seul mois de décembre 2020, les émissions ont atteint des niveaux supérieurs d’environ 2% à ceux observés sur le mois de décembre 2019, soit 60 millions de tonnes de plus, alors qu’au mois d’avril 2020 on avait observé une contraction proche de 18,5%.

La courbe des émissions de CO2 en hausse sur la fin de l’année reflète le redémarrage des économies encore très fortement dépendantes des énergies fossiles.

On voit d’ailleurs les émissions en Chine, désormais premier émetteur au monde, et seul pays en croissance sur 2020, atteindre, en 2020, des niveaux supérieurs de l’ordre de 75 millions de tonnes à ceux de 2019 (soit +0,8%). L’Inde, en recul annuel d’environ 9%, a vu quant à elle, a vu ses émissions de CO2 s’envoler à des niveaux supérieurs à l’année précédente à partir du mois de septembre 2020, là encore reflet d’un abandon des restrictions sanitaires et de la reprise économique.

On observe le même scénario au Brésil, où, à partir du mois d’avril, le transport routier a repris, suivi de fortes consommations de gaz en fin d’année.

Même aux États-Unis, lourdement touchée par la pandémie, on a vu une chute des émissions supérieure à la moyenne mondiale, puisqu’elle a atteint plus de 10% sur l’année 2020. Pourtant sur une base mensuelle, après avoir atteint des bas historiques au printemps les émissions ont commencé à s’accélérer de nouveau avec un mois de décembre 2020 affichant un niveau d’émissions équivalent à décembre 2019, fruit du redécollage économique mais également des consommations liées au chauffage avec un hiver particulièrement froid et un niveau de prix du gaz naturel élevé favorisant le recours au charbon, sans nul doute et de loin le plus grand émetteur de CO2 parmi les énergies fossiles.

En Europe (UE-27) on atteint des niveaux de baisse de l’ordre de 11%. Pour la France un repli légèrement supérieur (entre 11 et 15%), d’ailleurs en droite ligne avec l’objectif fixé à l'horizon 2030 de 310 millions de tonnes de GES -dans le cadre de la stratégie nationale bas carbone (SNBC)-, fixée en avril dernier (et à comparer à 441 millions de tonnes émises en 2019). Cette tendance est lié à la part importante du nucléaire dans le mix électrique français mais aussi au décrochage industriel du pays depuis les années 2000.

Au global, retenons que la baisse des émissions mondiales de CO2 aura atteint une baisse de plus de 6%, soit plus de 2,4 milliards de moins qu’en 2019 avec un niveau global de 34 milliards de tonnes, surtout lié à la chute spectaculaire lors du premier confinement et notamment dans la première moitié du mois d’avril (pic de diminution à moins de 17%) avant de reprendre pour arriver à des niveaux, en fin d’année, équivalents voire supérieurs, selon les pays, à ceux observés sur la même période de l’année précédente. Selon l’AIE, ces niveaux d’émissions de CO2, liés à la consommation d’énergie, auraient été, en décembre 2020, de l’ordre de 2% supérieurs à ceux observés en 2019 sur le même mois, fruit du redémarrage économique… mais, toujours selon l’AIE, également liés à un manque de politiques publiques suffisamment rigoureuses en matière de réduction des émissions de CO2.

Les confinements ont-ils pu nous permettre de déterminer avec plus de précision les sources d'émission de CO2 ? Quelles sont-elles ? 

Le secteur des transports (qui représente 21% des émissions mondiales) a connu la plus forte baisse des émissions en 2020 puisqu’elles ont été divisées par 2, contribuant d’ailleurs à la moitié de la baisse des émissions globales. Dans le cas particulier du transport aérien (moins de 3% des émissions mondiales), la chute a atteint autour de 75% avec des avions restés cloués au sol. D’ailleurs les émissions liées au transport routier et aérien continuent à être inférieures aux niveaux 2019.

L’industrie (22% des émissions mondiales) a vu ses émissions chuter de 30% au pic des confinements.

Les émissions liées à la production d’électricité (44% du total) ont été réduites de 15% au plus fort des confinements. Sur l’année cela représente 450 millions de tonnes en moins en 2020. Certes, effet d’une demande électrique affaiblie mais également de la part croissante des EnR (solaire et éolien notamment) dans le mix électrique.

En revanche, les émissions provenant du secteur résidentiel et tertiaire sont restées stables, ou ont augmenté en fonction des pays, puisque les personnes confinées ont continué à se chauffer avec un déplacement des consommations vers les logements. En France on a vu au pic de confinement les factures d’énergie des mois de mars et avril augmenter de 18 à 90€/mois (selon le type d’énergie de chauffage et les surfaces des logements).

Malgré le retour à la normal de la plupart des indicateurs, certains sont en baisse. Y a-t-il de bonnes nouvelles structurelles dans la lutte pour le ralentissement des émissions de CO2 ? Des secteurs ou pays produisent-ils durablement et mieux, indépendamment de la pandémie ?

En l’état cette chute historique ne permet pas encore d’atteindre les objectifs fixés par l’Accord de Paris. Ce dernier prévoit, en effet, de réduire les émissions totales de CO2 de 1 à 2 milliards de tonnes de CO2 par an jusqu’à 2030 (soit -25 à -50% entre 2020 et 2030) pour limiter le changement climatique à 1,5 °C ou bien en dessous de 2 °C, soit une réduction d'environ 25 à 50 % entre 2020 et 2030… néanmoins, en tendance, on ne peut que constater des progrès, avec des effets des politiques énergétiques qui commencent à faire sentir leurs effets. Ainsi les émissions ont diminué́ dans 24 économies en croissance au cours de la dernière décennie : Allemagne, Barbade, Belgique, Croatie, Danemark, États-Unis, Finlande, France, Israël, Italie, Japon, Luxembourg, Malte, Mexique, Norvège, Pays-Bas, République Tchèque, Roumanie, Royaume-Uni, Slovaquie, Slovénie, Îles Salomon, Suède et Suisse.

Le plan de relance post-covid européen, est resté compatible avec le projet de Pacte Vert (Green deal). Au cœur de l'agenda de la nouvelle Commission européenne entrée en fonction fin 2019, la feuille de route du Pacte Vert se posait comme un projet phare ayant pour ambition la mise en œuvre d’un programme de transformation structurelle de l'économie européenne pour atteindre la neutralité climatique d'ici 2050 et ainsi convertir l’Europe en premier continent neutre en carbone. Une vision initialement destinée à créer une stratégie de croissance basée sur de multiples opportunités, et qui a dû s’adapter pour devenir un plan de relance adapté à la sortie de crise et à la relance économique. De nombreux chantiers sont lancés, de l’efficacité énergétique à l’hydrogène vert qui semble pouvoir s’affirmer en tant que pivot de décarbonation à la fois pour l’industrie et les transports, en passant par des stratégies de compensation carbone plus efficaces pour ne donner que quelques exemples phares.

Les objectifs de neutralité carbone de l’UE semblent d’ailleurs avoir inspirés la Chine qui a annoncé, dans la foulée, son intention de parvenir à la neutralité carbone à l’horizon 2060, tandis que les États-Unis, post-élection de Biden, promettaient des investissements massifs dans la transition énergétique.

Autant de raisons d’espérer trouver des moteurs de réduction des émissions de CO2 largement plus enthousiasmants que la pandémie de Covid19…

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