Les élections risquent d’accoucher d’un gouvernement faible… et c’est une mauvaise nouvelle pour la France<!-- --> | Atlantico.fr
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Angela Merkel et Armin Laschet lors d'un rassemblement, le 21 août 2021, dans le cadre de la campagne pour les élections législatives prévues le 26 septembre.
Angela Merkel et Armin Laschet lors d'un rassemblement, le 21 août 2021, dans le cadre de la campagne pour les élections législatives prévues le 26 septembre.
©JOHN MACDOUGALL / AFP

Allemagne

A un mois des élections en Allemagne, le SPD vient de dépasser pour la première fois en 15 ans la CDU d’Angela Merkel dans les intentions de vote. Cette situation inédite s'explique notamment suite aux erreurs d'Armin Laschet lors de la campagne. Comment expliquer que l’élection qui déterminera le successeur d’Angela Merkel soit aussi serrée et indécise ?

Edouard Husson

Edouard Husson

Universitaire, Edouard Husson a dirigé ESCP Europe Business School de 2012 à 2014 puis a été vice-président de l’Université Paris Sciences & Lettres (PSL). Il est actuellement professeur à l’Institut Franco-Allemand d’Etudes Européennes (à l’Université de Cergy-Pontoise). Spécialiste de l’histoire de l’Allemagne et de l’Europe, il travaille en particulier sur la modernisation politique des sociétés depuis la Révolution française. Il est l’auteur d’ouvrages et de nombreux articles sur l’histoire de l’Allemagne depuis la Révolution française, l’histoire des mondialisations, l’histoire de la monnaie, l’histoire du nazisme et des autres violences de masse au XXème siècle  ou l’histoire des relations internationales et des conflits contemporains. Il écrit en ce moment une biographie de Benjamin Disraëli. 

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Atlantico : Les élections fédérales allemandes ont lieu dans moins d’un mois, pour la première fois le SPD vient de passer en tête dans les sondages. Comment expliquer que l’élection qui déterminera le successeur d’Angela Merkel soit aussi serrée ? Peut-on se risquer à des pronostics ?

Edouard Husson : En fait, les sondages sont serrés. CDU et SPD se disputent la victoire dans les sondages, tandis que les Verts arrivent, mais de peu, en troisième position. Il faut d’abord se rappeler qu’au printemps, les Verts étaient donnés comme pouvant gagner. La candidate du Parti Vert, Annalena Baerbock était la coqueluche des médias. Puis elle a été rattrapée par des maladresses, une accusation de plagiat. A ce moment-là, la CDU a fait largement la course en tête. Mais la tête de liste, Armin Laschet a été filmé par une caméra en train de rire lors d’un rassemblement pour rendre hommage aux victimes des inondations qui ont affecté la région de l’Eiffel et la Rhénanie. Plus profondément, la gestion de cette crise par la CDU a été mise en cause. Parallèlement, la tête de liste du SPD, Olaf Scholz, actuellement Vice-Chancelier et Ministre des Finances, fait bonne figure. Il est même le candidat préféré des Allemands pour la Chancellerie.  Le résultat de ces incertitudes, c’est que quatre coalitions sont possibles au vu des sondages: CDU + SPD + FDP (appelée coalition « allemande » car elle a les couleurs du drapeau de la République Fédérale, noir-rouge-jaune); CDU + Verts + FDP (coalition dite « jamaïcaine »); coalition SPD+Libéraux + Verts (appelée « coalition du feu rouge »); et enfin, coalition SPD + Verts + Die Linke, la Gauche (rouge-verte-mauve) rendue possible par les actuels résultats des sondages. Ecartons cette dernière possibilité, la moins probable. Tout va dépendre du parti qui arrive en tête: c’est lui qui détermine le Chancelier. Il se peut que les Allemands, au dernier moment, se disent qu’ils font le choix du Chancelier plus que d’un parti. Et dans ce cas le SPD arrivera en tête. 

Dans quel état d’esprit la population se prépare-t-elle à se rendre aux urnes ? Dans un contexte malgré par le Covid quel rapport les Allemands entretiennent-ils avec leurs dirigeants ?

Les Allemands sont dans le déni de réalité. D’un côté, ils continuent à mettre Angela Merkel en tête des sondages de popularité; de l’autre ils sanctionnent lourdement les années qu’elle a passées au pouvoir puisqu’elle a trouvé une CDU au-dessus de 35% et elle lègue à son parti une CDU qui aura du mal à dépasser 23%. En fait, ce déni de réalité se voit très clairement dans la crise du COVID: comme la France, l’Allemagne a continué à supprimer des lits d’hôpitaux au moment où ses gouvernements national et régionaux expliquaient que l’on avait affaire à une pandémie sans précédent. L’Allemagne est une société vieillissante, plus que la France, qui est comme nous menacée par ce que j’appelle le « fascisme gris »: les catégories les plus âgées sont celles qui pèsent le plus sur le vote; or elles cautionnent une dérive autoritaire des institutions, qui restent libérales en apparence mais sont en fait de plus en plus incapables de contrôler l’extension du  pouvoir exécutif: durant la pandémie, les pouvoir des Länder ont été de facto confisqués par le pouvoir central (loi dite de « l’arrêt d’urgence » que seul les Libéraux du FDP, à 12% dans les sondages, ont combattue); la société retrouve, à l’occasion de l’épidémie de Sars-Cov2, des réflexes bureaucratiques et une tendance à la surveillance mutuelle qui rappellent des périodes que l’on croyait révolues; une véritable dictature des idées écologistes, reprise à son compte par Angela Merkel, a conduit à sortir du nucléaire et repolluer l’Allemagne tandis que les énergies renouvelables sont un puits de subventions apparemment sans fond; il est quasiment impossible de parler des crimes commis par des migrants de la vague 2015 ou de dénoncer l’islamisme;  et il s’est installé un climat de terrorisme intellectuel, appuyé sur la violence de rue des Antifa (dont les violences ne sont jamais punies par un pouvoir complaisant) avec un cocktail que nous connaissons bien en France: le parti national-conservateur, l’AfD, qui s’alimente à ce qu’un segment non négligeable des Allemands considère être une rupture des traités européens (le plan de relance) et surtout à la dérive immigrationniste d’Angela Merkel en 2014-2016, est le bouc émissaire du système politique. Beaucoup du résultat de l’élection dépendra d’ailleurs de la question de savoir si l’AfD finit à 11 ou à 13%. Un bon résultat de l’AfD permettrait sans doute au SPD de finir en tête, aux dépens de la CDU.  Mais dans tous les cas il domine en Allemagne une mauvaise atmosphère politique: en seize ans, Angela Merkel, avec son slogan « Il n’y a pas d’alternative » a profondément abimé la démocratie allemande.  

Quelles conséquences pourraient avoir les élections fédérales allemandes de notre côté du Rhin ? Certains scénarios nous seraient-ils plus favorables que d’autres ?  

Nous aurons dans tous les cas un gouvernement allemand à trois partis. Et faible. Cela va être très déstabilisant pour les Parisiens qui ont l’habitude, depuis François Hollande, d’attendre que « les Allemands décident ». Les décisions du gouvernement allemand seront lentes, fondées sur des compromis difficiles à atteindre. Il est probable que si un gouvernement mené par le SPD l’emporte, on se réjouira à Paris en se disant que c’est plus favorable pour le laxisme budgétaire français à l’abri d’un plan de relance européen éventuellement étendu. En fait, quoi qu’il arrive, Paris risque d’être une cible commode pour les partis allemands qui auront au moins un motif d’unité: demander à la France de remettre ses affaires en ordre. Dans tous les cas, nous assistons définitivement à la fin des relations franco-allemandes telles que la classe politique française en a rêvé depuis trente ans.  

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