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Les dirigeants ne rêvent plus de guerres
©Reuters

Bonnes feuilles

Chaque jour, à la télévision, dans la presse, sur Internet et dans la bouche des hommes politiques, nous sommes abreuvés du même discours catastrophiste : le chômage, la pauvreté, les désastres environnementaux, la faim, la maladie et la guerre sont partout. Et pourtant… Pourtant, l’humanité a fait davantage de progrès au cours des cent dernières années que depuis l’apparition d’Homo sapiens. Pourtant, l’espérance de vie a plus que doublé au XXe siècle, alors qu’elle n’avait pas significativement évolué auparavant. Pourtant, la pauvreté a davantage reculé au cours des cinquante dernières années que pendant les cinq siècles qui ont précédé. Quel que soit le critère considéré, on peut sans conteste affirmer que « c’est mieux maintenant ». Et il y a même toutes les raisons de croire que ce sera encore mieux… demain. (Extrait de "Non ce n'était pas mieux avant" de Johan Norberg, publié aux éditions Plon 1/2)

Johan Norberg

Johan Norberg

Johan Norberg est un écrivain, journaliste et conférencier suédois. Il s’intéresse particulièrement aux thématiques de l’économie, du capitalisme, de la libre-entreprise et des libertés individuelles, avec une approche vulgarisatrice. Il a été rédacteur en chef du magazine suédois Nyliberalen, et est l’auteur de nombreux ouvrages et documentaires télévisés, notamment pour Channel 4. Il est actuellement chargé d’études au Cato Institute, un think tank libéral basé à Washington. Il est notamment l'auteur de Plaidoyer pour la mondialisation capitaliste (2004) paru chez Plon.
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Le terrorisme est spectaculaire et effrayant. C’est d’ailleurs tout le but, comme son nom l’indique : semer la terreur. Mais il tue très peu. Son bilan n’est pas comparable à celui d’autres formes de violence comme la guerre ou la criminalité, et il ne s’approche même pas du nombre de morts causées par les accidents de la circulation. Depuis 2000, quatre cents personnes ont été tuées chaque année par le terrorisme dans les pays de l’OCDE, essentiellement en Turquie et en Israël. Il y a davantage d’Européens qui se noient dans leur baignoire, et dix fois plus qui meurent en tombant dans les escaliers.

Contrairement à la croyance populaire, la terreur est un moyen très inefficace lorsqu’il s’agit d’atteindre un but idéologique. Pendant longtemps, on l’a crue efficace à cause de la réussite de brutales campagnes anticoloniales, mais le succès de l’opposition au colonialisme ne dépendait pas du recours à la violence. En général, les campagnes violentes échouent lamentablement. La politologue Audrey Kurth Cronin a étudié quatre cent cinquante-sept groupes terroristes actifs depuis 1968. Aucun d’entre eux n’a réussi à conquérir un Etat, et 94 % d’entre eux n’ont pas pu atteindre un seul de leurs objectifs. En moyenne, une organisation terroriste ne survit pas plus de huit ans, en partie parce que les attentats contre les civils attirent l’hostilité de la population que le groupe espérait séduire : « La violence terroriste contient en elle-même les causes de sa propre condamnation. La violence parle une langue internationale, mais la dignité aussi. »

Il semble donc que, pour les terroristes, la seule victoire possible intervienne quand les victimes réagissent à l’excès, suppriment les libertés civiles et rendent des groupes entiers responsables des actions de quelques-uns de leurs membres. Cela attise les conflits que souhaitent les terroristes et rend plus facile de faire des recrues pour continuer la lutte.

La paix n’est jamais une certitude. Quand nous nous sentons menacés, notre instinct de combat ou de fuite est activé, et il est tentant de prendre les armes. Dans son livre paru en 1909, La Grande Illusion, le social-démocrate Norman Angell expliquait avec brio que les Etats industrialisés ne tireraient plus aucun avantage de la conquête territoriale, en partie à cause des liens économiques étroits entre les pays. Cinq ans plus tard, la Première Guerre mondiale éclatait, entre des nations qui non seulement échangeaient entre elles, mais dont les monarques – le roi George V, le kaiser Guillaume II et le tsar Nicolas II – étaient cousins et se fréquentaient.

Beaucoup d'experts pensent qu’une grande guerre pourrait être déclenchée si la Chine voulait affronter les Etats-Unis pour affirmer sa suprématie navale dans l’est de l’Asie, ou si une Russie revancharde tentait de reconquérir les terres perdues en Europe. Les conflits au Moyen-Orient pourraient entraîner une guerre entre les grandes puissances, et l’Inde et le Pakistan sont deux Etats nucléaires qui se menacent souvent. La fine fleur des Etats voyous comme la Corée du Nord pourrait préférer déclencher l’apocalypse plutôt que disparaître sans bruit. Enfin, la prolifération nucléaire signifie qu’il existe un risque permanent. Nous savons que certains groupes terroristes bien financés s’efforcent de tuer autant de civils que possible. L’un d’eux pourrait bien mettre un jour la main sur une arme nucléaire.

Pourtant, la tendance générale est forte. La richesse accrue, une santé meilleure, des familles plus petites, tout cela nous rend la vie plus précieuse, inspire une attitude plus humaniste et un plus vif attachement pour la paix. Le commerce a rendu les pays plus soucieux d’échanges mutuellement avantageux que de jeux à somme nulle. A quoi l’on peut ajouter un phénomène entièrement neuf parmi les démocraties libérales prospères : ce que nous pourrions appeler une paix réelle. Leurs habitants et leurs dirigeants ne rêvent même plus d’entrer en guerre les uns contre les autres, y compris de traditionnels ennemis jurés comme la France et l’Allemagne.

Il semble que les démocraties entrent très rarement en guerre les unes contre les autres, peut-être parce que les électeurs souhaitent rarement la guerre, parce que les gouvernants ont rarement à y gagner, et peut-être parce que les négociations internes sont désormais confiées à des organismes extérieurs. Les politologues Bruce Russett et John Oneal ont montré que cette paix démocratique est très forte, au moins depuis 1900. Les grandes puissances sont plus enclines à faire la guerre, même si elles sont démocratiques, mais deux démocraties ne s’affrontent pratiquement jamais. Russett et Oneal développent cette thèse et affirment qu’il ne s’agit peut-être pas d’une paix démocratique, après tout, mais d’une paix libérale, puisque le libre-échange et l’interdépendance économique ont un effet plus grand que la démocratie. Il y a paix démocratique uniquement quand les deux pays en présence sont des démocraties, alors que les effets du commerce se manifestent même quand seul un des deux possède une économie de marché ouverte. Comme l’a dit l’économiste autrichien Ludwig von Mises, si le tailleur part en guerre contre le boulanger, il devra désormais faire cuire son propre pain.

Il existe aussi des litiges entre les démocraties libérales, bien sûr, mais la différence réside dans la façon de les résoudre. L’île Hans, petite île inhabitée au milieu du passage Kennedy, entre l’île d’Ellesmere et le nord du Groenland, est revendiquée à la fois par le Canada et par le Danemark. L’armée de ces deux pays se rend sur l’île de temps à autre. Quand les soldats danois visitent l’île, ils y laissent une bouteille de schnaps danois. Quand les soldats canadiens y viennent, ils y laissent une bouteille de whisky Canadian Club et un panneau disant « Bienvenue au Canada ».

Extrait de "Non ce n'était pas mieux avant" de Johan Norberg, publié aux éditions Plon

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