Les deux guerres de l'UMP, rançon du parti attrape-tout<!-- --> | Atlantico.fr
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"Si la droite perd les municipales et les européennes, elle sera vraiment au fin fond du trou…"
"Si la droite perd les municipales et les européennes, elle sera vraiment au fin fond du trou…"
©Reuters

Tensions

La guerre idéologique et la guerre de légitimité qui font rage à l'UMP sont inhérentes au fonctionnement de ces partis attrape-tout qui ont vocation à rassembler toute une frange de l'électorat.

Alexandre Vatimbella

Alexandre Vatimbella

Alexandre Vatimbella est le directeur de l’agence de presse LesNouveauxMondes.org qui est spécialisée sur les questions internationales et, plus particulièrement sur la mondialisation, les pays émergents et les Etats-Unis.

Il est également le directeur du CREC (Centre de recherche et d’étude sur le Centrisme). Il est l’auteur de plusieurs ouvrages (dont Santé et économie, Le Capitalisme vert, Le dictionnaires des idées reçues en économie, Le Centrisme du Juste Equilibre, De l’Obamania à l’Obamisme).

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Atlantico : La primaire de l’UMP semble avoir invoqué de nouveau certains vieux démons de l’UMP sous la forme de ruptures idéologiques et d’attaques personnelles qui au-delà d’une ambiance délétère contribue à un morcellement multidirectionnel du parti. Laurent Wauquiez a accordé ce samedi une interview au Monde dans laquelle il remet en cause la légitimité de Jean-François Copé ainsi que le sens d’un éventuel vote des militants.  L’UMP est-elle devenue une simple somme des intérêts des mouvances de la droite française ? Peut-on parler d’une hydre dont chacune des têtes essaie de dévorer les autres ?

Alexandre Vatimbella : Avant de répondre à cette question, il est important d’expliquer que les propos de Laurent Wauquiez ne sont pas nouveaux et, surtout, que les dissensions traversent tous les partis de gouvernement en particulier quand ceux-ci sont dans l’opposition où ils n’ont plus à jouer leur rôle de soutien et de solidarité face au pouvoir en place qui obligent alors tous leurs membres à adopter une posture d’unité de façade, cette dernière implosant après un échec électoral.

C’est la rançon de l’organisation de ces partis attrape-tout, qu’ils aient vocation à rassembler toute la gauche, toute la droite ou tout le centre, voire des blocs encore plus large.

Ainsi au PS, les dissensions ont été fortes (n’oublions pas la rivalité Royal-Aubry, entre autres pour le poste de première secrétaire) jusqu’à l’année dernière mais elles n’ont pas empêché le parti de gagner les dernières élections puis de se mettre globalement au service du gouvernement actuel. Au centre de l’échiquier politique des leaders dont la légitimité est assise sur des partis peau de chagrin se disputent sans cesse l’appellation de «vrais» centristes. A l’UMP les batailles de personnes et de stratégies qui ont surgi l’année dernière sont donc – malheureusement et heureusement – dans la lignée du fonctionnement des partis politiques.

Malheureusement parce que, le plus souvent, l’électeur est déboussolé et n’y comprend pas grand-chose, observant avant tout que des personnes se battent pour le pouvoir, plutôt que sur les idées. Heureusement parce que, si l’on y regarde de plus près, ce sont évidemment des batailles d’hommes mais aussi d’idées (mais la sphère politico-médiatique a beaucoup plus de mal à intéresser son public avec un débat d’idées qu’avec un débat d’hommes…), ce qui n’est pas anecdotique pour un parti qui prétend vouloir revenir au pouvoir et qui doit donc préparer un programme de gouvernement qui sera un compromis, comme au Parti socialiste, entre les diverses tendances qui le composent.

Par ailleurs, comme cela a été le cas pour le PS lors des présidentielles et des législatives de 2012, les déchirements de l’UMP n’auront peut-être aucune conséquence sur les prochaines élections sachant que tous les derniers scrutins ont été des votes de défiance au pouvoir alors en place.

Dès lors, peu importe qui vous êtes, vous êtes le remplaçant obligé de ce parti au pouvoir qui est victime d’une élection-référendum. Ainsi, il vous suffit d’être dans l’opposition!

Quelle opportunité existe-t-il pour le positionnement de Laurent Wauquiez dans l’échiquier actuel de l’UMP ?

Ce que dit Laurent Wauquiez -- arrêtons la guerre des chefs, approfondissons la démocratie interne du parti et bâtissons un projet sur des valeurs fortes -- semble assez logique et assez raisonnable pour attirer vers lui une majorité de militants et de sympathisants de l’UMP.

Néanmoins, étant un outsider, sa volonté est d’abord d’acquérir une certaine notoriété et une reconnaissance qui lui permettront dans un futur proche de peser sur le parti mais pas d’en devenir le numéro un dans les mois qui viennent. On voit mal, en effet, les militants UMP choisir Wauquiez à la place de Copé si une nouvelle élection du président du parti avait lieu, ce qui semble, par ailleurs, de plus en plus aléatoire.

Imaginer un nouveau vote avec tous les risques que cela comporte – la primaire parisienne de l’UMP en est une preuve affligeante – à quelques mois des municipales et des européennes, ce serait jouer les apprentis-sorciers et donner une image d’irresponsabilité aux Français avec toutes les conséquences dramatiques à la clé pour la droite.

Dans le contexte actuel d’un rejet du gouvernement et du président de la république, si elle perd les municipales et les européennes, elle sera vraiment au fin fond du trou…

Il semble y avoir deux guerres au sein de l’UMP, une guerre de l’idéologie et une guerre de la légitimité (motions, sièges, appareil). Quelles formes prennent-elles ? Quelle est celle de ces deux guerres qui est la plus dangereuse pour la structure du parti et pourquoi ?

Dans l’absolu, une guerre idéologique est toujours plus dangereuse car, a priori, on se bat pour des idées et des valeurs différentes ce qui aboutit à une impossibilité de trouver un compromis acceptable sans compromission. Pour autant, la guerre des personnes – souvent menée sous couvert de légitimité – crée des inimitiés puissantes qui sont parfois encore plus dévastatrices que les oppositions idéologiques.

En général, dans tous les partis, les oppositions de personnes et les divergences idéologiques vont de pair car pour se démarquer de l’autre, il faut avoir un discours différent, de même que les discours différents doivent pouvoir s’incarner dans des personnalités qui s’opposent.

Mais, encore une fois, la dangerosité doit aussi s’évaluer par rapport à l’adversaire politique. Rappelons-nous en 1981 où le Parti socialiste était véritablement clivé en trois lignes politiques que l’on disait irréconciliables, une gauche marxiste et nationaliste (avec Chevènement), une gauche de pouvoir (avec Mitterrand) et une gauche libérale (avec Rocard) sans oublier la rivalité totale entre François Mitterrand et Michel Rocard.

Le rejet de Valéry Giscard d’Estaing a permis à François Mitterrand de l’emporter et de mettre sur pied un gouvernement avec les trois tendances sans régler aucune des rivalités à l’intérieur du PS. Et en 1988, Michel Rocard est même devenu le premier ministre de François Mitterrand, événement pourtant largement improbable quelques années auparavant.

In fine, il y a sans doute du vrai dans ce que prêche François Bayrou depuis 2002. C’est bien autour de l’élection présidentielle et d’une personnalité élue que se crée une dynamique et une majorité (encore faut-il qu’il y ait un parti structuré qui supporte cette personnalité au niveau logistique).

De ce point de vue, il suffira à l’UMP de trouver un vrai leader pour la prochaine échéance présidentielle dans les deux ans qui viennent et laisser, pour l’instant, à tous ceux qui peuvent prétendre à cette place, la possibilité de s’exprimer et de se confronter les uns aux autres pour acquérir cette dimension aux yeux des militants et des Français.

Qui aurait pu penser, par exemple, que Martine Aubry, écrasée lors des primaires socialistes par François Hollande, serait un des soutiens indéfectibles de ce dernier lors de la campagne présidentielle de 2012?!

Dès lors, si François Fillon était, par exemple, désigné candidat de l’UMP face à Jean-François Copé, on peut penser que le même mécanisme se mettrait en place et réciproquement. Ou si c’était Nicolas Sarkozy que tous les autres candidats du parti se mettraient à son service immédiatement.

Dans quelle mesure cela peut-il se résoudre et par quels moyens ?  Dans la mesure où ces droites se soutiendront dans les élections futures, la solution ne peut-être pas être de revenir à une droite multiple ? 

Personne n’a intérêt à l’UMP à une implosion du parti. Le morcellement, et il n’y a qu’à voir l’état du Centre actuellement, n’est pas une solution, c’est une voie quasi-certaine vers l’échec. En revanche, on peut voir, dans les années qui viennent, certains se rapprocher de l’UDI de Jean-Louis Borloo si celle-ci fait des bons scores aux municipales et aux européennes et d’autres rejoindre le Front national, si celui-ci tient la distance. Mais il semble peu probable que l’on assiste vraiment à une dissidence du genre de celle de Jean-Luc Mélenchon et du Front de gauche.

Pour autant, tout est toujours possible en politique car la rationalité est souvent mise à mal par l’émotion et les fantasmes…

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